Une équipe de recherche internationale, dirigée par le professeur Charles Gauthier de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) à Laval, a découvert une nouvelle molécule qui pourrait révolutionner le marché des biosurfactants.
Sous le titre Total synthesis, isolation, surfactant properties, and biological evaluation of nanatosides and related macrodilactone-containing rhamnolipids, l’étude a été publiée le 4 mai dans Chemical Science, la revue phare de la Royal Society of Chemistry basée à Londres, au Royaume-Uni.
Découverte étonnante
Synthétisés à partir du pétrole, les surfactants forment l’ingrédient actif principal de la majorité des savons, détergents et shampoings.
Moins polluants et produits par des bactéries, les biosurfactants peuvent remplacer ces surfactants synthétiques.
Parmi eux, les molécules de rhamnolipides attirent particulièrement l’attention, puisqu’elles sont biodégradables, peu toxiques, peu polluantes. Elles peuvent aussi être produites à partir de résidus industriels.
«Mais il y a un hic. Elles sont produites par Pseudomonas aeruginosa, une bactérie pathogène et à risque pour l’être humain», indique l’INRS dans son communiqué.
«Si nous voulons obtenir des rhamnolipides, nous devons cultiver cette bactérie pathogène à grande échelle. Cela pose un risque pour la santé, poussant l’industrie à chercher d’autres solutions», explique le professeur Gauthier, qui s’intéresse particulièrement à la chimie des carbohydrates et produits naturels et dont les laboratoires de recherche sont situés boulevard des Prairies, à Chomedey.
Ainsi, les molécules, récupérées de cette bactérie, sont parfois mélangées à d’autres composés ou des facteurs de virulence, ce qui complexifie leur utilisation.
Pour pallier ces limitations, l’équipe de recherche a identifié des molécules semblables à celles des rhamnolipides chez la bactérie non pathogène Pantoea ananatis. Elle a également pu synthétiser ces molécules, appelées «ananatosides», en laboratoire.
Il serait ainsi possible d’en produire en plus grande quantité que par voie bactérienne. L’industrie démontre déjà un intérêt pour ces nouvelles molécules prometteuses.
Analyser la structure
Les nouvelles molécules analysées par l’équipe de Charles Gauthier se présentent sous deux formes distinctes.
La première, nommée «forme A», est dite fermée. La deuxième, ou «formeB », est ouverte.
Les molécules du premier type sont refermées sur elles-mêmes pour former une boucle. Le processus responsable de cette fermeture, appelé «lactonisation», a également été réalisé sur les rhamnolipides afin de créer de nouvelles molécules.
Les scientifiques de l’INRS ont montré que la forme lactonisée a une incidence importante sur l’activité biologique des molécules. En effet, elle diminue les propriétés surfactantes des rhamnolipides tout en les rendant toxiques.
Équipe interdisciplinaire
Soulignons que l’équipe de recherche est, entre autres, composée du professeur de l’INRS Éric Déziel, dont l’expertise sur les biosurfactants fut précieuse.
Son équipe a contribué au projet en produisant et isolant les ananatosides naturellement produites à partir de cultures de la bactérie Pantoea ananatis.
Mayri Alejandra Dìaz De Rienzo, chercheuse à l’Université Liverpool John Moores, en Angleterre, a également participé aux travaux comme professeure invitée de l’INRS. Ses connaissances en fermentation et traitement en aval des biosurfactants a permis de déterminer les propriétés surfactantes de glycolipides microbiens.
Maude Cloutier, doctorante et récipiendaire d’une bourse d’études supérieures du Canada Vanier, et Marie-Joëlle Prévost, boursière d’été du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), ont principalement contribué aux travaux de synthèse chimique en laboratoire. (B.L.)