Installé dans Vimont depuis 30 ans, résident permanent au Canada depuis 1967, le père de 3 enfants, tous mariés et parents, devra quitter son foyer ce vendredi 16 septembre à moins que les ministres John McCallum (Immigration) et Ralph Goodale (Sécurité publique), ou le premier ministre Justin Trudeau, ne soient cléments à son endroit.
«Nous cherchons un appui de compassion humanitaire, de confier Nellie Torre, la fille de Michele Torre. Bien que mon père n’a pas commis d’autres infractions pénales et est entièrement réhabilité, Immigration Canada a décidé de le renvoyer en Italie. Même notre député nous a dit avoir rencontré un mur quand il a soulevé la question. Personne n’a encore répondu à nos lettres.»
Criminalité passée
Condamné pour trafic de cocaïne en 1996, une accusation à laquelle il avait plaidé coupable aux côtés du chef mafieux Frank Cotroni sénior et le fils de celui-ci, sans oublier Giovanni Marra, propriétaire du café qu’il lui avait acheté deux ans auparavant, Michele Torre a purgé une peine de huit ans et neuf mois.
«Après ma sentence, je n’ai eu que des bons rapports de mon agent de libération conditionnelle André Harvey, de dire M. Torre. On m’avait même dit que je n’étais pas considéré comme une personne à risque. Pourtant, ils ne trouvent aucun des documents qui plaidaient tous en ma faveur.»
Du côté du gouvernement fédéral, «la décision de renvoyer une personne du Canada n’est pas prise à la légère, répond brièvement Dominique McNeely, conseiller en communications de l’Agence des services frontaliers du Canada. L’ASFC accorde une très grande priorité aux cas de renvoi portant sur des questions liées à la sécurité nationale, criminalité organisée, aux crimes contre l’humanité et à la criminalité».
«Selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les mesures de renvoi doivent être exécutées le plus tôt possible, ajoute-t-il. L’ASFC est déterminée à le faire.»
Notons qu’en 2006, Michele Torre avait été arrêté dans le cadre de l’opération Colisée qui visait la mafia italienne. Cependant, il n’avait été reconnu coupable d’aucune infraction.
Histoire de citoyenneté
La famille estime que c’est en 2012, quand Nellie Torre a voulu que son père l’accompagne aux États-Unis que les problèmes ont débuté.
«Je savais qu’il avait un dossier et que pour passer la frontière, il fallait demander un pardon, en plus de la citoyenneté qu’il n’avait pas encore», indique-t-elle.
Michele Torre raconte qu’en 1978, son dossier de citoyenneté était accepté, mais qu’il n’avait pu se rendre à cette rencontre en raison de son travail. «Depuis ce rendez-vous manqué, je laissais toujours ça en suspens, mentionne-t-il. C’était pas si important pour nous à l’époque. Jamais la citoyenneté ne m’a été refusée. De plus, ma femme, mes sœurs, mes parents, ils sont tous citoyens canadiens!»
Le 27 mars 2013, le Lavallois est convoqué aux bureaux de Citoyenneté et Immigration Canada, rue Saint-Antoine, à Montréal.
«Je pensais que c’était pour régler enfin mon statut de citoyen canadien et voilà qu’on m’annonce que je fais face à un départ forcé!» de se rappeler celui qui travaille dans la construction comme homme à tout faire après de nombreuses années en restauration.
«Notre plus grande frustration est là, continue Nellie Torre. Si on avait expulsé mon père en 1996, nous aurions pu partir dans un autre endroit pour établir notre famille. Ce délai est déraisonnable et inhabituel. Des documents ont disparu et de nombreux autres ont été détruits.»
Si la mesure de renvoi est maintenue, le sexagénaire laissera derrière lui son épouse Ernesta Talaia Torre, avec qui il est marié depuis 42 ans, ainsi que ses 3 enfants et 6 petits-enfants.
Dernier recours
Dans cette affaire, l’avocat Stéphane Handfield défend Michele Torre. Le juriste affirme n’avoir jamais vu pareil abus de procédures en 24 ans de pratique spécialisée dans des cas d’immigration. D’ordinaire, les demandes d’interdiction de séjour ne dépassent jamais un délai de deux ans.
«Sans cette demande de 2012, il n’y aurait jamais eu de problème, convient-il également. On déterre un vieux squelette dans le but d’empêcher un homme d’obtenir sa citoyenneté. Quand il était sorti de prison, des agents avaient dit à M. Torre qu’il était résident permanent depuis longtemps, que s’il n’était plus jamais condamné, il n’aurait pas de problèmes.»
Surtout, un Me Handfield incrédule s’interroge sur le délai que prend une demande de parrainage effectuée par l’épouse de M. Torre en septembre 2014.
«Ça fait deux ans qu’on attend! On ne peut pas faire ça à un homme qu’on a laissé s’établir ici et dont on va anéantir, décimer la famille. M. Torre habite ici depuis plus de 50 ans, il n’y a pas d’urgence. C’est pourquoi nous demandons au moins de suspendre le renvoi en attendant la décision dans ce dossier de parrainage», d’observer Me Handfield qui pense aussi faire une demande de sursis judiciaire.