C’est ce qui est ressorti de l’audience du 6 juin de la commission Charbonneau, à la suite de la divulgation d’un document détaillé, produit par le vice-président aux finances chez Cima+, Yves Théberge.
Concédant qu’il fallait générer d’importantes sommes d’argent liquide pour les contrats qu’obtenait sa firme à Laval, le président de Cima+, Kazimir Olechnowicz, a toutefois indiqué qu’il ignorait tout du stratagème utilisé.
À sa connaissance, l’argent comptant ainsi perçu illégalement par Cima+ servait uniquement à la Ville de Laval.
«Il pourrait y en avoir d’autres, mais je ne le sais pas. Et ce que (sic) je suis convaincu, c’est que la grande majorité des municipalités ne reçoivent pas d’argent comptant», a expliqué le témoin, tout en admettant ne pas avoir fait «trop d’analyses et de recherches» pour en avoir le cœur net.
M. Olechnowicz est bien connu à Laval pour avoir, entre autres, présidé pendant de nombreuses années aux destinées de la Fondation Marcel-Vaillancourt, organisme de bienfaisance perpétuant la mémoire du père de l’ex-maire et venant en aide à la jeunesse lavalloise en difficulté.
Après les machines à café
Ce n’est que quelques années suivant la fusion avec le bureau Dupuis, Routhier, Riel en 1990 que le grand patron de Cima+ dit avoir été informé du versement d’une ristourne de 2 % à l’administration Vaillancourt.
«Si on arrête ça, on n’a plus de projets», lui aurait alors confié son ex-associé et vice-président, Lucien Dupuis.
Évoquant le témoignage de ce dernier devant la Commission en juin 2013, M.Olechnowicz a laissé entendre qu’avant la fusion, donc dans les années 1980, la firme de M. Dupuis soudoyait l’administration lavalloise à l’aide des revenus générés par les machines distributrices de café.
Dans les faits, Lucien Dupuis soutenait qu’entre 1996 et 2001, la redevance de 2 % provenait plutôt des machines à café, exploitées au siège social de Cima+, dans l’immeuble avoisinant l’hôtel de ville.
Lors de son témoignage, M. Dupuis avait minimisé la valeur de la ristourne, qu’il estimait alors à environ 15 000 $ par année. Une enveloppe qu’il remettait, selon ses dires, au notaire lavallois Jean Gauthier, lequel agissait à titre de collecteur de fonds pour le PRO des Lavallois, formation politique qui n’a pas survécu au départ de son chef à l’automne 2012.
Associés accusés
Au témoin Kazimir Olechnowicz, qui n’arrivait pas à expliquer la façon dont la société qu’il dirige s’y prenait pour générer de l’argent comptant, Me Paul Crépeau lui a soumis au sujet de la fausse facturation: «Ce phénomène-là est connu, vous avez des associés qui sont actuellement accusés.»
Outre Yves Théberge et Louis Farley, vice-présidents chez Cima+, Laval Gagnon, anciennement ingénieur au sein de la firme, figure également au nombre des 36 coaccusés avec Gilles Vaillancourt dans l’Opération Honorer, menée par l’Unité permanente anticorruption, le 9 mai 2013.
Rappelons qu’en mars 2013, le numéro 2 chez Dessau, Rosaire Sauriol, avait démissionné dans les jours suivant son témoignage devant la Commission, où il avouait avoir mis en place, dans les années 2000, un stratagème de fausse facturation afin de financer, aux mêmes fins, les contributions politiques versées en argent comptant.
Le vice-président principal démissionnaire de Dessau allait aussi entraîner dans sa chute le président et chef de la direction, son frère Jean-Pierre Sauriol.
La part du lion
Selon une enquête du Devoir, publiée en 2010, Cima+ dominait largement ses concurrents dans l’octroi des mandats professionnels, à Laval.
De 2005 à 2009 inclusivement, la société présidée par M. Olechnowicz aurait ainsi obtenu pour 31,1 M$ en contrats municipaux, devançant Dessau (19,8 M$) et Tecsult, aujourd’hui Aecom (19 M$).
Pour ces cinq années de référence, la ristourne de 2 % que devait verser Cima+ totalise la rondelette somme de 622 000 $, soit une moyenne de 124 400 $ par année.