Entre le boulevard Mattawa, qui s’avance jusqu’à la pointe d’une presqu’île, à l’ouest, et la ligne de train de banlieue Saint-Jérôme–Montréal, à l’est, une vingtaine d’îles nichent dans une grande baie. «On est en plein cœur de l’archipel de Sainte-Rose», dit Guy Garand, directeur du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval.
Sur le pont mal en point qui mène à l’île Locas, l’île Lacroix nous fait de l’œil à gauche. Elle se profile tout au long de notre incursion dans la portion ouest de l’île Locas, derrière un écran ajouré d’érables argentés. Les troncs flanqués dans l’eau, ils jouxtent une forêt classée exceptionnelle qui s’étend sur cinq hectares.
Aires de reproduction
Le clou de la visite nous attend cependant vers le centre de l’île. Là, deux bassins se côtoient, alimentés par la rivière en eau et en poissons. Dans cette île privée à vendre, la rumeur d’un développement futur plane depuis nombre d’années. Les pelles se sont déjà activées, explique le directeur du CRE. Ces cuvettes sont le résultat d’une excavation en vue de couler les fondations d’immeubles à logement.
Ironie du sort, les travaux interrompus ont donné naissance à des aires de reproduction pour la faune aquatique. La carpe, la perchaude et le brochet s’y tiennent. Idem pour les tortues géographiques, qui sont une quarantaine à convoiter les rares rayons de soleil sur un tronc d’arbre, en bordure du bassin ouest. Nous devrons nous contenter de les observer à la jumelle: elles se jettent une à une à l’eau à notre approche.
Le chemin du retour permet à Laurent Brisson, botaniste de l’association de protection de la flore FloraQuebeca, qui participe à nos randonnées, de recenser quelques essences menacées ou vulnérables: micocouliers, orme liège, caryer ovale et staphylier à trois folioles.
Le photographe se joint au groupe pour la deuxième étape de la randonnée: l’île Saint-Joseph, qui fait partie d’un autre archipel, coincé entre Saint-François et Terrebonne. Un pont de bois relie l’île à la terre ferme. Les canots, c’est pour notre dernière escale, à l’île aux Vaches, un peu plus à l’est.
Marécage somptueux
Quelques maisons bordent les deux branches de la rue de la Plage-des-îles, qui pénètrent jusqu’à la moitié de l’île. Nous nous dirigeons vers la berge, pour chercher les verveux (pièges à poisson) installés dans le cadre d’une étude sur la tortue géographique, menée par l’Ecomuseum et Éco-Nature.
Pas de soleil, pas de tortues. Les nuages s’amoncellent et un vent résolument frais fouette l’île. On se console en imaginant les chèvrefeuilles tout en fleurs qu’on pourra admirer ici dans peu de temps, si dame Nature le veut bien.
Après un intermède boisé de grands peupliers centenaires alignés les uns derrière les autres, le foin de l’été dernier ouvre une voie dorée vers un marécage d’une rare beauté. Les saules sont tordus, enchevêtrés; l’eau calme épouse plus loin l’eau tourmentée de la rivière. Mystérieux et envoûtant décor, paradis des amphibiens, nid d’amour pour le poisson et la sauvagine. «Ça me rappelle les bayous d’Amérique du Sud», dit Guy Garand.
L’étape suivante nous appelle. Un urubu à tête rouge vient planer au-dessus de nos têtes. Mauvais présage? Une quinzaine de minutes plus tard, nos voitures s’arrêtent devant l’île aux Vaches, inaccessible. La rivière est trop mauvaise. Trop risqué. Un kilomètre seulement nous sépare des rapides, en aval.
Il ne nous reste qu’à rêver de pouvoir traverser cet été, et visiter la forêt d’érables noirs qui nous nargue de l’autre côté des flots. C’est le deuxième peuplement en importance au Québec, souligne M. Garand. Le froid et le vent mettent un terme aux rêves d’été. Rentrons! (Verveux) (Marécage)
Source: Éco-Nature@D