Le Lavallois et maître en architecture Jonathan Estrade a évalué le potentiel de la construction d’un complexe de sport électronique à proximité du futur Carré Laval dans le cadre de son projet de fin d’études à l’Université Laval.
Celui-ci propose le stationnement P3 du Centropolis à titre de lieu propice pour la création de cet amphithéâtre qui abriterait notamment une salle de spectacle de 170 places, des espaces de détente, une salle d’entraînement, des corridors interactifs et une galerie des joueurs.
«Il y avait deux pôles possibles: le Centropolis ou le quadrilatère Montmorency, explique-t-il. Celui du Centropolis était le mieux adapté pour le projet, car il est plus accessible à vélo, autobus et voiture. J’ai regardé s’il y avait des lots toujours disponibles dans le Carré Laval, mais il n’y avait plus rien, donc j’ai opté pour un espace de l’autre côté de la rue.»
L’homme originaire d’Auteuil ajoute que l’intérêt de le faire sur un lot de stationnement est de réduire le nombre d’îlots de chaleur du secteur.
Il croit également que Laval est un lieu propice pour accueillir ce type de bâtiment, étant la troisième plus grande ville du Québec. Vanessa Martel, directrice du Pôle lavallois d’enseignement supérieur en arts numériques et économie créative (PLAN) partage le même avis.
«Ça contribuerait au développement du numérique dans la région, estime-t-elle. Ce complexe permettrait un meilleur arrimage entre les établissements d’enseignement et les entrepreneurs qui sont dans le milieu créatif. Ça devrait être un beau tremplin pour faire du transfert de connaissances aux étudiants, mais aussi aux citoyens lavallois.»
Pour le moment, la Place Bell est l’amphithéâtre utilisé lors de grands événements de jeux vidéo, tels que le Six Invitational qui couronne les champions du monde de Rainbow Six Siege.
Particularités
La proposition «se veut être un éden immersif exempt du temps pour les adeptes de l’expérience médiatique interactive», note M. Estrade dans sa recherche. Les notions de familiarité et d’étrangeté sont d’ailleurs au cœur du complexe.
«Le premier contact avec le projet se fait par un panneau numérique géant qui attire notre attention telle un symbole signalétique d’affichage, peut-on lire. […] L’angle unidirectionnel du pavillon de divertissement surprend aussi les passants alors que ceux-ci sont dédoublés dans un espace autre ou absent avant même de se retrouver en face du bâtiment miroir.»
La place extérieure du bâtiment se caractérise également par les différents dénivelés qui donnent une impression de sous-terrain en rappelant les origines du Carré Laval, soit la carrière Lagacé. La toiture de la salle de spectacle est quant à elle munie d’une couverture végétale qui «renforce l’idée d’un refuge imaginaire dissimulé sous la surface».
À l’intérieur, le maître en architecture lavallois prévoit un espace d’exposition qui met en valeur la culture et l’historique du jeu, «tout en servant d’espace de déambulation où tous peuvent se rencontrer».
Des aires privatives parfaitement symétriques seraient adossées à cette section, étant composées «d’espaces humides au centre, d’une aire de détente, de bureaux fermés et bureaux de travail ouverts aux extrémités». Des espaces monofonctionnels asymétriques sont aussi pensés pour servir de salles de visionnement et de production.
«À l’opposé du volume de circulation centrale se trouve la galerie des joueurs, point de repère pour la communauté des enthousiastes, poursuit M. Estrade dans sa recherche. […] À l’étage, une aire réservée aux employés figure à droite tandis qu’à gauche, deux « boîtes noires » correspondent aux salles d’entrainement privées des professionnels.»
L’ensemble de la structure se caractérise aussi par des puits de lumière diffusant un éclairage doux dans l’espace.
Intérêt mitigé
Pour le moment, l’implantation de ce type de projet sur le territoire n’est pas envisagé par la Ville de Laval.
«Il s’agit encore d’un champ d’activité dans lequel le milieu municipal n’est que très peu interpellé», soutient Nicholas Borne, conseiller municipal de Laval-les-Îles et chargé de la DGA – Services de proximité.
Il ajoute que «la pratique ne se faisant pas sur nos infrastructures municipales habituelles, il semble que le besoin en termes d’infrastructure pour […] soutenir le développement de la pratique ne se soit pas encore matérialisé en une demande concrète quant au type ou au niveau de soutien requis ou souhaité du milieu municipal».
M. Borne rappelle que Tourisme Laval a comme objectif d’attirer la venue d’événements sportifs majeurs sur le territoire lavallois et que la Place Bell est déjà «un choix stratégique très intéressant» par sa proximité des hôtels, restaurants et d’un aéroport.
Permettre la discussion
Même si son projet ne se concrétisait pas, Jonathan Estrade espère qu’il pourra au moins mener à une discussion sur l’avenir du jeu vidéo dans la région.
«Il existe déjà des bars ludiques où les gens vont jouer, rappelle-t-il. Un stade pourrait créer encore plus de rencontres. Les citoyens pourraient se pratiquer, obtenir des conseils et faire des rencontres. Ça pourrait aussi permettre à certains de mieux découvrir cet univers.»
«[Le jeu vidéo] est de plus en plus présent dans la vie des gens, affirme quant à elle Vanessa Martel. Au-delà du simple gaming avec la console, on pense à l’intelligence artificielle, au développement et à l’innovation numérique. C’est vers là que nous nous en allons. Démystifier cet univers pourrait servir de tremplin.»
M. Estrade espère également que la société cherchera à «mieux comprendre» les adeptes du jeu vidéo, plutôt que de seulement parler de dépendance. Parmi les bienfaits, il note l’amélioration de la motricité et de la persévérance, ainsi que le développement de l’esprit créatif.