(ERRATUM: Contrairement à ce qu’on pouvait lire hier, le comité de citoyens ne revendique pas l’expropriation, mais bien la protection du boisé. Nos excuses.)
Le 31 août, le comité pour la protection du boisé du ruisseau Barbe a rassemblé une centaine de citoyens pour faire pression sur l’administration municipale.
Réunis au bout de la rue Janvier, les citoyens demandent tout simplement à la Ville qu’elle applique son Règlement de contrôle intérimaire (RCI), qui assurait la protection et la conservation du dernier grand milieu naturel de Fabreville jusqu’à ce que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques en décide autrement.
Rappel des faits
Rappelons que l’an dernier, le Ministère délivrait un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement.
Cette autorisation ministérielle donne le feu vert à des promoteurs pour un projet qui nécessitera le remblai de 6,8 hectares de milieux humides d’intérêt, soit la superficie équivalente de 10 terrains de soccer.
Aux deux industries qui s’implanteraient en front de l’autoroute 13 – à l’angle nord-est de l’autoroute 440 – s’ajouterait la construction d’une quarantaine de résidences unifamiliales dans le prolongement des rues Jasmine et Janvier à la pointe est de ce milieu humide et boisé. Ce développement couvrirait près de la moitié des 31 hectares que compte cette forêt urbaine dominée par une érablière à sucre.
Au dernier conseil municipal, à la lumières des discussions avec les autorités ministérielles, le maire Stéphane Boyer convenait «malheureusement» que «les espoirs [n’étaient] pas très élevés» de faire marche arrière.
«Nous sommes maintenant ici, aujourd’hui, avec quelques médias et plusieurs citoyens, dans le but d’aider le boisé», a déclaré Valerie Lachapelle, citoyenne engagée et membre du comité de protection.
Risque de poursuite
Présent hier soir, le député sortant et à nouveau candidat dans Sainte-Rose, Christopher Skeete, a expliqué qu’en vertu du Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques (RCAMHH), les promoteurs verseront une contribution financière au Fonds de protection de l’environnement, qui servira à restaurer, voire créer de nouveaux milieux humides pour contrebalancer les pertes dans un objectif de zéro perte nette.
Le comité de citoyens rétorque que les milieux humides se font tellement rares qu’il n’y a pas de compensation possible pour compenser l’éventuelle destruction de l’écosystème du ruisseau Barbe.
« Aucune personne du milieu de la politique ne veut cela », a affirmé M. Skeete, soulignant que le retrait du certificat d’autorisation par Québec exposerait le gouvernement à des poursuites légales.
De son côté, la candidate de Québec Solidaire dans Sainte-Rose, Karine Cliche, a déploré devoir tenir ce genre de rassemblement en 2022.
« Ça ne devrait pas être comme cela, a-t-elle indiqué. Ça ne devrait pas être aux citoyens de se réunir pour protéger les forêts et les milieux humides. Ça ne fait pas de sens de croire que ce sont les gens qui doivent manifester pour faire passer ce genre de message ».
Fondatrice de la Coalition Mobilisations Citoyennes Environnementales de Laval (CMCEL), Mme Cliche n’en est pas à son premier rassemblement cette année afin de défendre la protection de milieux naturels à Laval.
« Laval a tous les pouvoirs pour agir »
« C’est un écosystème incroyable, a fait valoir Alexandre Choquet, biologiste au Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval. Il s’agit d’un des plus grands marécages qui nous restent à Laval. C’est vraiment un endroit exceptionnel. »
Puis, rappelant que Laval avait adopté en 2020 un Règlement de contrôle intérimaire pour protéger le boisé, soit bien avant que le Ministère en autorise le remblai, il a ainsi réagi devant la résignation de l’administration municipale: « Je suis désolé, mais c’est Laval qui a le dernier mot sur l’aménagement de son territoire. »
Choquet a précisé que cela fait plusieurs mois que le CRE discute avec les élus municipaux et les dirigeants de la ville, en espérant qu’ils agissent comme ils l’on fait pour protéger le boisé d’Auteuil.
« Il y avait également eu une autorisation ministérielle pour cet endroit, a-t-il rappelé. Nous avons exactement la même situation. Laval a donc tous les pouvoirs pour agir dans ce dossier. C’est sûr que c’est quelque chose qui va coûter cher. C’est un gros terrain et il y aurait un gros potentiel de profit, mais cela reste une priorité. »
Était également présent à ce rassemblement le candidat libéral dans Sainte-Rose, Michel Trottier, qui en avait fait un enjeu électoral en juillet dernier. Il avait alors interpelé le ministre de l’Environnement et ministre responsable de Laval, Benoît Charette, à qui il demandait d’intervenir pendant qu’il est encore temps.
« En cette période où tous les experts expriment haut et fort l’importance de la protection des milieux naturels, il est incompréhensible et irresponsable de voir un gouvernement venir contrecarrer les actions d’une Ville qui désire protéger ses milieux humides », avait dénoncé M. Trottier.
(Avec la collaboration de Stéphane St-Amour)