Devant les membres de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), ils devront prouver le bien-fondé de leur requête visant à régulariser leur situation, eux qui opèrent actuellement un service de traiteur et une salle de réception à l’intérieur de leur établissement situé en zone agricole permanente.
Cette pratique a beau être conforme en tous points au schéma d’aménagement de la Municipalité régionale de comté, la présente demande d’autorisation pour un usage à une autre fin que l’agriculture est loin d’être une formalité.
En fait, bien que les requérants soient appuyés dans leur démarche par le Syndicat de base des producteurs agricoles de Laval, le comité consultatif agricole lavallois et l’administration municipale, et que le voisinage n’y voit plus aucune objection, Jean-François, Manon et Léo Taillefer semblent partir avec deux prises contre eux.
CPTAQ en défaveur
Dans un rapport préliminaire déposé le 29 mai dont le Courrier Laval a obtenu copie, la CPTAQ considère, après examens des documents versés au dossier, que la demande de Château Taillefer Lafon devrait être refusée.
La Commission justifie sa position par le souci de «préserver l’homogénéité de la communauté agricole concernée et pour maintenir au maximum les conditions favorables au développement de l’agriculture». On estime que l’activité commerciale découlant du nouvel usage réclamé serait nuisible à l’exploitation agricole aux alentours.
On prend également en compte la localisation de la propriété qui se trouve «en marge de la zone non agricole» et qui «fragilise, jusqu’à un certain point, la pérennité agricole de ce secteur».
La Commission ajoute qu’elle «se doit d’être prudente et vigilante avant d’introduire toute activité de nature commerciale sans un lien étroit et solide avec les activités agricoles présentes – ce dont elle n’est pas convaincue ici – afin d’éviter de contribuer à la déstructuration à long terme du secteur».
Toujours dans l’avis préliminaire, on évoque une autorisation que la CPTAQ a accordée dans le passé pour une demande similaire à Saint-Eustache, en soulignant toutefois quelques différences majeures qui avaient valu l’aval de la Commission. Entre autres, la localisation spécifique du bâtiment de vinification et de réception qui avait joué pour beaucoup dans la décision favorable, de même que «le lien direct entre les auteurs de la production agricole, de la transformation et de la distribution, ce qui est loin d’être évident dans le présent cas», termine-t-on.
Zonage amendé
Au printemps dernier, à la demande du vigneron Jean-François Taillefer, la Ville modifiait son règlement de zonage afin d’autoriser l’exploitation d’une salle de réception avec service de traiteur à l’intérieur de son établissement. Ce changement de zonage est une étape incontournable avant toute démarche auprès de la Commission de la protection du territoire agricole.
Mais dans l’esprit de protéger la quiétude du voisinage, on a pris soin d’enchâsser dans le règlement une série de conditions restrictives régissant la nouvelle activité commerciale, tel que le réclamait le voisin immédiat du vignoble, le gentleman-farmer Me Robert Ouimet. Entièrement satisfait de la nouvelle version du règlement, celui-ci qui s’était montré ferme lors de l’assemblée consultative tenue en août 2006 s’est depuis rallié au projet de M. Taillefer.
L’aire de stationnement qu’on souhaiterait aménager sur une superficie de 15 000 pieds carrés ne devra, selon le nouveau zonage, être accessible que par la montée Champagne.
Argumentaire
Situé au nord de l’avenue des Bois, à l’ouest de la montée Champagne et au sud du rang St-Antoine, le vignoble Taillefer Lafon compte actuellement 23 000 vignes matures.
Ses producteurs, qui estiment doubler cette année à 40 000 bouteilles de vin la production de l’an dernier, auront fort à faire pour infléchir l’orientation préliminaire de la Commission qui leur est défavorable.
Il est superflu de dire combien ils comptent sur l’autorisation de cet usage autre qu’agricole, lequel occuperait 40 % de la superficie de leur château.
Pour eux, le fait de pouvoir utiliser leur établissement, un bâtiment agricole rappelons-le, aux fins de réceptions et de profiter d’une cuisine de restauration commerciale pour réchauffer et apprêter les plats préparés par des traiteurs est un moyen d’écouler sur place une partie de la production vinicole. C’est d’ailleurs en raison du fait que cet usage non agricole est lié en partie à une activité agricole que la Commission de la protection du territoire agricole n’a pas jugé bon de rejeter la demande sur le champ.
Enfin, advenant que les commissaires restent sur leur position initiale, les requérants déboutés dans leur demande auraient 30 jours pour en appeler de la décision devant le tribunal administratif du Québec.
Fichier: Château
Fichier: Vignes