Habituée d’être la première femme à gravir les échelons au sein du Service de police de Laval (SPL), non sans embûches par moments, Manon Ouellet a été nommée officiellement assistante-directrice au chef Pierre Brochet lors du conseil municipal de janvier.
En juin, l’officière débutera sa 30e année consacrée à «Servir et Protéger» la population lavalloise, tel que l’affirme la devise du SPL.
«Je suis fière de cet accomplissement, mais toute ma carrière, je n’ai jamais regardé derrière et me suis fait un honneur d’aller de l’avant», de déclarer Manon Ouellet, dans une salle du quartier général, boulevard Chomedey
L’assistante-directrice prend la relève de Dany Gagnon, parti à la retraite en début d’année. Le processus de remplacement était enclenché depuis novembre dernier.
«Ce qui est important aujourd’hui et les années à venir, c’est de supporter nos policiers en s’assurant de leur santé et sécurité dans leur travail au quotidien.»
– Manon Ouellet, assistante-directrice au SPL
Pionnière de toujours
Être la première femme à obtenir un poste supérieur est devenu une habitude pour Manon Ouellet.
«À mon arrivée comme inspectrice aux crimes majeurs, il n’y avait que des gars, raconte la policière de 50 ans. J’ai été confrontée à de la résistance, notamment de la part d’un sergent-détective très misogyne qui avait beaucoup d’influence sur le groupe et ne voulait pas d’une femme. Or ça ne sert à rien de se battre contre les préjugés des autres. Vaut mieux établir sa crédibilité à petit feu.»
Heureusement, le climat a changé au fil des décennies.
Aujourd’hui, le SPL compte 187 femmes, soit 124 agentes, 5 lieutenantes-détectives, 55 sergentes-détectives, 2 inspectrices et, désormais, 1 assistante-directrice.
«Une autre génération est maintenant là et on reconnaît que les femmes ont leur place partout, que c’est même nécessaire pour la qualité du service», note-t-elle.
Mission au Kosovo
En 2001, Manon Ouellet a été la première policière québécoise à participer à une mission de maintien de l’ordre de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Destination: les Balkans, plus précisément le Kosovo tout juste sorti de la guerre, alors que s’amorçait une enquête sur les atrocités commises durant celle-ci.
«Ç’a été neuf mois très intenses, à me faire suivre constamment dans la rue, se souvient-elle. J’avais toujours mon arme sur moi. Nous étions là pour soutenir un organisme venant en aide aux femmes battues ou violées pour être déshonorées. Je me souviens du titre d’un livre populaire chez les hommes du pays: Comment discipliner une femme?»
Avec ses collègues, la Québécoise interviendra dans de nombreux cas de violence conjugale.
«Nous avons beaucoup travaillé aussi à changer les lois, mentionne celle qui demeure toujours la seule policière du SPL à avoir fait partie d’une mission de l’ONU. J’étais invitée pour donner des entrevues dans les radios et télévisions. Le lendemain, des femmes m’arrêtaient dans la rue pour me remercier.»
Débuts émotifs
La résidente des Laurentides connaît Laval depuis quasi toujours.
Ayant grandi dans la région de Terrebonne, l’adolescente a fréquenté les écoles secondaires l’Odyssée-des-jeunes, puis Horizon-Jeunesse.
C’est d’ailleurs une amie de l’époque qui lui déclarera vouloir entrer dans la police. Cela piquera sa curiosité.
«Personne de mon entourage n’est policier, mais je voulais pouvoir me valoriser dans un travail auprès des gens. Lors des séances d’orientation, je mentais pour que sorte toujours le profil police», précise Manon Ouellet en riant.
Après une formation au cégep Ahuntsic, puis à Nicolet (École nationale de police du Québec), en 1990, elle sera embauchée à Saint-Eustache, avant de rejoindre rapidement Laval six mois plus tard, entrant à la patrouille au poste de quartier no1.
Elle sillonnera les rues de Chomedey pendant neuf ans.
«Je me souviens encore des parents d’un petit garçon qui était sorti en plein hiver, relate-t-elle. Son ami avait refusé de sortir pour jouer avec lui. Nous avions suivi les traces de ses bottes vers la rivière, avant de trouver sa tuque au sol et constater que la glace avait cédé sous lui. On avait cherché le corps avant d’aller annoncer la nouvelle à la famille.»
Parcours impressionnant
Plus tard en carrière, au lendemain d’arrestations dans un cas violent d’agression sexuelle par des frères impliqués dans le crime organisé, Manon Ouellet consultera Marc Demers, alors lieutenant, pour savoir si elle a ce qu’il faut pour devenir détective aux crimes majeurs.
«Il m’a dit de foncer, que j’étais capable, marque-t-elle. M. Demers a eu beaucoup d’importance dans ma décision.»
Marc Demers ainsi que le directeur général Jacques A. Ulysse ont d’ailleurs salué chaleureusement la nomination de Mme Ouellet, le 14 janvier dernier.
L’officière établira sa réputation dans l’unité des agressions sexuelles. «J’ai ressenti un grand sentiment d’accomplissement auprès de ces femmes», dit celle qui a contribué à faire arrêter le violeur en série Michel Cox, en 2003.
Ce dernier avait enlevé huit femmes sur la voie publique pour ensuite les agresser sexuellement, avant d’être condamné à 21 ans de prison.
Ces dernières années, Manon Ouellet a occupé divers postes de direction au SPL, étant maintenant rompue à gérer les équipes des renseignements, de la détention et du centre d’appels d’urgence 911, cumulant aussi des responsabilités plus administratives en sécurité civile et ressources humaines.