Du 1er janvier au 1er juillet, l’Agence des Services frontaliers du Canada (ASFC) a tenu entre ses murs à l’établissement de la Montée St-François quelque 606 individus, hommes, femmes et enfants.
Au Canada, la détention est systématique pour les personnes âgées de 16 ans ou plus qui ont été désignées comme faisant partie d’une «arrivée irrégulière» par le ministre de la Sécurité publique.
En 2012-2013, près de 50 % des individus incarcérés pour des motifs d’immigration au pays (9571) étaient des demandeurs d’asile (4128), ayant pour la plupart tenté d’échapper à la persécution dans leur pays d’origine. Selon l’ASFC, «la détention est un outil d’exécution de la loi efficace contre ceux qui cherchent à contourner les processus d’immigration et est préventive plutôt que punitive».
Mexique, France, États-Unis
Les personnes de nationalité mexicaine se retrouvent le plus souvent détenues, au nombre de 641, depuis 2010. Viennent ensuite celles de nationalités française et américaine. Depuis 4 ans, quelque 221 Français ont été détenus à Laval, de même que 254 Américains.
«C’est certainement un risque de fuite, mais il peut y avoir aussi un problème d’identité, indique Jacqueline Roby, conseillère en communication à l’ASFC. Il faut savoir qu’il y a aussi beaucoup plus de Français et d’Américains comme étrangers présents au Canada que n’importe quelle autre nationalité.»
Enfants en détention
Des familles complètes se retrouvent au CSI de Laval. Hommes, femmes, mères et enfants sont séparés. La durée de détention moyenne est de 20 jours pour les adultes et environ 10 jours pour les mineurs, représentant ainsi 1,9 % de toutes les personnes détenues par l’ASFC. Les jeunes enfants incarcérés plus de sept jours reçoivent une scolarisation avec un enseignant qui se déplace au CSI.
Dans un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Canada (HCR), publié en 2012, sur la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada (projet de loi C-31), adoptée la même année, l’organisation mentionne que «la détention peut affecter le bien-être physique et mental des enfants et accroître leur vulnérabilité». À cet effet, «les États doivent s’abstenir de détenir des enfants ou y recourir en dernière analyse comme mesure de dernier recours et pour une durée la plus brève que possible, en considérant l’intérêt supérieur de l’enfant».
L’ASFC affirme que les enfants sont placés en détention «en dernier recours seulement et uniquement après que les agents aient soigneusement considéré ce qui est le mieux pour eux». Après quoi, un transfert de l’enfant aux services provinciaux de protection de l’enfance est effectué.
Obstacle à l’intégration
L’incarcération des personnes migrantes est un obstacle majeur à l’intégration sociale, d’après le directeur général d’Action Réfugiés Montréal, Paul Clarke.
«Les Canadiens en détention savent pour combien de temps ils sont là, indique-t-il. Ils peuvent décider de finir leur secondaire ou apprendre un métier. Mais les personnes immigrantes ne savent pas combien de temps elles resteront en détention. Cela peut-être plusieurs semaines ou plusieurs mois. Parfois, elles n’ont pas le temps de débuter un cours de français ou d’anglais et sont renvoyées. Elles sont souvent là, à ne rien faire.»
Toujours selon le rapport du HCR, «il n’existe pas de preuve empirique qui démontre que la détention dissuade la migration irrégulière ou décourage des personnes à demander l’asile. La détention peut également créer des difficultés accrues à l’intégration dans le pays d’accueil pour les personnes en besoin de protection».
Croix-Rouge et ONU
La Société canadienne de la Croix-Rouge et le HCR font un suivi, quelques fois par années, sur les conditions de détention à Laval. Les deux organisations non gouvernementales s’assurent que les normes nationales et les obligations internationales sont satisfaites et que les personnes détenues ont droit à un traitement humain. Elles émettent ensuite au gouvernement des recommandations, qui ne peuvent être rendues publiques ou médiatisées, par souci de neutralité.
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