Le jeune homme a été contraint de fuir le continent africain parce qu’il y avait menace pour sa vie dans son pays d’origine. À son arrivée ici, il a tardé avant de demander l’asile. «Je ne savais pas comment on faisait, je n’ai pas dit les bons mots-clés… J’aurais dû le demander plus rapidement.»
David ne comprenait pas bien sa situation. «On m’expliquait certaines choses que je comprenais et d’autres que je ne comprenais pas, se remémore-t-il. Je n’ai jamais vécu ici, je ne savais pas comment ça se passait. J’ai signé ce qu’on me présentait parce que j’étais obligé de le faire. Je ne pouvais pas m’opposer à tout cela, car je ne savais pas ce qui m’attendait. Je me suis dit que pour être bien traité, il fallait être collaboratif. Il y a certaines choses que j’ai signées et que je ne maîtrisais pas nécessairement.»
Les agents ont douté de la véracité de ses explications. Son identité n’était pas assez convaincante à leurs yeux. Après de longs échanges, on l’a menotté aux mains et aux pieds et amené au CSI de Laval.
«Je suis entré dans une fourgonnette, pratiquement une cage, avec des vitres teintées en noir. Là-dedans, tu ne peux pas bouger. C’était psychologiquement choquant pour moi. Je n’ai pas volé, je n’ai tué personne, je n’ai fait aucun acte criminel… C’est de la torture morale pour une personne comme moi qui n’a jamais été arrêtée dans son pays ni même interpelée pendant quelques heures. Là d’où je viens, menotter quelqu’un, c’est très symbolique.»
Contrôle absolu
Les premiers jours, David n’arrivait pas à manger ni même dormir dans ce centre de détention hautement surveillé et entouré de clôtures et fils de barbelé. L’arrivée dans le pays d’accueil était soudainement brutale.
Il était privé de liberté dans sa cellule pendant une grande partie de la journée. «On te réveille à 6h le matin et il faut aller manger, faim ou pas, témoigne-t-il. Même si tu ne te sens pas bien, tu dois sortir pour manger. Après, tout le monde remonte dans sa chambre. Tout ce qu’il reste à faire, c’est dormir. Tout est barré, il y a juste un accès pour la toilette. Si tu n’as pas sommeil, tu regardes le plafond et tu te mets à réfléchir jusqu’à ce qu’on rouvre les portes pour aller manger.»
Comme seule distraction dans les ères communes, une table de tennis et une télévision. «Quand on nous dit de monter, il faut tout arrêter. C’est la règle.»
Les chambres sont partagées avec quatre ou six personnes, qui ne sont jamais appelées par leur prénom, mais plutôt par leur numéro de lit. David se souvient très bien du sien, un numéro qui le marquera pour toujours.
Dès qu’il prenait trop de temps sous la douche, un garde venait l’avertir, ce qui augmentait l’impression de constante surveillance et créait une certaine paranoïa.
Tourner en rond et perdre la tête
David était seul au pays, sans visite. «Il faut être fort mentalement», reconnaît-il.
Pendant son séjour, il a côtoyé des gens qui semblaient s’affaiblir psychologiquement. «J’ai vu des personnes qui ont commencé à avoir des problèmes psychologiques. J’ai vu des aînés en train de pleurer. Il y avait des gens qui parlaient seul à tout moment. À force de tourner en rond et réfléchir, on peut perdre la tête.»
Il a été témoin de plusieurs situations déchirantes. «J’ai vu un vieux sud-américain qui habitait depuis 19 ans au Canada avec sa femme et ses enfants, se remémore-t-il. Pour une question de papiers, il a dû retourner au pays. J’ai vu des familles, papa, maman et enfants. Après deux semaines, ils les ont pris et retournés chez eux.»
Intégration sociale
David affirme que tout est plus long et difficile depuis sa sortie du CSI de Laval. «Il n’y a pas de racisme pour moi, heureusement, indique-t-il. Quand je suis sorti de là, ma couverture médicale a été annulée. Ça prend plus qu’un mois pour faire les démarches, afin de la faire activer. Pour une personne dans ma situation, afin de faire quoique ce soit, il faut tout d’abord faire des examens médicaux et puis envoyer les résultats à l’immigration. Ensuite, on peut avoir accès au permis de travail.»
Malgré son calvaire, le jeune homme n’a pas perdu espoir un seul moment. «Vivre tout ça, c’était terrible. Mais je n’aime pas m’apitoyer sur mon sort. Je regardais les autres, certains avait fait sept mois, mais ils me parlaient et des fois ils souriaient… Il y en a qui sont forts, et je me suis servi des exemples des autres pour retrouver ma force.»
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