«C’est rock-and-roll», lance Anne-Marie Royer, copropriétaire de l’entreprise serricole Jacques Lauzon et fils, située à Laval-Ouest, au sujet des nombreuses normes à respecter en temps de pandémie pour accueillir des travailleurs étrangers temporaires (TET) en milieu agricole.
Une liste de vérifications quotidiennes créée pour les entreprises agricoles par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) comporte une soixantaine de points à vérifier chaque jour.
Bien que toutes les entreprises font face, depuis un an, à une série de mesures à mettre en place pour assurer le respect des directives sanitaires, les entreprises agricoles qui embauchent des TET ont ceci de particulier : elles sont responsables de l’hébergement de cette main-d’œuvre et doivent tout mettre en œuvre pour assurer la santé et la sécurité de tous, y compris la traduction en espagnol des consignes à respecter, au travail comme au logis. Le tiers des éléments de la liste de la CNESST est d’ailleurs lié à l’hébergement.
Du travail… avant de pouvoir travailler
Chez Jacques Lauzon et fils, entreprise qui se spécialise dans la production en serres de fleurs annuelles et plants de légumes, on emploie 18 Mexicains, logés dans une maison à étage et une roulotte de chantier.
Les travailleurs sont arrivés du Mexique en janvier et février. «Ça s’est très bien passé, résume Mme Royer. On avait demandé qu’ils arrivent deux semaines à l’avance, en raison de la quarantaine obligatoire. Ils sont tous arrivés à temps, sauf deux, qui ont reçu un résultat de test positif dans leur pays. Ils sont arrivés plus tard.»
«Prendre rendez-vous pour les tests, les tests eux-mêmes qui étaient difficiles et complexes à faire, organiser les rendez-vous pour les vaccins», énumère Mme Royer pour illustrer tout le travail à accomplir avant même que les employés puissent se mettre au travail.
«On fait le mieux qu’on peut pour s’ajuster, on a mis des plexiglas dans les maisons, des produits de nettoyage, les travailleurs portent leur masque en tout temps, observent la distanciation.
«Chaque matin, on remplit une fiche pour les symptômes de tous les employés. Je pense que si on était inspectés, on serait correct», évalue Anne-Marie Royer.
Inspections plus fréquentes
L’inspection qu’évoque Mme Royer est une possible visite à l’improviste des autorités. Emploi et Développement Canada effectue des vérifications de conformité aux directives sanitaires dans les entreprises qui emploient des TET. La CNESST réalise également des inspections en lien avec la santé et la sécurité au travail en général et le respect des règles sanitaires, en particulier.
Dans une perspective de sensibilisation et de prévention, la CNESST offre par ailleurs les services de l’Escouade de prévention aux entreprises qui embauchent des TET. Des agents de prévention se déplacent dans les milieux de travail et animent des séances d’information en espagnol et en français, à l’intention des employeurs et des employés.
Les directives sanitaires en lien avec la COVID-19, de même que les risques associés aux tâches agricoles, les moyens de les prévenir ainsi que les normes du travail (salaire, repos, vacances, jours fériés, etc.) font partie des thèmes abordés.
«On a intensifié nos interventions et on collabore avec la santé publique», explique Nicolas Bégin, porte-parole à la CNESST. Les inspections-surprise sont plus fréquentes, admet-il.
«On regarde si les normes sont respectées et sinon, on demande la collaboration de l’employeur. On est humain aussi, on est capable de compréhension», souligne M. Bégin.
Stress pour les agriculteurs et les travailleurs
«Pour les producteurs, c’est un soucis de plus, il y a déjà tellement de tracasseries pour faire venir de la main-d’œuvre étrangère, observer la quarantaine, mais aussi être à l’affût de toutes les règles qui changent souvent, note Ingrid Francoeur, directrice du Centre d’emploi agricole Outaouais-Laurentides, qui dessert la région de Laval. Sans compter que [les employeurs] ne peuvent pas se permettre d’avoir d’éclosions, car ça met en péril l’entreprise.»
Mme Francoeur souligne également le stress vécu par les travailleurs étrangers.
«Ils viennent ici six à huit mois, loin de leur famille, travaillent à la chaleur, le masque dans le visage, avec le risque de tomber malade, la quarantaine, la vaccination… C’est gros.»
Au volant d’une petite voiture électrique, Anne-Marie Royer zigzague entre ses serres, salue ses employés, leur demande s’ils veulent se faire photographier pour le Courrier Laval. «Ils sont hyper travaillants, dit-elle. La majorité reviennent chaque année, on a commencé il y a environ 12 ans avec deux travailleurs. Les premiers reviennent encore. On les adore. On les gâte autant qu’on peut.»