Les mis en cause sont considérés comme solidairement responsables de manœuvres frauduleuses menées entre 1997 et 2009, qui auraient permis à Nepcon d’obtenir pour 64,2 M$ de contrats publics à Laval.
En conférence de presse, le maire Marc Demers a indiqué qu’il était «essentiel d’inclure MM. Vaillancourt, Asselin et Deguise» à cette poursuite, compte tenu du rôle qu’ils auraient joué dans le système organisé de corruption et de collusion, lequel aurait sévi pendant au moins 15 ans selon les faits allégués.
De fait, l’ancien maire et les ex-directeur général et directeur du Service de l’ingénierie font face à des accusations de gangstérisme dans la foulée de l’Opération Honorer, qui avait mené à l’arrestation de 37 personnes en mai 2013.
Gilles Vaillancourt est nommément accusé d’avoir été la tête dirigeante de cette organisation criminelle.
Surfacturation
Le montant de la poursuite de 12,8 M$ correspond aux sommes jugées payées en trop à l’entreprise de construction Nepcon sur une période de 13 ans.
Une surfacturation de 20 % estimée par l’équipe de juricomptables mandatée en septembre 2014 par l’administration Demers, alors qu’on préparait la preuve contre des entreprises et individus soupçonnés ou accusés d’avoir participé aux cartels d’entrepreneurs et d’ingénieurs qui se partageaient des contrats publics.
Rappelons que Nepcon appartient à la belle-famille de Jean-Jacques Beldié, cet ex-élu municipal qui a longtemps été président du conseil d’administration de la Société de transport de Laval (STL).
Outre les 3 coaccusés de gangstérisme, le recours déposé devant la Cour supérieure vise la succession d’Anthony Mergl, président et actionnaire majoritaire de Nepcon jusqu’à son décès à l’âge de 82 ans, en juin dernier.
Sont également solidairement poursuivis son frère Ronnie et sa veuve Rose Mergl, respectivement 2e et 3e actionnaires, occupant les postes de vice-président et secrétaire de l’entreprise.
Aval de la ministre
Conformément à l’article 45 de la Loi 26, l’administration Demers a obtenu l’autorisation de la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, pour procéder à cette poursuite au civil.
Adoptée au printemps, la nouvelle législation visant à faciliter la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes dans le cadre de contrats publics accorde en quelque sorte une période de grâce de deux ans aux entreprises collusionnaires, et ce, en vertu du programme de remboursement volontaire.
C’est ainsi qu’à compter du 1er novembre, les entreprises repentantes disposeront d’une période de 12 mois pour soumettre à la ministre de la Justice une offre de règlement, suivie de 12 autres mois pour négocier et régler avec l’organisme public lésé.
Situation exceptionnelle
C’est une décision rendue, le mois dernier, par le Tribunal administratif du Québec (TAQ) qui est à l’origine de cette requête exceptionnelle de la Ville auprès de la ministre.
«Le but est de protéger une somme de 2,3 M$ que nous devions verser à la succession de feu Anthony Mergl à la suite d’une acquisition de terrain par voie d’expropriation», a expliqué le maire Demers, soulignant que le processus d’acquisition avait été initié en 2012 sous l’ancien régime de Gilles Vaillancourt.
La ministre Vallée a reconnu les prétentions de l’administration Demers, à l’effet qu’il était contraire à l’intérêt public de compenser pour 2,3 M$ une succession à qui la Ville réclame 12,8 M$ à titre de dommages liés à la fraude dans l’octroi de contrats municipaux.
La présente poursuite au civil engagée par une administration municipale contre une entreprise collusionnaire est la première du genre à découler des arrestations menées à travers le Québec ces dernières années par l’Unité permanente anticorruption (UPAC).