Rebondissement, mardi soir, dans la saga entourant le milieu humide d’intérêt de la forêt du ruisseau Barbe visé par un projet de développement industriel et résidentiel dans Fabreville.
«En 2019, l’administration [Demers-Boyer] a eu l’occasion de signaler son opposition au ministère [de l’Environnement], mais elle ne l’a pas fait. À cette époque, elle n’a rien fait pour protéger le ruisseau Barbe, pour freiner le projet ou pour dissuader le Ministère d’octroyer le certificat d’autorisation CA-22 au développeur.»
Voilà ce que dénonçait dans un communiqué publié tout juste avant la séance du conseil municipal le conseiller de Fabreville et chef par intérim de Parti Laval, Claude Larochelle.
Dans des documents obtenus via la Loi d’accès à l’information, on apprend que le développeur, le Groupe Cliffton, a fait parvenir à la greffière de la Ville, Me Valérie Tremblay, une copie de sa demande de certificat d’autorisation (CA-22) le 27 février 2019, tel que le prévoit la loi.
Pas au courant
Interpellé par M. Larochelle, le maire Stéphane Boyer a indiqué qu’il n’en savait rien.
«Au niveau politique, on a entendu parler de ce dossier-là la première fois il y a quelques mois lorsque le CRE [Conseil régional de l’environnement] est venu nous rencontrer», a-t-il assuré.
Cela dit, M. Boyer a réaffirmé qu’au moment d’analyser la demande d’autorisation et de délivrer le CA-22, le Ministère était parfaitement au fait des intentions de la Ville.
Rappelons que le Règlement de contrôle intérimaire (RCI) assurant la protection et la conservation des milieux humides d’intérêt, dont l’écosystème du ruisseau Barbe, avait été adopté en juin 2020. Quant à l’autorisation ministérielle, elle a été accordée un an plus tard, le 12 juillet 2021.
Sévère critique
«Est-ce normal que rien n’a remonté au comité exécutif?», a questionné Claude Larochelle en insistant sur le fait que les services du Greffe et de l’Environnement ont vu passer les demandes de CA-22 visant un terrain situé au cœur d’un grand milieu humide d’intérêt que la Ville s’apprêtait à protéger.
Dans son communiqué, le leader de Parti Laval revient sur les récentes démarches entreprises par le maire auprès du ministre Benoît Charette dans l’espoir de sauver le boisé.
«Le problème est que rien n’a été fait à l’époque où il était encore possible de changer les choses. Ce n’est pas en 2022 qu’il fallait alerter le gouvernement, c’était il y a trois ans, en 2019, quand la demande de permis de remblayage a été faite, que notre Règlement de contrôle intérimaire n’était pas entré en vigueur et que l’on connaissait la présence de ce milieu humide.»
Une fois le certificat d’autorisation octroyé, le ministre de l’Environnement ne peut plus exercer son pouvoir discrétionnaire, a souligné M. Larochelle lors de la période de questions citoyennes où l’avenir du boisé du ruisseau Barbe a retenu l’attention une bonne trentaine de minutes. «On a eu cet après-midi [13 septembre] de la Direction générale exactement la confirmation de cette situation-là: on ne peut pas, malheureusement, demander au ministre de révoquer le certificat d’autorisation.»
Les solutions toujours possibles demeurent l’imposition d’une mise en réserve ou le recours à l’expropriation, mais la facture sera salée, a poursuivi l’élu de Fabreville, qui reproche à la Ville d’avoir «manqué le bateau» en août 2020 alors que «ce terrain a été vendu pour une somme de 9,4 M$».
Peu d’espoir
Invoquant le pouvoir lié au gouvernement supérieur, le maire Boyer a rappelé que la Ville n’a pas la liberté d’agir à sa guise.
En refusant de délivrer le permis de construction, Laval se ferait poursuivre et perdrait en cour, lui a affirmé le Service des affaires juridiques. «On ne peut pas arrêter légalement le projet […] On doit respecter les décisions de Québec, les droits [du promoteur] et dans ce dossier-là, les valeurs sont beaucoup trop élevées pour qu’on puisse en faire l’acquisition ou aller en expropriation», a exposé Stéphane Boyer.
Quant à la suggestion citoyenne de recourir au nouveau Programme national des corridors écologiques, le maire a fait valoir que les coûts d’expropriation «pourraient facilement dépasser» l’enveloppe totale de 60 M$ disponible pour l’ensemble du pays.
Il a terminé en s’engageant à explorer toutes nouvelles pistes qui pourraient poindre tout en concédant que les espoirs étaient plutôt minces.
Chronologie des événements
29 novembre 2018
Demande de certificat d’autorisation (CA-22) au ministère de l’Environnement et de la lutte aux Changements climatiques (MELCC) en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE).
20 décembre 2018
Premier d’une série d’échanges de courriels entre le promoteur et un employé du service de l’Environnement de la Ville de Laval concernant une demande de CA adressée au MELCC.
27 février 2019
Transmission d’une copie de demande de certificat d’autorisation par le promoteur au service du Greffe de la Ville de Laval.
2 juin 2020
Le conseil municipal adopte un Règlement de contrôle intérimaire (RCI) protégeant de toute construction plus d’un millier d’hectares de milieux humides de grande valeur à Laval.
8 juillet 2021
Le promoteur paye une contribution financière au montant de 4 056 608,96 de dollars en guise de compensation calculée conformément à l’article 46.0.5 de la LQE.
12 juillet 2021
Le Ministère autorise le remblayage d’une superficie de 68 782 mètres carrés de milieux humides sur six lots situés au quadrant nord-est des autoroutes 440 et 13 en vue d’un développement industriel et résidentiel.