La compagnie pétrolière canadienne inversera le flux d’un pipeline contenant actuellement du pétrole léger dirigé en Ontario en le remplaçant par un liquide beaucoup plus lourd et opaque provenant de l’Alberta traversant, entre autres, l’est de Laval et les rivières des Mille Îles et des Prairies. Le flux de l’oléoduc 9B serait augmenté de 25 %, mettant une pression supplémentaire aux conduits vieux de près de 40 ans. De 240 000 barils de pétrole acheminés par jour, on passerait à 300 000.
Plusieurs groupes environnementaux sonnent l’alarme depuis plus d’un an: les risques de déversement attribuables à l’usure du pipeline construit en 1975 et conçu pour acheminer du pétrole d’une consistance légère sont à prendre au sérieux.
Martin Archambault, enseignant à l’école Fleur Soleil ainsi que le Mouvement progressiste pour l’indépendance du Québec (MPIQ) se sont alliés dans cette bataille contre le pétrole bitumineux sous les terres lavalloises en initiant cette mobilisation citoyenne.
«C’est le pétrole le plus sale de la planète, et ça, tous les écologistes le savent», reconnaît l’enseignant.
2 écoles à 450 mètres
M. Archambault veut que la population se sente concernée par la possibilité d’un déversement dans sa cour, ce qui pourrait créer un désastre écologique et une menace importante à la santé humaine.
«Un sondage rapide à Saint-François a démontré que 90 % des gens ne savent pas qu’il y a actuellement un oléoduc et encore moins qu’il y aura une inversion du flux, indique-t-il. Je veux que les gens se questionnent pour ensuite questionner la Ville, Enbridge et les gouvernements.»
L’enseignant a d’ailleurs interpelé la Commission scolaire de Laval (CSDL) à ce sujet lors du dernier conseil des commissaires, le 19 novembre. Il a senti une ouverture de la part de Louise Lortie, présidente de la CSDL, à propos de cet enjeu.
«Elle m’a rappelé hier (vendredi) et m’a dit que l’ingénieur de la CSDL allait étudier le dossier, vérifier et poser des questions», ajoute-t-il.
Un seul élu
Aucun membre de la députation provinciale et fédérale n’était sur les lieux. Jacques St-Jean, conseiller municipal de Saint-François, était le seul élu sur place. Même s’il reconnaît ne pas avoir tout lu sur la question à l’heure actuelle, il se dit préoccupé et compte interpeler ses homologues à la prochaine séance du conseil municipal.
Il les questionnera, entre autres, sur l’élaboration d’un plan d’action du Service de sécurité incendie, dans l’éventualité d’un déversement de la matière pétrolière sur les terres de la ville.
«Quand on entend qu’il n’y a pas de problème [avec l’inversement du flux], j’ai un doute, a-t-il laissé savoir. Il y a eu des déversements ailleurs.»
Rappelons qu’un déversement de 4000 litres de produits pétroliers est survenu en 2011 aux installations d’Enbridge situées à Terrebonne. La Ville a appris près d’un an et demi plus tard l’incident survenu sur son territoire, alors que la compagnie pétrolière avait tenu la situation sous silence en récupérant la matière.
Préoccupations citoyennes
Martin Archambault a convié des membres du personnel de son école comme Jean-Paul Galbrand, stagiaire en éducation physique, qui n’a pas hésité à se joindre au mouvement citoyen.
«Les tuyaux actuels sont vieux, le liquide des sables bitumineux est encore plus lourd que le pétrole actuel, indique celui qui se sent interpellé, entre autres, par la sécurité des élèves de son école. Les risques que ça fissure, que ça brise, qu’il y ait un écoulement sont assez élevés.»
Une résidente de Sainte-Rose, Anne-Marie, se tient au courant des développements entourant les plans d’Enbridge depuis près d’un an.
«On est allés à la marche à Sorel-Tracy, on a assisté à des conférences de scientifiques sur les projets des oléoducs et ça nous tente de nous impliquer dans notre milieu, affirme-t-elle. Il y a beaucoup de marches à Montréal, mais je trouve ça important de faire entendre les citoyens d’ici. C’est une problématique environnementale très préoccupante.»
Nager dans le pétrole?
Guy Breault dort sur ses 2 oreilles depuis près de 40 ans, même si le pipeline passe derrière chez lui. «Je n’ai jamais vu de dégâts, a-t-il indiqué. Ce tuyau-là est à 12 pieds sous terre. Je l’ai vu se faire poser. Il y a une surveillance. Qu’est-ce qui ne comprend pas de risque? Il y en a dans tout.»
Il avoue qu’il ne saurait que faire d’une fuite majeure dans son voisinage. «J’imagine que je nagerais dans le pétrole. Je n’en sais pas plus.»