«On peut se demander s’il y a nécessité de maintenir ces audiences publiques», commentait Maude Delangis, avocate d’Auteuil et ex-candidate du Parti vert aux dernières élections provinciales, trois jours après la publication du rapport.
«Dérapage»
De son côté, le directeur du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval, Guy Garand, parle de «dérapage» du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE), en plus de souligner plusieurs contradictions et incohérences dans le document remis à la ministre de l’Environnement, le 9 mai.
Le député bloquiste Robert Carrier déplore quant à lui le peu d’impact de l’audience publique, à la lumière de l’intention affichée de l’Agence métropolitaine de transport (AMT) d’aller, malgré tout, de l’avant avec le tracé retenu en 2006, qui contourne Laval. «Je trouve ça dommage. L’AMT va faire des modifications cosmétiques, mais c’est un changement d’orientation qu’il aurait fallu.»
Ces accès de cynisme sont partagés par plusieurs intervenants, dont un ancien commissaire du BAPE, qui se sont confiés au journaliste de Radio-Canada Étienne Leblanc, dans le cadre du reportage Le BAPE contesté, diffusé cette semaine à la Première Chaîne.
La charrue devant les boeufs
Déjà en janvier, les dés semblaient jetés. L’Agence avait notamment déjà fait des démarches d’expropriation et commandé des locomotives bimodes (diesel et électricité) pour la future ligne. Cet achat ne serait d’ailleurs pas avisé selon le rapport des commissaires, qui préconisent l’électrification, afin de réduire les émissions atmosphériques.
Autre raison de douter de l’ascendant du BAPE sur le dénouement final: le mandat de la commission, tout comme l’étude d’impact réalisée par l’AMT, à la demande du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, ne visait qu’un nouveau tronçon de chemin de fer de 14,87 km à construire entre Mascouche et Repentigny, dans l’emprise de la 640.
Les commissaires ont toutefois pris la liberté d’aborder la question du choix du tracé, en concluant que «le caractère optimal de la solution retenue par l’Agence n’a pas été démontré» et que d’autres options de dessertes, y compris celle comprenant une ligne passant par l’est de Laval, devaient être réexaminées.
Cette conclusion est trop timide au goût du directeur du CRE de Laval. Il relève par ailleurs que l’AMT s’engage à effectuer une caractérisation des milieux humides traversés par la future ligne. Elle prévoit également réaliser un inventaire des nids de pie-grièche, une espèce d’oiseau menacée au Québec. «Pourquoi on ne fait pas l’inventaire et la caractérisation avant [l’audience publique]?» demande Guy Garand, un vieux routier des audiences du BAPE. Comme pour le pont de la 25, on met encore la charrue devant les bœufs, en consultant le public avant de disposer de toute l’information sur le projet, plaide-t-il.
Le directeur du CRE de Laval a décelé plusieurs contradictions dans le rapport, relativement au délai de mise en service pour le scénario comprenant une ligne lavalloise, ou à la prise en compte de la clientèle potentielle de l’Assomption, entre autres. «On dirait que ça va tellement vite, que les dossiers sont tellement politiques, qu’il manque toujours des gros morceaux. Là, on est en train de faire un train juste à saveur économique. Les aspects sociaux et environnementaux sont évacués. C’est pas ça, du développement durable!»