L’ex-magnat de la construction, Tony Accurso, a pris le chemin des cellules le 5 juillet après que le juge James L. Brunton l’eut condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans.
Après une semaine de délibérations, un jury l’avait trouvé coupable le 25 juin des chefs d’accusation pour complot, fraude, corruption dans les affaires municipales et abus de confiance. M. Accurso est le seul des coaccusés du maire déchu Gilles Vaillancourt à ne pas avoir enregistré de plaidoyer de culpabilité dans le scandale du partage des contrats publics qui a longtemps sévi à Laval.
Il écope ainsi de la deuxième sentence la plus sévère imposée aux acteurs de ce système de corruption, l’ancien maire et haut dirigeant de ce réseau criminel ayant été condamné pour six ans.
Réactions
Procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Me Philippe-Pierre Langevin s’est dit «satisfait» de la peine, laquelle «reflète l’ampleur du crime qui a été commis sur une période de 14 ans».
Me Philippe-Pierre Langevin, procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).
(Photo 2M.Media – Martin Deland)
Quant au procureur de M. Accurso, Me Marc Labelle, il a indiqué qu’il présenterait, le 10 juillet, une requête pour remise en liberté et en appellerait de la condamnation de son client.
Rappelons que le Ministère public suggérait cinq ans de prison, alors que la défense espérait une peine de 18 à 24 mois à purger dans la collectivité.
Un joueur-clé
Considérant les peines déjà rendues, la Cour juge que quatre ans d’emprisonnement respectent le principe de la parité des sentences, justifiant la différence entre la sentence imposée à M. Accurso et celles infligées à René Mergl, Claude Asselin et Claude DeGuise par les plaidoyers de culpabilité de ces derniers.
Parmi les facteurs aggravants, le juge Brunton identifie le «statut de président» de M. Accurso et «l’importance de ses compagnies dans l’accomplissement de l’activité criminelle».
Citant ses interventions lors de «moments-clés des complots», survenus en 2002 et 2005, le magistrat souligne l’ascendant de Tony Accurso sur son bras droit Giuseppe Molluso – qui avait plaidé coupable l’an dernier à des accusations réduites -, mais également l’influence qu’il exerçait auprès de Gilles Vaillancourt.
En clair, le juge conclut que le système de collusion n’aurait pas duré aussi longtemps n’eut été de sa participation.
Pas de dédommagement
Par ailleurs, le juge est d’avis qu’il n’est pas approprié dans ce dossier de rendre une ordonnance de dédommagement, telle que le réclamait la Couronne.
Celle-ci suggérait que M. Accurso rembourse à la Ville de Laval la somme de 1,6 M$, montant correspondant à la ristourne de 2 % que les entreprises de Tony Accurso auraient versée aux hommes de Gilles Vaillancourt en retour de contrats municipaux totalisant 83 M$ entre 1996 et 2010.
La Cour a notamment fait valoir «qu’il n’a pas été établi que chacun de ces contrats était collusionné» tout en observant des «différences importantes» entre les contrats déposés par la poursuite et ceux identifiées dans la poursuite civile intentée par la Ville contre Accurso et ses entreprises.
«Le dossier criminel n’est pas le forum approprié pour résoudre ce mystère», a tranché le juge Brunton, qui n’a pas voulu se substituer au tribunal civil de la Cour supérieure.
À cet égard, la Ville de Laval poursuit au civil l’ex-entrepreneur de 66 ans pour une somme de 29 M$.
Ce montant correspond à une surfacturation estimée à 20 % liée à des contrats municipaux totalisant 145 M$ que les entreprises de Tony Accurso ont obtenus durant une période de 15 ans.
Conclusion
La sentence imposée à Tony Accurso met un terme au très médiatisé projet Honorer qui avait conduit, il y a un peu plus de 5 ans, à l’arrestation de l’ex-maire de Laval et 36 de ses complices.
«Un important chapitre vient de se conclure», a réagi le maire Marc Demers, «satisfait de la sentence, mais surtout du verdict de culpabilité». Il s’est également dit confiant quant à la poursuite civile intentée contre M. Accurso.
Quant à la Couronne, Me Langevin a rappelé que «le juge a pris la peine de souligner en début d’exposer qu’il s’agissait d’un des pires, sinon le pire dossier de corruption municipale qui a été porté devant les tribunaux canadiens».
Puis, mentionnant au passage les 26 plaidoyers de culpabilité prononcés par autant d’accusés dans cette affaire, le procureur de la Couronne a déclaré sans hésiter que «le dossier Honorer est un succès sur toute la ligne».