Connu du grand public par ce personnage de peu de mots qu’il marmonne tout en mâchouillant son éternel bout de cigare, Yves Trudel campe cette fois un retraité de banlieue nettement plus loquace dans la pièce Les 2 derniers Maurice, où il donne la réplique à Pierre Collin dans un dialogue de sourds que l’on dit «farfelu, loufoque et même absurde».
Le personnage qu’il défend combat son anxiété par l’humour, alors que son vis-à-vis est dépeint comme un «Ti-Joe Connaissant qui aime se prononcer sur tout, sans y comprendre grand-chose».
Humour noir
Copains depuis 30 ans, ces deux banlieusards, travailleurs syndiqués à la retraite, issus de la première génération de propriétaires de bungalow, se retrouvent chaque mercredi soir pour partager leurs états d’âme autour d’un verre. Tassés «sur la voie de service, ils sont désemparés», explique Yves Trudel.
Dépassés par les événements, les deux comparses commentent un monde et un voisinage en pleine transformation qu’ils peinent à intégrer. De droite, xénophobes pour ne pas dire un peu racistes et s’adaptant difficilement au changement, les deux derniers Maurices sont nostalgiques d’une époque qui, à leurs yeux, a pris fin avec le décès de Maurice «Rocket» Richard, «le héros silencieux, emblème d’un peuple sur le point de disparaître», poursuit Yves Trudel qui signe, avec Hugo Cialdella, les textes auxquels Pierre Collin a collaboré.
Sans le filtre de la sacro-sainte rectitude politique, ces Québécois «pure laine» aux préjugés bien arrêtés parlent de tout et de rien, notamment de l’immigration. «Un peuple avant de crever a le droit de crier», lance Yves Trudel dans un coup de gueule digne de son grand pote, le cinéaste Pierre Falardeau.
Reste que cette pièce tragi-comique fait davantage rire que pleurer. «Il y a autant de gags dans cette pièce aux allures de stand-up que dans plusieurs spectacles d’humour», assure l’auteur et comédien Yves Trudel. «On essaie de démontrer que deux vieux comédiens sont capables d’être aussi fous et rythmés que de jeunes humoristes».