Toit de tôle délavée, peinture écaillée, fenêtres pratiquement inexistantes, aboiements persistants. Un hangar qui abrite un élevage de quelque 300 chiens, boulevard Saint-Elzéar, suscite l’inquiétude de citoyens, dont Robert Bordeleau, chef du PSC, qui lance un cri d’alarme au gouvernement. Usine à chiots ou pas?
L’établissement est dans la mire de bénévoles du Centre d’aide et de protection animalier de Laval (CAPAL), nouvellement créé, et d’Opération Félix, depuis plusieurs mois.
Ils ont fait part de leurs inquiétudes à la police municipale, au Service de l’environnement de la Ville et au maire. Certains ont fait un signalement ou une plainte à ANIMA-Québec et à la Société de prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) de Montréal.
«Cruauté»
Robert Bordeleau, ex-candidat à la mairie et chef du Parti au service du citoyen (PSC), parti opposé à l’administration Vaillancourt, est allé jusqu’à acheminer une lettre au ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Pierre Corbeil.
Le politicien demande «d’accélérer le processus» relativement au projet de règlement sur la sécurité et le bien-être des chiens et des chats, actuellement à l’étude.
Après une visite de l’extérieur de la propriété, le 19 septembre, il note une «forte odeur» et déplore l’absence d’enclos extérieurs. «Même s’il [l’éleveur] a un permis, je considère que d’élever des animaux dans de telles conditions est de la cruauté», écrit-il.
Permis valide
L’extérieur du hangar est peu avenant, mais l’intérieur n’est pas conforme aux images d’horreur propres aux usines à chiots.
Lors d’une visite impromptue du Courrier Laval, le 21 septembre, les portes étaient ouvertes sur l’allée centrale bordée de plusieurs dizaines d’enclos.
L’éleveur, Michel Gauthier, tondait une de ses chiennes. Il a répondu à toutes les questions de la journaliste et l’a invitée à visiter sommairement les lieux, à l’exception de la maternité, où les femelles gestantes et allaitantes sont gardées, avec les chiots (voir autre texte).
L’air était tout à fait respirable et ventilé, les chiens enjoués, la nourriture et l’eau abondantes. Du paillis frais avait été épandu sur le sol des enclos, dans chacun desquels grouillaient quatre à cinq chiens, surtout des femelles.
En comptant les compartiments du fond et les animaux mis à la maternité, la population s’évalue, à vue de nez, à 300 têtes. Un chiffre que M. Gauthier ne réfute pas.
«Salissage»
Au sujet des plaintes dont son établissement fait l’objet, l’éleveur estime qu’il s’agit d’«une campagne de salissage».
Vérifications faites, M. Gauthier, qui loue le local depuis 17 ans, ne semble pas être un locataire problématique. Y a-t-il des plaintes de voisins? «On n’a pas eu de commentaires négatifs, répond le fils du propriétaire, Luc S. Cyr.»
Un commerçant établi dans un bâtiment voisin, interrogé lors d’une première visite du journal, le 14 septembre, abonde dans le même sens. Un bémol, toutefois: «Ça fait quinze ans que je suis ici et je n’ai jamais vu un chien sortir.»
À l’Hôtel de Ville, on confirme que le locataire dispose d’un certificat d’occupation en règle depuis 1995. Ce permis lui permet d’exploiter un chenil, c’est-à-dire un endroit où sont logés, pour fins de commerce, trois chiens et plus.
Du côté de la police de Laval, le sergent Simon Charette souligne qu’«aucun règlement n’est enfreint» et que l’endroit est propre. Il a tout de même soumis le dossier à la SPCA de Montréal, le 6 septembre.
À ce moment, la dernière inspection remontait à août, dit le sergent. «Selon la SPCA, il n’y a rien d’anormal.»
Dossier actif
«Oui, on est dans le dossier, on travaille là-dessus, on fait des inspections», confirme Alanna Devine, porte-parole de la SPCA.
L’organisme peut procéder à des inspections en vertu du Code criminel (cruauté envers les animaux). Dans certaines régions, comme à Laval, il est mandaté par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), tout comme ANIMA-Québec, pour inspecter sur la base de la Loi sur la protection sanitaire des animaux (chapitre P-42).
«On travaille en partenariat», résume Mme Devine, qui dit ne pas être autorisée à dévoiler des renseignements au sujet des rapports d’inspection. Le même protocole est observé à ANIMA-Québec, à moins que ne soient entreprises des poursuites pénales, indique Caroline Fraser, porte-parole au MAPAQ. Ce qui n’est pas le cas de l’éleveur du boulevard Saint-Elzéar.
Mme Devine a cependant reconnu qu’une inspection avait été effectuée l’après-midi du 21 septembre, quelques heures après le passage du Courrier Laval. «Je n’ai pas eu de constat d’infraction», dit Michel Gauthier.
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