Voilà le constat dressé par la vérificatrice générale, Michèle Galipeau, lors de la présentation de son rapport annuel, le 10 août.
Au cours de la dernière année, Mme Galipeau et son équipe se sont notamment penchés sur la gestion de l’excédent de fonctionnement affecté (40,7 M$), des réserves financières (325,5 M$) et des fonds réservés (49,6 M$).
D’entrée de jeu, la vérificatrice générale a rappelé qu’en vertu des lois municipales et des principes de saine gestion financière, les municipalités peuvent conserver une partie de leurs surplus à des fins particulières, soit pour financer de projets futurs ou simplement pour se doter d’une marge de sécurité afin de se parer aux situations exceptionnelles.
Lacunes et déficiences
Cela dit, les travaux d’audit ont révélé différentes lacunes en matière de gestion, d’encadrement et de suivi au niveau de ces sommes réservées.
Outre l’absence de politiques de gestion, l’absence de reddition de comptes constitue aussi un enjeu de transparence autant pour les citoyens, les élus, les gestionnaires que pour ceux qui contribuent aux différents fonds et réserves, souligne la vérificatrice générale.
En contravention avec l’article 569.3 de la Loi sur les cités et villes (LCV), deux règlements sur un total de neuf ayant soit constitué ou modifié une réserve financière ont été adoptés sans être soumis à l’approbation des personnes habiles à voter, observe-t-elle.
«De plus, quatre règlements ainsi qu’une résolution ne prévoient pas de montant maximal pour la réserve, mais plutôt un montant annuel, et le respect de l’article 569.5 de la LCV qui prévoit un plafonnement pour l’ensemble des réserves financières n’a pu être validé.»
En contrepartie, le Bureau du vérificateur général (BVG) note «des améliorations apportées à la façon de gérer les investissements depuis janvier 2015», ajoutant que «la Ville devra poursuivre dans cette direction et se doter d’une politique de gestion de la trésorerie et d’un mécanisme de suivi».
Val-des-Brises
Le Bureau du vérificateur général a, entre autres, documenté le cas de la réserve pour la réalisation des travaux de construction de l’échangeur Val-des-Brises, dont le solde s’élevait à 14,4 M$ au 31 décembre 2015.
On y apprend que les règlements visant sa création en 2009, puis sa modification en 2014 ne précisent nullement le montant maximal pouvant être prélevé auprès des citoyens.
Provenant d’une taxe spéciale imposée sur les immeubles du secteur, cette réserve financière qui devait prendre fin au plus tard le 31 décembre 2014 a été reconduite jusqu’en 2019 «sans que l’ampleur des travaux à réaliser ne semble avoir été modifié».
Dans son rapport, la vérificatrice générale soutient qu’«il serait important de procéder à une mise jour [des travaux à effectuer] avant d’adopter un règlement imposant une taxe aux citoyens de l’ensemble du territoire ou d’un secteur déterminé».
Selon Mme Galipeau, «il y aurait lieu d’entreprendre une analyse détaillée de toutes les réserves financières et de mettre en place des mécanismes de contrôle pour s’assurer que les citoyens sont taxés à l’avance seulement pour des dépenses qui fluctuent ou pour des projets futurs et que le niveau de taxation est approprié».
Service de l’eau
Autre exemple étayant le rapport, la réserve pour le service de l’eau.
Principalement constituée des revenus de la taxe spéciale annuelle qui rapporte bon an mal an 20 M$, elle affichait un solde de 162,2 M$ à la fin du dernier exercice financier.
Or, en se basant sur les investissements de 44 M$ projetés au Plan triennal d’investissement (PTI) 2016-2018, Mme Galipeau estime que cette réserve atteindra 179 M$ à la fin 2018.
«Qu’est-ce qu’on va faire avec ça? Pourquoi on persiste à taxer?» questionne-t-elle tout en précisant que les réserves financières servent essentiellement à niveler dans le temps la taxation afin de répartir le financement d’importants projets d’investissement à venir.
La vérificatrice relève également ce cas précis où la Ville a décidé d’emprunter 79 M$ pour financer des travaux à une usine d’épuration d’eau plutôt que de puiser dans sa réserve. Le prix de cette décision: 3,6 M$ en intérêts.
«On peut faire le choix, mais il faut le justifier, le documenter […] Je ne comprends pas pourquoi on a fait ce choix-là», indique-t-elle.
Explication
Réagissant à ces constats, le maire Marc Demers juge «importantes» l’ensemble de ces recommandations qui «soulèvent réflexion», reconnaît-il.
Toutefois, M. Demers justifie la décision de ne pas réduire les taxes et de maintenir la réserve foncière à son niveau actuel notamment par l’imposant «défi de 400 M$» que représentent les surverses, ce phénomène par lequel les eaux usées se déversent dans nos rivières lors de très fortes averses.
«Héritage des pratiques passées, c’est un problème qui nous hante, un frein au développement économique. On en a fait notre priorité», dit-il, spécifiant que son administration veut s’y attaquer coûte que coûte.
Par ailleurs, M. Demers rappelle son engagement à augmenter de façon significative le taux de réalisation des investissements prévus au PTI, lequel se chiffrait autour de 40 % sous l’ancienne administration. «Il n’y a pas eu taxation inutile», assure-t-il.
Réaction
Pour le chef de l’opposition officielle, Jean-Claude Gobé, et la conseillère Aglaia Revelakis, l’audit par la vérificatrice générale confirme leurs dires.
«Nous avons martelé durant les deux dernières années que les surplus et les réserves financières devaient être gérés de façon efficiente afin de ne pas hausser le fardeau fiscal des citoyens.»
Même son de cloche du côté des indépendants Pierre Anthian et Alain Lecompte, qui font valoir que la Ville n’est pas là pour engranger les surplus.