Inaugurées officiellement le 22 septembre, elles sont le fruit du travail passionné et de collaborations initiées par ces artistes chevronnés ou moins expérimentés.
Dans ma cour, Michèle Lorrain, la résistance identitaire
De son enfance passée dans Chomedey, Michèle Lorrain a toujours gardé l’image d’une ancienne citerne aménagée dans un vieux bateau suspendu dans les arbres.
Par un procédé photographique, elle en a tiré une boîte rétroéclairée que les Vimontois peuvent s’amuser à observer de jour et de nuit à leur centre communautaire.
«C’est un objet visible de jour qui se révèle vraiment la nuit, souligne l’artiste, dont le travail a été présenté partout au pays, sans négliger la France et la Pologne. Je retournais souvent voir cette citerne qui a aujourd’hui disparu. Je l’ai documenté en vidéo, le considérant comme un symbole identitaire de mon coin d’enfance. Cartel m’a donné l’occasion de la garder vivante et d’en faire une image de résistance.»
Michèle Lorrain avait déjà collaboré avec Verticale l’an dernier, proposant l’installation La citerne dans le caveau historique des frères Goyer, des agriculteurs de Chomedey.
«J’ai noué une belle amitié avec eux, ce sont de fantastiques conteurs, confie-t-elle. Cette vidéo s’est promenée jusqu’à un événement international tenu à Toulouse!»
Belmont, Daniel Langevin, souvenir d’enfance
Construire des cabanes dans les arbres des boisés de Saint-François a été le premier contact de Daniel Langevin avec la composition picturale et sculpturale.
Dans un hommage à ces années passées dans la flore des champs de Saint-François, l’artiste a donné le nom de sa rue d’enfance à son oeuvre.
«Mon travail a été une façon de saluer, d’honorer, ces cabanes dans les arbres, de développer Daniel Langevin, dont l’art fait le tour du pays. C’est une composition abstraite dans des palettes de vert et de bleu qui rappellent le ciel et les arbres.»
L’enseignant au Collège Montmorency a trouvé exigeant le délai de quatre mois qu’ont eu les artistes pour réaliser leur création, de la conception à l’accrochage.
«Je suis encore plus heureux de voir que Belmont se retrouve au Pavillon du Bois-Papineau, ajoute-t-il. Ce lien était important avec l’arbre et la flore, ces odeurs de fleurs séchées que je garde de Saint-François et que je ne retrouve nulle part ailleurs.»
Polyèdre insatiable, Mathieu Lévesque, graffiti réinventé
Les habitués de l’aréna Chomedey peuvent désormais admirer les couleurs vives signées Mathieu Lévesque avant d’aller donner leurs coups de patin.
«Mon polyèdre ressemble à un quartz qui aurait absorbé toute la lumière autour, analyse l’artiste, dont le travail se promène à New York, Chicago et dans quelques villes d’Europe. J’ai aussi mis à contribution deux vieux collègues pour agrémenter le bas de ma murale avec trois graffitis qui marquent mes racines, aux côtés de ma démarche plus formelle et universitaire.»
Le lien esthétique demeure évident entre les différents éléments de la composition.
«Mon œuvre fait face à un parc où jouent des jeunes, note Mathieu Lévesque. Je voulais que ça leur parle, qu’ils ressentent la résonance des formes et des couleurs.»
Trajets, Frédérique Ulman-Gagné, pari ludique
S’attaquer directement à un mur armée d’un pinceau et de couleurs vives était la première expérience d’art public de Frédérique Ulman-Gagné.
L’artiste s’est intéressée au milieu de vie que représente le chalet du parc Marc-Aurèle-Fortin. Choisissant l’abstraction, elle a répété des motifs géométriques reliés par de nombreuses lignes.
«Au final, c’est proche du rêve et du monde l’enfance qui sont très présents dans ce lieu, près des jeux d’eau, relate Frédérique Ulman-Gagné, une Montréalaise qui a effectué de nombreuses résidences, notamment à Reykjavik et Saint-Jean-Port-Joli. J’ai pris conscience de tous les déplacements, les aller-retour, qui s’entrecroisent dans le quotidien des citoyens du quartier.»
Les petites familles devraient trouver leur compte dans le résultat fort coloré. Des enfants du camp de jour ont d’ailleurs participé à l’évolution de l’œuvre.
«Ça n’a pas toujours été facile, car nous avions affaire à une brique texturée et poreuse», de spécifier Frédérique Ulman-Gagné, avec un sourire de fierté.
Modu-L-Action, Roadsworth, virage industriel
Les usagers du transport en commun à la station de métro et terminus Cartier ne peuvent ignorer du regard la spectaculaire fresque qui revêt maintenant la devanture de l’aréna Cartier.
Ces structures peintes aux couleurs du logo de Laval rappellent le passage d’un passé agricole à un développement industriel récent. Les constructions ressemblent à des montages de blocs légo agencés avec méthode.
«Quand on crée une œuvre d’une telle ampleur, on a souvent le sentiment de bâtir quelque chose, raconte Peter Gibson, alias Roadsworth, un Torontois d’origine qui a réalisé plusieurs travaux urbains semblables, tant au Canada qu’à l’étranger. J’ai avancé en utilisant la géométrie atypique du mur.»
Tel que le rapporte le carton de présentation de Cartel, d’aucuns reconnaîtront dans ce «L» tridimensionnel, comme base d’une construction imaginaire, autant un hommage aux 50 ans de Laval qu’à Mosche Safdie, l’architecte d’Habitat 67.
«Que Modu-L-Action soit aussi visible pour les passants du secteur me fait oublier le défi qu’était de peindre sur une surface aussi vaste de métal ondulé, mentionne un Roadsworth soulagé. C’était la première fois que j’avais recours à une bombe de peinture sous pression.»
Familles, Rafaël Sottolichio, collage joyeux
Pour sa 8e murale extérieure, Rafaël Sottolichio n’a pas dérogé de sa démarche artistique où les photos de famille donnent le ton, tel qu’on peut le constater à l’aréna Hartland-Monahan.
«Cette fois, ma belle-mère a protesté parce qu’elle ne se trouvait sur aucune de mes murales, contrairement à ma femme et mon fils, indique l’artiste qui a étudié à Santiago et Montréal. J’ai utilisé une de ses photos. C’est important d’aller en ce sens, car l’aréna est un endroit où on se réunit entre parents et enfants. La famille, c’est la base de la construction identitaire et culturelle d’un lieu.»
Évocation des couleurs du logo de Laval, coup de pinceau géant, Rafaël Sottolichio n’a pas ménagé les effets pour donner une version contemporaine du portrait familial. Pour le bas du mur, l’artiste a reçu l’aide d’une quinzaine d’enfants du CPE Rosamie.
«Au départ, ils étaient réservés et n’osaient pas trop, il a fallu que je leur dise d’en mettre à pleins pinceaux et de s’éclater! raconte-t-il en riant. Sinon, j’aime que l’oeuvre soit figurative sans être simple. Il y a plusieurs niveaux de lecture.»