Le directeur général de Fondation Rivières, André Bélanger, sonne l’alarme quant à la piètre qualité de l’eau des rivières sur les rives lavalloises.
L’an dernier, à une exception près, les 32 stations de prélèvement en bordure des rivières des Prairies et des Mille Îles ne passaient pas le test bactériologique des eaux de baignade des plages en milieu d’eau douce.
Seul le Port de plaisance à Laval-sur-le-Lac affichait presqu’en tout temps une concentration de coliformes fécaux sous la barre des 200 UFC/100mL (Unité Formant Colonie), seuil au-delà duquel la baignade est interdite sur l’ensemble des plages au Québec.
«À Laval, il y a de fichus problèmes à régler avant d’atteindre des niveaux de qualité de l’eau pour la baignade» – André Bélanger, DG de Fondation Rivières
Pendant ce temps, à Montréal, la moitié des 115 sites monitorés en temps sec permettaient en toute sécurité la baignade en eau libre dans plus de 90 % du temps, selon les relevés hebdomadaires du Réseau de suivi du milieu aquatique (RSMA) de la métropole analysés par Fondation Rivières.
Dans le cas où des précipitations avaient été enregistrées dans les 48 heures précédant un échantillonnage, les sites propres à la baignade chutaient de plus de la moitié, passant de 57 à 25.
Problème majeur
La mesure clé ici est celle prise par temps sec puisque la pluie entraîne la plupart du temps des déversements d’eaux usées dans les cours d’eau, explique M. Bélanger. L’organisation qu’il dirige a d’ailleurs mis en ligne une carte interactive de la qualité de l’eau qui entoure Laval et Montréal à la faveur de quelque 150 stations de prélèvement.
«Si vous sélectionnez «baignade» par temps sec ou temps de pluie, ça ne change rien à Laval», dit-il. Dans chacun des cas, 1 seul site apparaît sur la carte. «Ça, c’est inquiétant!»
Les indicateurs de contamination fécale en période de temps sec révèlent des problèmes importants d’écoulement d’eaux usées non traitées, poursuit le porte-étendard de Fondation Rivières. «Ça peut provenir de raccordements inversés, mais aussi de problèmes de performance des stations d’épuration», soutient-il.
Un raccordement inversé consiste en des conduites d’égouts résidentielles et commerciales branchées au réseau pluvial. Résultat : les eaux souillées se déversent directement dans les cours d’eau sans traitement, compromettant la santé publique et l’environnement beau temps, mauvais temps.
Si la Ville ne conteste pas la première cause avancée pour expliquer le portrait de la situation, elle s’inscrit en faux contre la seconde explication.
«Les stations de récupération des ressources de l’eau (StaRRE) de la Ville de Laval respectent l’obligation de ne pas dériver d’eaux sanitaires par temps sec. Celles-ci ne sont donc pas responsable de la mauvaise qualité de l’eau observée en temps sec », écrit dans un échange de courriels le chef aux Affaires publiques, Philippe Déry.
Dérivations
«À Laval, il y a un phénomène particulier, fait entre autres valoir André Bélanger en parlant des rejets observés aux stations d’épuration municipales. On fait beaucoup de dérivation».
Il s’agit d’eaux usées détournées totalement ou partiellement de la chaîne de traitement avant d’être rejetées dans les rivières. Des ouvrages de dérivation permettent de déverser des débits excédentaires lorsque la capacité maximale de traitement d’une station est atteinte, par exemple.
À son palmarès 2021 dévoilé l’automne dernier, Fondation Rivières chiffrait le nombre de dérivations effectuées dans les Municipalités. Des 10 grandes villes au Québec, Laval occupait le 2e rang parmi les plus défaillantes avec 128 événements, soit une dérivation tous les trois jours. En comparaison, Montréal avait connu un seul épisode de dérivation alors que Terrebonne n’en avait recensé aucun.
«Ce que ça nous indique , c’est qu’à Laval il y a de fichus problèmes à régler avant d’atteindre des niveaux de qualité de l’eau pour la baignade. Ils ont du chemin à faire et on ne parle même pas des surverses», se désole M. Bélanger. Rappelons qu’en 2021, le ministère de l’Environnement a recensé pas moins de 1219 débordements d’eaux d’égout sur le territoire de l’île Jésus, équivalant à 3,3 surverses par jour dans l’environnement lavallois.
«Égout à ciel ouvert»
C’est en aval du ruisseau La Pinière dans la partie est de l’île Jésus où la situation est de loin la plus critique. En fait, les quatre sites échantillonnés dans Duvernay-Est et Saint-François-Sud sont invisibles sur la carte interactive développée par Fondation Rivières. Les conditions sanitaires (2600 coliformes fécaux par 100 mL) y sont tellement mauvaises que la pratique d’activités nautiques de contact indirect avec l’eau (kayak, planche à pagaie, pêche sportive, etc.) y était proscrite l’été dernier.
À titre d’exemple, le taux d’acceptabilité en temps sec pour la baignade à la berge de la Brise, rue Limoges à l’est de la montée Masson, s’établissait à 12,5 % et à 25 % pour la navigation et la pêche, alors que le seuil souhaitable pour pratiquer sécuritairement ces activités serait de 90 %, rappelle Fondation Rivières.
Pour mettre les choses en perspective, de l’autre côté de la rive, les taux moyens d’acceptabilité pour la baignade et la navigation se chiffraient respectivement à 73 % et 96 % dans les quatre stations de prélèvement des arrondissements de Montréal-Nord et Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.
«Cette zone [du côté de Laval] récolte les eaux charriées par le ruisseau La Pinière […] reconnu comme étant un égout à ciel ouvert», peut-on lire dans le communiqué publié à la fin juin par Fondation Rivières. Ce ruisseau, le plus important à Laval, trouve sa source dans le Bois du Souvenir, à Laval-des-Rapides, et se jette dans la rivière des Prairies à l’est de la montée Saint-François, non loin du pont de l’autoroute 25.
24 sites propices à la navigation
Pour terminer sur une note plus positive, signalons que 24 des 32 sites ciblés par une campagne d’échantillonnage en rive lavalloise présentaient, l’an dernier, moins de 1000 coliformes fécaux par 100 millilitres d’eau en temps sec, critère reconnu par le ministère de l’Environnement permettant la pratique d’activités nautiques de contact indirect.
Du côté de la rivière des Mille Îles, ce sont 15 des 16 sites recensés qui qualifiaient à la faveur d’un taux d’acceptabilité moyen de 95 %. En période de pluie, les sites considérés conformes pour la navigation et la pêche sans danger pour la santé passent de 24 à 9, dont 4 sont localisés sur les rives de la rivière des Mille Îles, conséquence directe de la charge bactériologique des eaux surversées dans les rivières.
Et la plage de Laval-Ouest?
À noter que la plage de Laval-Ouest, inaugurée l’été dernier, ne fait pas partie de cette campagne d’échantillonnage annuelle qui permet de suivre l’évolution de la qualité de l’eau des rives aux mêmes endroits depuis plus de 20 ans.
Or, depuis le début de la saison estivale, la plage de la berge aux Quatre-Vents, située au confluent de la rivière des Mille Îles et du lac des Deux Montagnes, a été ouverte une journée sur deux, soit 13 des 26 jours compris entre le 24 juin et le 20 juillet.
Quant à l’été dernier, entre le 15 juillet et le 31 août, la plage a pu accueilli les baigneurs 32 jours sur 48. Prévue le 24 juin 2022, l’ouverture avait été retardée de 21 jours en raison du niveau élevé de la rivière des Mille Îles et de la mauvaise qualité de l’eau dus aux précipitations.
À lire ici la réaction de la Ville.