Un texte de Corinne Laberge
Oasis de verdure dans le quartier Pont-Viau, le Jardin collectif Bousquet est bien garni et coloré. Haricots, carottes, tomates ananas, zébrées et autres surprenantes variétés; la terre redonne pleinement à ses jardiniers. Un petit groupe qui a dû veiller à ce que son potager, privé d’approvisionnement en eau, ne souffre pas avec la chaleur et le peu de pluie du dernier mois.
Dotés d’un pouce vert aiguisé, Monique, Yvon et Marcel partagent une passion pour le jardinage aussi communicative que palpable. Ils ont démarré ce projet en 2013, offrant la possibilité à des familles lavalloises d’avoir des légumes biologiques frais à moindre coût.
Le jardin collectif, contrairement au jardin communautaire où chacun sème et cultive son propre espace, appartient à tous les membres. Une heure trente de travail est demandée par semaine à titre de contribution individuelle. Les récoltes sont ensuite divisées en parts égales entre les jardiniers.
«Cette année, on est allé chercher 500 $ de légumes par personne, déclare fièrement Monique Bertrand, l’une des instigatrices du Jardin collectif Bousquet. Et on n’a pas fini encore!» C’est elle qui a la charge de l’inventaire parmi les responsables. Le mardi, jour de récolte, les légumes sont comptés un à un et séparés en portions pour les membres. COVID-19 oblige, cet été ils sont 8, mais en temps normal le groupe est formé de 15 à 20 participants.
Au-delà de la dimension alimentaire, le potager est rassembleur pour la communauté.
«Ça aide énormément les familles et il y en a qui ont besoin, raconte Mme Bertrand. Ce jardin a été pensé justement pour soutenir les gens qui n’ont pas beaucoup de sous. Mais ce n’est pas rien que pour les légumes. Ça brise la solitude et fait sortir les résidents du quartier. Ils viennent voir et s’intéressent.»
Précieuse ressource
Si le portrait brossé jusqu’ici ne soulève que le positif entourant cette initiative citoyenne, il n’en demeure pas moins une ombre au tableau: l’eau. Un élément essentiel pour cultiver. De mai à octobre, c’est un enjeu au quotidien sur la rue Bousquet.
«Avant, on avait la permission de se brancher sur la borne fontaine, explique Monique Bertrand. Et, du jour au lendemain, on n’avait plus le droit. Le service incendie nous le défend parce que c’est dangereux.»
Le problème d’accès à l’eau est récurrent depuis. Pourtant, la Ville – qui a apporté son soutien dès le départ, en accordant notamment une parcelle du parc Bousquet et par l’aide issue des démarches de la revitalisation urbaine intégrée (RUI) Pont-Viau – avait «trouvé une solution», stipule un courriel envoyé par la conseillère municipale Sandra Desmeules en octobre 2016.
«Malheureusement, il nous est impossible, pour une question de logistique, d’amener les infrastructures d’eau de la ville jusqu’au jardin, peut-on lire. Cependant, nous avons trouvé une solution! Étant donné l’absence d’accès à une source d’eau, le service de l’environnement propose de vous remettre trois barils de récupération d’eau de pluie. Ils vous seront remis au printemps 2017.»
Une alternative qui peut fonctionner, dans la mesure où le camion-citerne s’arrête fréquemment remplir les barils, car les quantités de précipitations ne sont pas suffisantes pour les besoins en arrosage. Un employé passait régulièrement au commencement, mais ce n’est plus le cas. En outre, la génératrice qui alimente la pompe nécessaire pour transporter l’eau des barils au jardin s’avère être bruyante et très peu écologique.
Obtenir l’accord du propriétaire d’un immeuble d’appartements situé en face et passer un long boyau d’environ 200 pieds à travers la rue semblait une option appropriée. Les jardiniers ont toutefois appris que c’est interdit. Alors que, dans les circonstances, il s’agit de la méthode la plus efficace pour irriguer le potager selon eux.
«Ils viennent remplir les barils de temps en temps quand ça leur tente, résume Mme Bertrand. On est un peu délinquant, mais on n’a pas d’eau et on ne sait plus à qui s’adresser. Alors on s’est arrangé pour en avoir.»
L’arrosage, loin d’être une tâche optionnelle, a une incidence sur le rendement, mais aussi la qualité des récoltes. Sans le boyau qu’il ne sont pas autorisés à acheminer jusqu’au jardin, les plants auraient été affectés. Impossible de compter sur la pluie.
«On a 28 bacs dans le jardin. Arroser ça ici, à 4 personnes, c’est au moins une grosse heure et demie», lance Yvon Lusignan, le conjoint de Monique. Leur voisin Marcel Cormier, un ancien fermier, complète le trio. Il a d’ailleurs réalisé de ses mains la structure à l’entrée du jardin et bien d’autres items.
En attendant de trouver une solution définitive pour amener l’eau au potager, le bonheur de récolter après la saison 2020 annulée est quant à lui d’autant plus grand.