«Les jeunes vivent des périodes de stress pendant l’adolescence, notamment avec les études ou l’intimidation, indique-t-il. Aussi, Laval est une ville multiethnique et parfois, les enfants issus de communautés culturelles vivent un choc intergénérationnel et n’adhèrent pas nécessairement à des valeurs traditionnelles. Cela crée des situations familiales tendues et des enfants qui veulent quitter leur milieu.»
La liberté avec un grand «L»
Parents considérés comme trop sévères, mauvaises notes à l’école, toutes les raisons sont bonnes pour s’enfuir. Mais quel est concrètement le message envoyé par ces jeunes?
«C’est l’autonomie, la liberté, exprime André Mayer, directeur des services de réadaptation au Centre jeunesse de Laval. Ça veut dire “je suis capable de m’organiser et faites-moi confiance”.» Ce dernier observe une augmentation du phénomène chez les adolescents plus âgés et près de leurs 18 ans, hébergés aux centres Notre-Dame-de-Laval et Cartier, où on retrouve 220 personnes.
La fugue est donc utilisée pour un jeune comme un moyen de vérifier sa place dans sa famille, de tester son autonomie ou sa capacité à vivre seul et de manière plus indépendante. Elle permet la recherche d’un milieu qui va le reconnaître et le valoriser.
Montréal est un endroit très prisé par les fugueurs lavallois. Les jeunes peuvent s’y déplacer facilement en transport en commun et à peu de frais. Le plaisir, l’offre des bars et l’accessibilité à la drogue sont des éléments qui peuvent amener à fuir, d’après l’expérience du sergent Frédéric Jean.
«Les grosses villes amènent un sentiment de liberté plus grand et les personnes pensent que la chance d’être rattrapée est plus petite, observe-t-il. La grande ville, lorsque tu es mineur, est un attrait, même si c’est juste pour errer.»
Quelques heures à peine
Lors de ses années sur la route, Frédéric Jean a observé que la soif de liberté est souvent de courte période. En effet, avant même que le rapport de police soit complété, la personne est parfois déjà localisée et revenue d’elle-même.
Selon André Mayer, la grande majorité des fugues durent moins de 24h. Depuis le 1er avril, c’est 217 fugues sur 368 qui ont duré à peine quelques heures,au sein du réseaudu Centre jeunesse. Leur nombre a également diminué de 20 % par rapport à l’année passée.
«On lui donne un délai d’une heure pour voir où il est, mais à partir du moment où il devait être de retour et ne l’est pas, il est considéré en fugue, ajoute M. Mayer. Cela inclut des jeunes qui ne reviennent pas d’une sortie autorisée.»
Les jeunes hébergés au Centre jeunesse ont des difficultés plus importantes que les adolescents vivant dans leur milieu de vie naturel. Pour ces jeunes, la fugue peut prendre un sens plus dramatique à l’occasion.
«Des jeunes vont se mettre en danger plus facilement, observe M. Mayer. Avec la proximité de Montréal et le phénomène de gangs, on tente avec le service de police de s’associer de façon plus serrée dans nos interventions.»
Un lien de confiance
Selon André Mayer, les fugues diminuent lorsqu’il y a un lien qui se créer avec le jeune et son équipe d’éducateurs, ce qui l’amène à parler de ce qui se passe dans sa vie, ses craintes et appréhensions.
«Le jeune qui n’a personne vers qui se tourner va souvent trouver la fugue comme une solution à ses difficultés.»