La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec–FIQ a sondé ses membres pour déterminer quels soins les infirmières, les infirmières auxiliaires, les inhalothérapeutes et les perfusionnistes cliniques n’ont pas le temps de prodiguer.
Selon la Fédération, les réponses sont claires: leur charge de travail est déraisonnable.
83% des répondantes interrogées ont indiqué que c’est à cause de la surcharge de travail qu’elles doivent, à contrecœur, couper court et ne pas donner tous les soins dont les patients ont besoin.
«Les soins non faits, ça veut dire de l’enseignement qui n’est pas fait à une nouvelle mère qui vient d’accoucher, explique Julie Bouchard, présidente de la FIQ, par voie de communiqué. Ça veut dire ne pas avoir le temps de parler à la famille d’un patient qui vient d’apprendre qu’il a le cancer. Ça veut dire ne pas être capable de faire de la prévention auprès du patient qui va recevoir des soins à domicile. Toutes ces omissions, causées par une charge de travail démesurée, ont un réel coût humain et financier. Ce sont des patients plus malades, plus longtemps, et plus de professionnelles en soins démoralisées parce qu’elles ne sont pas capables d’agir comme elles le devraient.»
Quels soins?
La FIQ a également demandé aux répondantes de nommer avec précision les soins qui sont omis, partiellement ou complètement. Voici ce qui est ressorti:
- Seulement 65% des prélèvements ont été faits correctement. Ça peut vouloir dire une prise de sang omise. Ainsi, on n’est incapable de déterminer si le patient a un problème aux reins.
- Seulement 53% des professionnelles en soins disent être capables d’évaluer leurs patients correctement, à l’intérieur de la charge de travail qui leur est imposée. L’évaluation, ou la contribution à l’évaluation, est l’acte central le plus important des professionnelles en soins. Cette évaluation a un impact sur toutes les décisions qui vont suivre, y compris celles des autres professionnelles, dont les médecins.
- À peine 33% des répondantes ont été capables de préparer le départ de l’établissement avec le patient et ses proches, par exemple. Ça peut vouloir dire donner son congé à un patient qui a subi une chirurgie majeure, sans avoir pu correctement lui expliquer comment prendre soin de sa plaie et courir le risque de le voir revenir à l’hôpital plus mal en point.
Légiférer
«La seule solution durable à ces problèmes qui traînent depuis trop longtemps a été appliquée en Australie, en Californie et la Colombie-Britannique s’est engagée à le faire, déclare la présidente de la FIQ, dans la même communication aux médias. Il faut légiférer sur des ratios professionnelles en soins/patients et s’y tenir. Poursuivre sur la voie actuelle, c’est se vouer à l’échec. Les professionnelles en soins n’en peuvent plus et si on continue de toujours leur en demander plus, elles vont simplement aller faire autre chose. Qui pourra les blâmer? Ce qu’on vit, ce n’est pas une pénurie de main-d’œuvre, c’est un sauve-qui-peut causé par des conditions de travail exécrables.»
Les ratios professionnels en soins/patients, comme démontré ailleurs, ont pour effet, sur un horizon de quelques années, de stopper l’exode et de ramener le réseau de la santé à un point d’équilibre.
Par exemple, les ratios vont freiner le départ des jeunes professionnelles qui préfèrent quitter plutôt que de faire une carrière dans le réseau public. Ils vont notamment permettre à certaines professionnelles en arrêt de travail pour épuisement de revenir à la tâche, sans craindre de repartir. Les ratios vont retenir des professionnelles plus avancées en âge, alors qu’actuellement elles se précipitent vers la retraite.
Cette façon de faire peut également changer l’image du réseau public et va recommencer à attirer des jeunes qui cherchent une profession en soins de santé.
Méthodologie
Le sondage a été mené par la firme SOM auprès de 9663 répondantes, entre le 5 et le 23 juin.
Il s’agit d’une présentation d’un instant, du dernier quart de travail complété par les répondantes.
La répartition entre infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques reflète le membership de la FIQ.
La marge d’erreur est de 0,9%, avec un taux de confiance de 95%. (C.P./IJL)