Depuis mars, pandémie oblige, les étudiants internationaux frappent un mur lorsqu’ils tentent d’entrer au Canada. Pour plusieurs, c’est donc depuis leur pays d’origine et avec un décalage horaire qu’ils suivent leurs cours en ligne cet automne.
Sauf que pour une large portion d’entre eux, cette formation à très grande distance relève carrément de l’impossible. La faible qualité du réseau Internet dans plusieurs pays ne permet pas les vidéoconférences. Pour beaucoup d’étudiants africains, notamment, il n’y a eu d’autre choix que de reporter leur inscription et d’attendre.
Bonne nouvelle, cependant, le gouvernement fédéral a annoncé mercredi dernier qu’il autorisera à nouveau l’entrée des étudiants étrangers. Or, le délai pour obtenir un permis d’études peut durer plusieurs semaines, indique le ministère canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. «On essaie d’avancer dans nos démarches, mais sans trop savoir si ça va servir à quelque chose», confie Andrélie Lossouke, étudiante congolaise inscrite à l’UQAC, mais qui a dû faire une croix sur sa session d’automne.
Nouvelles exigences
Tandis que certains tentent d’entrer au pays, «il y en a plein qui commence à partir», assure pour sa part Ibrahima Koné, coordonnateur du Collectif étudiants et travailleurs internationaux. C’est qu’avec sa réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), Québec exige désormais des étudiants une expérience de travail en sol québécois afin de pouvoir demeurer au pays. Étant donné cette exigence en pleine crise économique et des frais de scolarité annoncés à la hausse, plusieurs décident d’abandonner leur rêve québécois.
Pour ceux qui demeurent au pays, la situation n’est pas nécessairement plus simple. Sans prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, souvent sans comité d’accueil et sans réellement vivre l’expérience québécoise, «c’est très difficile», assure Christian Djoko, étudiant à l’Université Laval et impliqué dans la cause des étudiants internationaux.
«En temps normal, il y a une grande difficulté. Il y a beaucoup d’isolement et beaucoup ont du mal à s’adapter. Avec la COVID, avec la fermeture des frontières, la situation s’est aggravée», dit-il. D’ailleurs, plusieurs étudiants ne peuvent quitter le Canada pour revoir leur famille, car cela signifierait ne pas pouvoir rentrer au pays par la suite.
«Combien y a-t-il d’étudiants internationaux qui ne sont pas dans leur pays, qui n’ont pas eu le temps de se faire un cercle social, qui, en plus, doivent s’adapter au système nord-américain qui n’est déjà pas évident par rapport à d’autres systèmes, qui doivent s’adapter au système de la formation à distance, qui subissent une augmentation des frais de scolarité et par-dessus tout, le blues qu’on a souvent quand il commence à faire froid? C’est une accumulation à laquelle est confronté l’étudiant international, notamment l’étudiant international en région», résume Christian Djoko.
Plus de 4000 étudiants en moins
À pareille date, l’an dernier, 48 000 étudiants étrangers étaient inscrits dans les universités québécoises. Cette session, le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) en compte 4181 de moins. Parmi les campus les plus désertés, l’UQAC enregistre un recul de 40 % de ses étudiants étrangers, l’UQAT, 36 %, tandis que l’Université de Sherbrooke en compte 28 % de moins.
Le président du CA du BCI, Pierre Cossette, explique que les universités ont d’abord dû tirer un trait sur «tous les programmes d’échange, d’un trimestre ou d’une année». De plus, «les nouvelles inscriptions, c’est là que ça a fait mal, ont été mises sur pause». Il mise sur la rétention des étudiants aux cycles supérieurs et des chercheurs pour maintenir la bonne tenue des universités et de la recherche. «Il faut distinguer les enjeux conjoncturels des enjeux structurels.»
Qui plus est, Pierre Cossette affirme, confiant, qu’avec les nouvelles autorisations fédérales, «non seulement il va y avoir plus d’inscriptions [à la session d’hiver], mais on va garder nos inscriptions de cet automne».
(Texte de Jean-Louis Bordeleau, Initiative de journalisme local, Le Devoir)