Dans son essai Nous méritons mieux : Repenser les médias au Québec, l’animatrice et productrice Marie-France Bazzo offre une longue réflexion sur les médias québécois, leurs failles et comment les sauver de leur complaisance.
La journaliste émérite ne se gêne pas pour critiquer avec force, avec franchise, voire avec candeur, les médias du Québec. C’est d’ailleurs parce qu’elle leur voue un grand amour qu’elle se permet d’être aussi incisive. Elle croit que le public québécois mérite des médias plus curieux, plus diversifiés, plus représentatifs et plus innovateurs. Et en lisant ses arguments, on lui donne raison.
Le problème : le désamour
Pour Marie-France Bazzo, le plus grand problème que rencontre nos médias est le désamour du public. «C’est la désaffection des lecteurs, des auditeurs, des téléspectateurs par rapport aux médias. Ils s’en méfient. Ils se disent: « Ça ne m’intéresse pas. Je peux trouver mon information ailleurs, me divertir ailleurs. »»
Elle croit que cela est dû à la complaisance des médias. Ceux-ci présentent toujours les mêmes talents (les fameux A), les mêmes formules, qui deviennent diluées et fades, et les mêmes opinions, campées d’un côté ou de l’autre mais devenues prévisibles. Résultat : le public ne se voit plus dans ses médias. «Il se dit: « Vous ne me parlez pas. Vous ne me ressemblez pas. Vous ne vous intéressez pas à moi. »»
La solution : la diversité
Selon l’animatrice aguerrie, la solution pour contrer ce désamour est la diversité. En fait, «toutes» les diversités : ethniques, culturelles, d’âge, géographiques, de sujets, etc. Pour ce faire, il faut d’abord que les médias tendent l’oreille à leur public et fassent preuve d’audace.
«Écoutez, pour une fois, ce que les gens ont à dire! Observez pourquoi ça marche ailleurs, pourquoi les balados sur des sujets nichés et pointus, dont on ne parlerait jamais à la télé, sont si populaires. […] Ça serait l’fun de voir des émissions par et pour des enfants, ou de voir des milléniaux avec des baby-boomers. Pas pour faire un débat générationnel, mais simplement parce que ces gens se côtoient dans la vraie vie.»
Les médias régionaux
La productrice télé déplore également que, trop souvent, les grands médias se préoccupent d’abord des grands centres, en particulier Montréal, au désavantage des autres régions. «La radio et la télé, malheureusement, sont trop centralisés.»
Non seulement croit-elle que les gens à l’extérieur de Montréal devraient être mieux représentés, mais qu’ils y ont droit. Après tout, nous finançons tous directement ou indirectement, par le biais de nos taxes et de nos impôts, tant les médias publics que privés de la province. «On devrait montrer tous les territoires québécois, à nous-mêmes et à l’extérieur.»
Sans compter que, même pour les Montréalais, cette homogénéité de l’information manque de saveur. «À Montréal, on parle de ce qu’on s’imagine intéresse tout le monde… mais ça devient abstrait!»
À ce titre, les médias régionaux pourraient faire partie de la solution, grâce à leur proximité et à leur couverture des préoccupations locales. Ils apportent des points de vue et des enjeux différents. «Même la publicité est beaucoup plus voisine qu’à Montréal, où ce sont seulement des grandes enseignes!», illustre-t-elle, avec une pointe d’humour.
«Se calmer le pompon»
Marie-France Bazzo rappelle que cette crise des médias n’est pas unique au Québec. «C’est une crise sociale qu’on vit un peu partout en Occident. Il y a une polarisation des médias, et dans la société.» Toutefois, même si cette polarisation crée bien des heurts dans les démocraties à travers le monde, la journaliste est moins inquiète pour le Québec.
«Honnêtement, je suis optimiste. On n’a pas le choix au Québec. On est beaucoup moins nombreux qu’aux États-Unis ou en France. Cette polarisation, elle ne pourra pas durer. On arrive très rapidement confronté à notre voisin, à notre collègue de travail. Ça devient invivable. Un moment donné, il faut s’écouter mutuellement et se rencontrer, réfléchir la société québécoise pour tisser des liens. Je crois qu’on peut y arriver.»
(Texte de Simon Cordeau, Journal Accès, Initiative de journalisme local)