Le Courrier Laval a contacté les organismes environnementaux et groupes de citoyens particulièrement concernés par la mise en valeur et la protection du boisé du Trait-Carré, question de les faire réagir à la décision de l’administration Boyer d’y implanter une école primaire.
Le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval, CANOPÉE – Le réseau des bois de Laval, Les Amis du Trait-Carré et Les Amis du Boisé du Souvenir s’étaient d’ailleurs mobilisés il y a deux ans pour sonder les Lavallois et ainsi guider les autorités municipales en vue d’un éventuel plan de conservation et d’aménagement de ce boisé voisinant avec le centre-ville.
Essentiellement, 80 % des 902 répondants rejetaient tout projet de construction d’école ou de bâtiment communautaire; même que 9 personnes sur 10 (92 %) jugeaient pertinent que la Ville acquière les lots contigus au boisé afin d’agrandir la zone de conservation et consolider la canopée.
Voici donc les réactions qu’a suscitées la décision du comité exécutif de céder jusqu’à 15 % du boisé du Trait-Carré au Centre de services scolaire afin de répondre aux besoins de la croissance de la clientèle étudiante.
CRE de Laval
«Bien évidemment, nous sommes déçus de voir que les autres terrains proposés pour la construction de l’école […] n’ont pas été retenus par le Centre de services scolaire de Laval», écrit d’emblée la directrice générale du Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval, Elodie Morandini.
Une telle situation démontre la nécessité d’entamer «une réflexion plus large, qui doit se faire au niveau national sur l’aménagement du territoire, ajoute-t-elle. On ne peut plus développer nos milieux de vie au détriment de l’environnement. En 2023, en ayant connaissance des enjeux en lien avec la biodiversité et le besoin de nature dans les espaces urbanisés, cela doit changer».
Pour la suite des choses, elle assure que le CRE prendra part aux consultations à venir et fera en sorte que «ce projet se fasse en minimisant l’impact sur le reste du boisé [avec] une approche durable, une mutualisation des usages et le plus de nature possible dans l’espace dédié à l’école».
CANOPÉE
Directrice générale de CANOPÉE – Le réseau des bois de Laval, Cornelia Garbe ne cache pas sa déception, elle qui – le mois dernier – avait de la difficulté à croire qu’aucune autre option que de sacrifier un milieu naturel n’était envisageable. Elle espérait d’ailleurs que les autorités scolaires et municipales fassent preuve d’ingéniosité et de créativité «afin de trouver une solution qui ne gruge pas dans le peu de milieux naturels restant au centre-ville».
Un mois plus tard, devant le fait accompli, cette docteure (PhD) en écologie forestière déclare: «Nous comprenons qu’il y a un grand besoin pour une école dans ce quartier et que plusieurs possibilités ont été étudiées. Toutefois, nous restons déçus, ayant rêvé d’une possibilité zéro perte nette en milieux naturels. À l’heure actuelle, il faut démontrer de la créativité pour aménager nos centres urbains et construire sur les surfaces déjà minéralisées autant que possible.» À cet égard, elle évoque la requalification de certaines zones du centre-ville dominées par une mer de cases de stationnement.
Les Amis du Trait-Carré
Administrateur du regroupement de citoyens habitant à proximité du boisé, le biologiste Alexandre Choquet parle d’un «triste dénouement pour tous ceux qui cherchent depuis plusieurs années à protéger ce boisé urbain».
«Où [l’école] aurait-elle été construite, si la Ville n’avait pas acquis à grands frais ce vaste terrain renaturalisé? Il s’agit pour nous d’une décision qui manque de vision et en contradiction avec la volonté exprimée par les quelques 900 personnes ayant répondu à notre sondage sur l’avenir du Trait-Carré en 2021 et qui demandaient clairement qu’aucun bâtiment civique ou communautaire de gros calibre n’y soit construit.»
Visiblement amer, l’environnementaliste poursuit: «Puisque l’emplacement du bâtiment ainsi que son emprise au sol ne sont toujours pas déterminés, nous demandons à ce que le choix de ces éléments soit inclus à la consultation publique à venir qui décidera de l’aménagement et de la mise en valeur du boisé du Trait-Carré, plutôt que de nous laisser travailler autour d’un fait accompli.»
Les Amis du Boisé du Souvenir
Tout aussi désabusée, la porte-parole des Amis du Boisé du Souvenir, Julie Vézina, fait valoir que son groupe entretient «la distincte impression que la protection de l’environnement est toujours primordiale et populaire… jusqu’à ce qu’elle dérange».
Ayant coordonné et produit le mémoire qui a mené à la conservation intégrale du boisé du Trait-Carré en 2018, ce regroupement citoyen aurait souhaité «une solution plus audacieuse». Mme Vézina ne manque pas de rappeler le rôle essentiel que joue cet espace vert de 12 hectares dans un «centre-ville densément peuplé» et «fortement minéralisé», rendant le secteur «beaucoup plus vulnérable aux changements climatiques actuels et, surtout, ceux à venir».
Dans un échange de courriels précédent, Mme Vézina plaidait l’importance de préserver l’intégralité de ce boisé dont elle vantait les bienfaits tant en matière de «santé mentale et de gestion du stress» que d’«absorption des eaux de ruissellement» et de lutte aux surverses et aux îlots de chaleur.
Autre réaction
Si l’avenir du boisé du Trait-Carré avait soulevé les passions à l’été 2018 alors que le sujet était sur toutes les lèvres et qu’il divisait les élus municipaux, la décision de sacrifier 15 % de cet espace vert serait passée complètement inaperçue n’eût été des interventions répétées de l’ex-conseiller Pierre Anthian aux assemblées du conseil.
Ce dernier, qui avait déposé une pétition de 4300 signatures pour la sauvegarde du boisé il y a 5 ans, revenait à la charge l’automne dernier, déposant successivement trois pétitions où «820 citoyens qui habitent autour du bois disent non à la construction d’une école», rappelle-t-il.
«Comment la Ville concilie-t-elle cette absence d’écoute avec les dépenses folles engagées dans des consultations citoyennes, prétextant que l’avis de la population est primordial?» questionne-t-il. M. Anthian dénonce l’administration municipale qui «veut encore grignoter 15 % de ce dernier poumon vert du centre-ville», termine l’ancien élu en évoquant la récente construction d’un immeuble à condos de quatre étages aux limites sud-ouest du boisé du Trait-Carré.