Manger trop sainement peut nuire à la santé. Depuis la fin des années 1990, un nouveau trouble alimentaire est apparu dans nos sociétés: l’orthorexie.
Cette nouvelle obsession se situe, non pas au niveau de la quantité, mais de la qualité de l’alimentation. Les chercheurs parlent d’une dépendance à la nourriture saine.
Préoccupations de notre société
La porte-parole de la Direction régionale de santé publique, Martine Caza, déclare que: «l’orthorexie n’est pas un problème de santé publique, car elle ne touche pas une masse populationnelle. Elle ne fait pas partie de la classification internationale des maladies de santé mentale», ajoute-t-elle.
«Bien qu’elle ne soit pas reconnue par le manuel de classification des troubles mentaux (DMS 4), on en parle de plus en plus», poursuit la nutritionniste Josée Guérin, qui a fondé en 2005 la clinique psychoalimentaire à Laval.
Selon Mme Guérin, qui enseigne aussi à l’Université de Montréal, «cette nouvelle pathologie est générée par toutes les préoccupations alimentaires de notre société».
Une alimentation rigide
«L’alimentation des personnes atteintes d’orthorexie est très rigide. Son impact peut se traduire par un isolement – celles-ci refusant d’aller au restaurant ou chez des amis», note la nutritionniste et psychothérapeute.
«Les orthorexiques planifient aussi leurs repas plusieurs jours à l’avance», ajoute-t-elle, précisant que ces comportements peuvent être précurseurs ou associés à de l’anorexie mentale.
Le test de Bratman
En l’an 2000, le docteur californien, Steve Bratman, est le premier à présenter ce phénomène dans son livre, Health Food Junkie.
M. Bratman a élaboré un questionnaire pour déterminer si une personne est atteinte d’orthorexie. Les dix questions du test se rapportent à notre façon de s’alimenter: «Passez-vous plus de trois heures par jour à penser à votre régime alimentaire?»; «Votre régime alimentaire gêne-t-il vos sorties, vous éloignant de votre famille et de vos amis?»
D’autres font référence au plaisir de manger: «La valeur nutritionnelle de votre repas est-elle plus importante que le plaisir de le déguster?» Une orthorexie est retenue si le nombre de réponses positives est supérieur à quatre.
Souffrance psychologique
«Selon la vulnérabilité des personnes, leur état d’anxiété, manger sain peut devenir une source de souffrances psychologiques, reliée à l’isolement, au perfectionnisme ou à l’obsession», poursuit Mme Guérin.
La nutritionniste indique toutefois que son équipe soigne très peu d’orthorexiques dans sa clinique. «C’est quelque chose de bien vu dans la société. Ces personnes vont consulter lorsque ça prend trop de place dans leur vie. Par contre, je connais des gens orthorexiques en dehors», dit-elle.
Prendre du plaisir
Josée Guérin explique que ce comportement est lié «à l’impact de la société de performance, aux politiques nutritionnelles de manger santé et aux alicaments».
«Oui, cela peut être intéressant d’améliorer son alimentation, pour autant que celle-ci reste normale. On peut prendre du plaisir sans être parfait», conclut-elle.