Quatre députés provinciaux étaient de passage au Collège Montmorency, le 29 mars, pour discuter de l’avenir de la question nationale.
Pendant deux heures, Catherine Dorion (QS), Catherine Fournier (indépendante), Dominique Anglade (PLQ) et Christopher Skeete (CAQ) ont exposé leur vision et répondu aux questions provenant de l’auditoire, composé d’une centaine d’étudiants réunis dans la Salle Claude-Legault.
Identité et diversité
Au cœur de l’actualité, les controversés projets de loi sur l’immigration et la laïcité de l’État se sont invités lors des échanges avec le public.
Quelques intervenants y voyaient une menace à la cohésion sociale et au vivre-ensemble. Heurtée dans ses valeurs, une étudiante déplorait le clivage que cela creusait entre Montréal et le reste de la province, alors qu’un autre s’inquiétait des effets que cela risquait d’avoir sur la montée d’une extrême droite au Québec.
«Quand la majorité de la population désire un changement, un gouvernement responsable doit écouter, s’est défendu le député caquiste de Sainte-Rose, Christopher Skeete, en évoquant l’interdiction du port de signes religieux chez les employés de l’État en position d’autorité. C’est plus dangereux de ne pas agir et d’ignorer le problème. Ça fait 12 ans qu’on parle de ça.»
Par ailleurs, il a insisté sur le fait que l’abaissement des seuils d’immigration à 40 000 personnes par année est une mesure «temporaire» qui permettra à l’État «de les aider à mieux s’intégrer».
Sur la question du voile, que les fonctionnaires soient en situation de coercition ou pas, la solidaire Catherine Dorion est d’avis qu’«il ne faut surtout pas les enlever de l’espace public». Tout en saluant le courage des femmes qui le portent, la députée de Taschereau a fait valoir «la responsabilité gouvernementale à aller contre les mouvements racistes qui montent partout en Occident. Il faut être vraiment vigilants.»
À cet égard, la critique libérale en matière d’immigration, Dominique Anglade, estime que les politiques soutenues dans ces projets de loi divisent et créent de la dissension plus qu’elles ne rassemblent. Mais d’entrée de jeu, la députée d’origine haïtienne avait fait preuve d’optimisme, citant le romancier Amin Maalouf qu’elle dépeint comme l’auteur qui l’a «le plus réconciliée avec la question de l’identité».
«La terre d’accueil n’est ni une page blanche ni une page achevée, c’est une page en train de s’écrire, résumait-elle en s’adressant à cet étudiant issu de la diversité culturelle qui constatait les difficultés d’intégration d’immigrants québécois. La société change au quotidien et on la construit ensemble autour d’une appartenance commune qu’est la langue française.»
Ex-députée péquiste, siégeant désormais comme députée souverainiste indépendante, Catherine Fournier a abondé dans le même sens que sa collègue libérale, précisant que le Québec est «un bon modèle» d’intégration tout en concédant qu’il reste «encore beaucoup de chemin à faire». Elle faisait, entre autres, référence à la faible représentativité des communautés ethnoculturelles tant dans les médias, émissions de télévision que sur la scène culturelle. «Le fait que la diversité ne soit pas aussi importante [que les Québécois dits de souche] a un impact sur la capacité de se projeter.»
Pour ou contre l’indépendance
En conclusion, chacun était appelé à partager sa vision quant à l’avenir de la question nationale au Québec.
Catherine Fournier a réitéré sa conviction souverainiste, le moteur de son engagement politique. «Peut-on avoir de l’ambition pour le Québec?» a demandé celle qui rêve du jour où les Québécois s’affranchiront d’Ottawa «pour protéger et promouvoir leurs intérêts et prendre réellement leur place sur la scène internationale». Elle est convaincue que le Québec a tout ce qu’il faut pour faire entendre sa voix et changer les choses à l’échelle de la planète, notamment en matière d’environnement.
Pour Dominique Anglade, le Québec joue «un rôle de leader au pays» sur plusieurs fronts, preuve qu’il peut rayonner au sein de la fédération canadienne. «Ce sont nos ressources humaines qui seront le nerf de la guerre pour l’avenir tant d’un point de vue culturel, social qu’économique, a-t-elle affirmé, ajoutant qu’on avait attiré les meilleurs talents à l’étranger pour l’avancement de notre société. La question nationale restera par définition à l’avant-plan au Québec, mais ce n’est pas par-là que passe [notre] avenir.»
Quant à Catherine Dorion, elle ne perd pas espoir de voir un jour le Québec devenir indépendant. «La souveraineté, ce n’est pas compliqué à faire. Depuis 1980, il y a 40 nouveaux États qui ont fait leur entrée à l’ONU», a-t-elle rappelé en invitant les souverainistes à militer pour faire grimper ce désir autour d’eux. Elle soutient que l’émergence de mouvement sociaux liés à des enjeux tels la lutte aux changement climatiques et aux inégalités sociales est un moyen efficace de mobiliser la population et susciter un nouvel intérêt pour le projet d’un pays.
Enfin, Christopher Skeete reconnaît que «la souveraineté aura toujours sa place au Québec parce qu’il y aura toujours des gens comme mon beau-père qui rêvent d’un pays même si ce n’est pas rationnel». La présence de partis souverainistes perpétuera cette option et il s’en réjouit, car «cela va permettre au Québec de tirer davantage son épingle du jeu et d’aller chercher des pouvoirs pour protéger sa langue, sa culture, sa façon unique d’être dans le monde».