La députée sortante de Vimy, Eva Nassif, est sortie de son mutisme, affirmant pour la première fois avoir été tassée par le Parti libéral du Canada (PLC) à moins de trois semaines du déclenchement des élections.
Dans une entrevue publiée le 25 septembre par le Globe and Mail, Mme Nassif dit avoir été «punie» pour avoir refusé – au printemps – de publier sur sa page Facebook un message en appui à son chef Justin Trudeau que les conservateurs qualifiaient de «faux-féministe» à la suite de la défection de deux ministres libérales, Jane Philpott et Jody Wilson-Raybould, dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin.
M. Trudeau a vivement réfuté les allégations de son ancienne députée lavalloise, alors qu’il faisait campagne en Colombie-Britannique, soulignant l’indépendance du comité chargé d’étudier les demandes de candidature.
Intimidation et harcèlement
Dans cette même entrevue, Eva Nassif décoche des flèches à l’endroit de ses trois ex-collègues députés de Laval qui lui auraient fait subir du harcèlement et de l’intimidation au cours des trois dernières années, selon ses dires.
Directement visés par ces allégations, Yves Robillard (Marc-Aurèle-Fortin), Angelo Iacono (Alfred-Pellan) et Fayçal El-Khoury (Laval-Les Îles) n’ont retourné ni les appels ni les courriels du Courrier Laval.
Toujours selon ses propos rapportés par le quotidien torontois, Mme Nassif se serait plainte une première fois en août 2016 auprès du whip du Parti, Andrew Leslie, et du caucus libéral féminin lors d’un lac-à-l’épaule tenu par le PLC au Saguenay, puis une seconde fois le 28 mai à l’occasion d’une conversation téléphonique avec Justin Trudeau.
Dans une lettre datée du 7 juin – qu’elle a transmise au Globe and Mail – et adressée à son chef, la députée sortante de Vimy résume la teneur de leur entretien téléphonique tenu 10 jours plus tôt. «Depuis que j’ai été élue députée en 2015, j’ai toujours eu l’impression que mes collègues députés ne me prenaient pas au sérieux et me traitaient avec dédain et condescendance. Je comparerais cette dynamique à la culture du boys’club. J’ai commencé à me sentir intimidée à un point tel que je ne pouvais plus l’ignorer», écrit-elle.
Dans sa missive, note le Globe, Eva Nassif revient sur la retraite du caucus en 2016, rappelant à M. Trudeau qu’il avait alors fait mention aux élus d’un cas d’intimidation rapporté et qu’un tel comportement devait cesser.
Dans un discours prononcé le 7 mai 2018 aux Communes, la députée de Vimy aurait même témoigné du fait qu’elle avait été victime d’intimidation en se gardant toutefois d’identifier qui que ce soit.
Quant à savoir si les instances du Parti avaient pris au sérieux ces allégations et mené une enquête à l’interne, notre demande média adressée au PLC, le 27 septembre, est restée sans écho.
PDG destitué
Par ailleurs, le dimanche après-midi 29 septembre, le PLC destituait le président-directeur général de l’Association libérale de la circonscription de Vimy, Giuseppe Margiotta. Ce dernier, qui a toujours soutenu Eva Nassif, en a été informé par courriel.
Le sous-comité du Conseil national chargé d’examiner la conduite des membres du conseil de direction des associations de comté justifie cette décision par le double refus de M. Margiotta d’appuyer la candidature d’Annie Koutrakis et de transférer les fonds de l’Association à son agent officiel, ce qui est contraire aux règlements du parti.
En entrevue au Courrier Laval, l’ex-président reconnaît qu’à la suite d’un vote majoritaire des membres de l’exécutif il y a une dizaine de jours, il a été décidé «de ne pas appuyer la nouvelle candidate parce que le Parti libéral n’a pas suivi les règles».
Contrairement à l’usage, dit-il, ni lui ni aucun officier de l’exécutif n’a été consulté avant la nomination de la successeure d’Eva Nassif. Puis, une fois nommée, «personne ne nous a appelés ni envoyé un courriel, déplore Giuseppe Margiotta. On l’a su via le site du Parti».
Au sujet de Mme Koutrakis, il n’avait «aucune idée de qui était cette dame», dit-il en la qualifiant d’«inconnue parachutée».
Quant aux quelque 80 000 $ qui se trouvent dans les goussets de l’Association, M. Margiotta soutient que «l’exécutif devait se rencontrer et prendre une décision», ajoutant du même souffle que le président n’a pas le pouvoir de transférer une telle somme sans une résolution du comité exécutif. Le trésorier de l’Association libérale de Vimy aurait aussi été destitué.
Sans explication
Celui qui présidait aux destinées de l’Association libérale de Vimy depuis 2015 n’a jamais digéré le sort réservé à la députée sortante, Eva Nassif, larguée par le Parti le 21 août dernier.
«On trouvait bizarre que ça traîne, dit-il au sujet de son investiture, rappelant qu’il avait écrit aux instances du PLC afin que la députée soit rapidement confirmée candidate à sa réélection. D’autant plus que «Mme Nassif avait depuis avril 2018 rencontré ses objectifs de porte-à-porte, levée de fonds, nouveaux membres et du Fonds de la victoire», assure M. Margiotta.
Il réfère ici aux conditions exigées au nouveau processus d’investiture mis en place chez les libéraux, selon lesquelles les députés en poste et leur équipe de bénévoles devaient frapper à un minimum de 3500 portes ou faire 5000 appels téléphoniques, recruter un minimum de 30 nouveaux donateurs mensuels et amasser la moitié des fonds requis pour la campagne locale de 2019.
«Elle avait toutes les raisons pour être là, fait-il valoir. Elle est aimée par tout le monde. Pourquoi ils l’ont tassée? Pour moi, elle ne fait pas partie de la clique», termine-t-il.
Quant à la principale intéressée que nous avons jointe le 25 septembre, elle a coupé court à notre appel téléphonique qui la sortait d’une réunion, disait-elle, non sans s’engager à nous rappeler. Elle n’a pas donné signe de vie depuis, ne retournant ni appels ni courriels.