La perte auditive est l’une des déficiences physiques les plus répandues. Au Québec, plus de 864 000 personnes présentent une déficience auditive permanente, soit 10% de la population.
Avec le vieillissement de la population et les impacts du bruit, c’est un véritable tsunami de déficience auditive qui frappera le Québec dans les prochaines années. Le Québec est-il prêt à faire face à cette vague déferlante qui entraînera des répercussions majeures sur la santé globale de la population? Pour l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ), la réponse est non. D’où l’importance de s’y préparer adéquatement, dès maintenant.
Qui est affecté?
Véritable enjeu de santé publique, la surdité et les problèmes d’audition affectent des personnes de tous âges, notamment les personnes âgées de 65 ans et plus. Or, le Québec est l’un des endroits au monde où la population vieillit le plus rapidement. Selon l’OOAQ, à l’occasion du Mois de l’ouïe et de la communication, il est impératif de reconnaître que la communication humaine, qui comprend l’audition, est un incontournable déterminant de la santé sur lequel il est possible d’agir collectivement.
Quelque 33% des personnes âgées de 65 ans et plus ont une perte auditive suffisamment importante pour nuire à leurs activités quotidiennes. À partir de l’âge de 75 ans, l’incidence augmente à 50%.
Chez les plus jeunes, les impacts du bruit ne sont pas à négliger. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 50% des personnes de 12 à 35 ans risquent d’avoir une perte auditive due à une exposition prolongée ou excessive à des sons trop forts, notamment la musique dans leurs écouteurs. Les besoins sont donc en constante augmentation et ne feront que s’accélérer dans les 20 prochaines années.
«Les troubles auditifs constituent un handicap doublement invisible, d’abord aux yeux de la société, mais aussi parce qu’ils sont cachés par les personnes elles-mêmes, par peur d’en être stigmatisés, précise Paul-André Gallant, président de l’OOAQ, par voie de communiqué. Des études démontrent d’ailleurs que le stigma associé à une perte auditive est aussi important que celui lié à la dépendance à l’alcool ou l’incontinence urinaire.»
Situation inquiétante
Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), pour la première fois dans l’histoire, la proportion de personnes âgées de 65 ans a surpassé celle des jeunes de moins de 20 ans en 2022. D’ici 2066, le groupe des 65 ans et plus connaîtrait une croissance d’un million de personnes, ce qui représentera 27% de la population totale.
«Malgré ces données inquiétantes et les répercussions qu’une surdité non traitée engendre en termes de soins et services, de ressources matérielles et de coûts, nous n’avons pas les ressources humaines nécessaires pour répondre aux besoins actuels de la population québécoise, affirme M Gallant, dans la même communication aux médias. En considérant que l’augmentation des effectifs en termes de professionnelles et professionnels de la santé auditive n’est pas proportionnelle à l’augmentation exponentielle des besoins, imaginez ce que ce sera demain.»
Rappelons que des expertes et experts estiment que le coût des surdités non traitées au Canada est de 20 milliards par année, soit 11 800$ par personne. Des coûts qui iront en augmentant avec le vieillissement de la population.
Services
Le Québec compte actuellement un peu moins de 1000 professionnel.le.s de la santé auditive. De ce nombre, 500 sont des audiologistes qui sont restreints dans leur champ d’exercice en ne pouvant poser, vendre et renouveler les appareils auditifs, contrairement à tous leurs homologues en Amérique du Nord.
Cette situation unique au Québec est due à des freins législatifs vieux de 50 ans. Pour l’OOAQ, il n’est ni logique ni souhaitable pour le continuum de soins que les audiologistes ne puissent pas remettre et poser des appareils auditifs aux personnes qu’ielles viennent d’évaluer, en choisissant des produits qui répondent directement à leurs besoins.
À titre comparatif, en Ontario, le nombre de personnes autorisées à poser et vendre les appareils auditifs est estimé à 3000, soit 6 fois plus qu’au Québec pour une population d’un peu moins du double.
Pistes de solutions
Au cours des dernières années, l’OOAQ a fait état de nombreuses propositions visant à améliorer l’accessibilité ou l’offre de nouveaux services. On y retrouve notamment ces propositions:
- Rendre accessible et couvrir l’évaluation en audiologie pour les 0-18 ans et les personnes de 65 ans et plus en cabinets privés, et non seulement en centres hospitaliers, pour faire diminuer les temps d’attente;
- Mettre en place un programme de sensibilisation pour les jeunes entre 12 et 35 ans;
- Imposer des normes pour limiter les décibels des jouets destinés aux jeunes enfants;
- Rendre la prothèse auditive accessible pour un plus grand nombre, notamment en légiférant pour rendre disponibles les appareils auditifs en vente libre au Canada et en améliorant le programme d’aides auditives de la RAMQ;
- Mettre en place un programme de santé auditive pour les personnes aînées vivant en CHSLD.
«En changeant d’approche, en misant davantage sur les interventions hâtives et préventives plutôt que curatives et en privilégiant l’élargissement des pratiques professionnelles, il serait possible d’améliorer les continuums de soins et de services et influencer durablement et positivement les conditions de vie des personnes tout en réduisant la demande et l’intensité des soins et services et les coûts qui en découlent, déclare le président de l’OOAQ. Il est temps de faire face à la vague.» (C.P./IJL)