Voilà ce que révélait au Téléjournal, le 11 mai, la journaliste Marie-Maude Denis dans le cadre de l’enquête que mène Radio-Canada sur la collusion et la corruption dans l’industrie de la construction. «That’s it, that’s all. C’est ça ou t’as rien mon gars», relate le copropriétaire du marché d’alimentation, Michel Dépatie, à propos du message qu’on lui aurait fait passer. Un peu plus loin, il explique que «ce qu’on m’avait dit à l’époque, c’est que tout passait par M. Dupuis, toute transaction».
Le sympathisant des Hells Angels Ronald Beaulieu, que l’on présente comme un proche de Jocelyn Dupuis, était de la rencontre, précise-t-on dans le reportage.
Commission de 10 %
S’il a accepté de verser les 200 000 $ exigés, c’était «pour assurer la survie» de son entreprise, qui étouffait dans son ancien local trop étroit du boulevard de la Concorde.
«C’était mon unique chance de pouvoir me relocaliser», ajoute du même souffle l’épicier.
Rencontré à son commerce jeudi matin, deux jours après la diffusion du percutant reportage, Michel Dépatie, l’air visiblement secoué, s’est refusé à tout commentaire.
Sur le portail d’information Branchez-vous.com, il est mentionné que Michel Dépatie cherchait à obtenir un prêt de 2 M$ du Fonds de Solidarité FTQ pour financer son projet.
Dans le reportage diffusé mardi, un autre entrepreneur affirmait, à visage découvert, que Ronald Beaulieu lui avait exigé la rondelette somme de 500 000 $ en retour d’un prêt de 5 M$ du Fonds de Solidarité FTQ.
MM. Jean Lavallée et Jocelyn Dupuis, alors président et directeur général de la FTQ-Construction, lui auraient personnellement confirmé la chose, assure l’entrepreneur qui n’a finalement jamais donné suite à son projet d’investissement.
Réactions
Dans une lettre adressée à Radio-Canada par ses avocats, Tony Accurso, qui a vendu à Métro à l’automne 2004 son terrain au coût de 5,5 M$, dit n’avoir jamais eu connaissance d’une commission de 200 000 $ versée à Jocelyn Dupuis.
Le 11 mai, le Fonds de solidarité FTQ réagissait au reportage de Radio-Canada, affirmant que «ni le Fonds, ni ses entités n’ont été mis au courant de demandes de pots-de-vin, et encore moins de paiements par des entrepreneurs, à qui que ce soit».
On enchaîne:«Si de tels événements s’avéraient exacts, ils se seraient produits à l’insu du Fonds et cette situation serait totalement inacceptable et hautement répréhensible. Le cas échéant, les entrepreneurs qui auraient participé à ce genre de pratique devraient s’en plaindre aux autorités compétentes».
Il est également précisé qu’«aucun des dossiers évoqués par la journaliste n’ont fait l’objet d’investissements du Fonds ou de ses entités», que «les dossiers ont été refusés par les professionnels du Fonds pour des raisons d’affaires» et que «les actionnaires du Fonds n’ont ainsi nullement été lésés dans aucun des dossiers».
Dans le cas du terrain où se dresse aujourd’hui le marché Dépatie, à deux pas de la station de métro Montmorency, on avise que le Fonds immobilier n’en était plus propriétaire au moment de la vente à Métro. Jusqu’à ce qu’il se départisse de ses parts, le Fonds FTQ était codétenteur de ce terrain hautement convoité avec son partenaire d’affaires dans la société en commandite Montmorency-Laval, Tony Accurso.
Soutenu par les gouvernements
Fondé en 1983, le Fonds de solidarité FTQ, qui dispose d’un actif net de 7 milliards de dollars, est une société de capital de développement faisant appel à l’épargne et à la solidarité de plus d’un demi-million de Québécois, qui en sont propriétaires-actionnaires.
Investissant dans les entreprises d’ici dans le but de créer, maintenir ou de sauvegarder des emplois, le Fonds offre aux Québécois des avantages fiscaux non négligeables. De fait, une contribution en actions au REER du Fonds donne droit à un crédit d’impôt totalisant 30 % à Québec et à Ottawa du montant investi, et ce, jusqu’à concurrence de 1 500 $.