D’octobre 2024 jusqu’au 5 mai, un minimum de 447 postes avait été abolis au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval.
Difficile de connaître le nombre exact d’abolitions quand la Direction des communications et les instances syndicales associées au CISSS n’ont pas les mêmes données en main.
Cette situation est peut-être le reflet de l’opacité dénoncée par les employé.e.s du secteur de la santé en lien avec la Réforme Dubé ayant mené à la création de Santé Québec, qui a débuté ses activités il y a moins d’un an.
Le CISSS est sans équivoque: en date du 5 mai, 247 postes titulaires avaient été abolis, soit 17 postes de cades, 175 postes syndiqués et professionnels et 55 postes d’infirmières. À cela s’ajouterait la coupure de plus de 200 assignations temporaires ou postes vacants.
À la mi-mars, le Syndicat des Travailleuses et des Travailleurs du CISSS de Laval CSN (STTCISSS) comptabilisait déjà près de 440 postes abolis. Le syndicat comptant environ 5500 membres estime désormais qu’au moins 500 postes lui étant affiliés ont été coupés depuis juin 2024.
Le Syndicat des Infirmières, Inhalothérapeutes et Infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ) abonde dans le même sens que la Direction pour les 55 postes qui le concerne.
Près de la moitié de tous les postes abolis au CISSS de Laval auraient été convertis en postes à temps partiel.
En plus d’avoir révisé l’organisation du travail et la composition des équipes et d’avoir réduit de 3% le nombre d’heures travaillées, le CISSS a diminué le temps supplémentaire, éliminé le recours à la main-d’œuvre indépendante et cessé les contrats des consultants privés pour répondre à la cible d’optimisation de 55,8 M$ demandée par Santé Québec le 28 novembre 2024.
«On est en train donc de mettre tout ça en application et de le faire avec le plus grand respect et la responsabilité qu’on a aussi par rapport à notre monde, a déclaré Jeanne-Évelyne Turgeon, PDG du CISSS de Laval, dans une vidéo filmée pour ses employé.e.s en mars. On sait que ce sont des êtres humains qui sont touchés. Ce sont des bouleversements qui sont vécus dans nos équipes. On doit faire ça avec respect, avec soin et c’est un objectif qu’on a pour offrir des soins et services à la population lavalloise.»
Selon le CISSS, le seul secteur épargné par cet important remaniement jusqu’à maintenant est la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).
Respect de l’ancienneté
Le STTCISSS déplore la perte de plusieurs postes à temps plein pour lesquels il a milité pendant des années, mais surtout la façon dont les abolitions ont été effectuées.
Selon l’instance syndicale, des coupures ont été annoncées les 2 et 20 décembre 2024, 16 janvier ainsi que les 12 et 25 mars, «bien après les près de 400 postes »surplus » et des assignations déjà coupées avant décembre».
L’ancienneté s’appliquant, le personnel novice a été relâché en premier et a donc eu priorité dans la sélection d’un poste disponible par rapport aux collègues dont le poste n’a été coupé que plusieurs mois après.
«Oui, on te demande d’optimiser, de réorganiser et de couper, alors, regarde l’ensemble de tes structures et où tu veux couper, témoigne Nathalie Bourque, présidente du STTCISSS. Fais ça one shot deal. Après ça, pars tes abolitions, tes supplantations et tes cochonneries qui viennent avec. C’est un processus, mais là, ils étirent ça dans le temps, sur des semaines, des mois!»
Selon Isabelle Miller, conseillère en communication pour le CISSS de Laval, les annonces ont eu lieu en deux vagues: la première en octobre 2024, puis la seconde en janvier, à la demande de Santé Québec. Aucune n’aurait eu lieu depuis, comme les cibles demandées ont été atteintes.
Les employé.e.s concernés auraient été rencontrés individuellement par un.e gestionnaire qui leur proposait un poste vacant et «personne n’a perdu son emploi».
Toujours de l’avis du STTCISSS, 75% des postes coupés affiliés à ses catégories d’emplois étaient des préposé.e.s aux bénéficiaires, dont une partie des tâches doit maintenant être assumée par d’autres professionnels de la santé pour pallier le manque.
La plupart des travailleurs concernés venaient de joindre le réseau de la santé, plusieurs en raison d’incitatifs financiers mis en place pendant la pandémie de la COVID-19 ou durant l’embauche de personnel issu de la main-d’œuvre indépendante.
«Le gouvernement, c’est n’importe quoi depuis le début, déplore la présidente du STTCISSS. Il a fait miroiter tout ça à ce monde-là et là, ils les laissent tous tomber! Il laisse tomber aussi le monde qui est là depuis des lunes, des années. […] C’est dégueulasse.»
Ni Santé Québec ni le CISSS de Laval n’ont voulu commenter cette incohérence dénoncée par le milieu syndical.
Au niveau du SIIIAL-CSQ, c’est le surmenage des équipes ainsi que l’impact sur les services à la population qui sont plutôt récriés.
Pour Déreck Cyr, président, il est clair que l’abolition de centaines de postes vacants, qui étaient jugés essentiels d’où leur affichage, a un impact majeur sur les équipes et les services qu’elles réussissent à prodiguer.
«C’était la solution du ministre Dubé à la négociation en disant »si tout le monde est à temps plein, on ne manquera plus de personnel », rappelle-t-il. Et là, il a reculé dans son intention en disant »on n’a plus besoin de ça, parce qu’on a trop de monde [en semaine], mais on n’a pas assez de monde la fin de semaine ». Pour nous, il est clair qu’il n’y jamais assez de monde pour dire qu’il y a quelqu’un qui ne fait rien. […] Ça ne coûtait pas plus cher à l’employeur d’avoir des gens à temps plein [en raison du changement d’unité au besoin et des congés autorisés]. Alors, c’est vraiment aberrant. Ç’a été un choc au niveau des travailleurs.»
Autres vagues?
Les syndicats sont aux prises avec des travailleurs inquiets à l’idée de perdre leur poste et devant œuvrer dans un climat d’insécurité pour le bien-être public.
«Il y a une incertitude aussi à savoir: est-ce qu’il va y avoir une troisième, une quatrième vague [d’abolitions]? rapporte Déreck Cyr. Ça parle beaucoup sur le plancher… Ce n’est pas un climat sain pour le travail.»
La cible d’optimisation de 55,8 M$ était demandée au CISSS de Laval par Santé Québec pour l’année financière 2024-2025 où «des efforts importants pour retrouver l’équilibre budgétaire devaient être déployés».
«Ce qu’on nous demande, c’est d’être plus performant au niveau budgétaire tout en conservant l’offre de services à la population, résume Isabelle Miller. […] Il n’y a personne qui a trouvé ça le fun, cette période qu’on a vécue. […] Ce ne sont pas des moments faciles, […] c’est de la grosse réorganisation et ça n’a pas fait plaisir à personne. […] Ce sont des efforts qu’on nous demande, qu’on n’a pas le choix de fournir et on les a fait… en espérant que la prochaine vague ne sera pas aussi intense.»
Santé Québec confirme que, pour l’année en cours, la cible d’optimisation budgétaire est de 28M$ pour Laval. Le plan d’économies du CISSS ne serait pas établi pour le moment.
Selon le STTCISSS, tous les avis d’abolition sont actuellement sur pause jusqu’à la fin septembre, puisque Santé Québec ne «respecte pas sa propre entente demandée le 31 mai en lien avec la reconnaissance d’ancienneté».
«Le tout est suspendu parce que certaines personnes n’auraient pas été les personnes abolies si l’ancienneté avait été appliquée au moment prévu dans l’entente, indique Nathalie Bourque. On ne sait pas ce qu’il adviendra des personnes dont tout le processus a déjà été complété. Ça restera tel quel ou il y aura du détricotage à faire? Ils vont évidemment reprendre le massacre d’abolitions après. Quelle grandeur ou proportion? On ne le sait pas.»
Simple et gratuit
Meta (Facebook et Instagram) bloque vos nouvelles du Courrier Laval, tout comme Google continue de leur faire obstruction, en réponse à la loi C-18.
Pour avoir accès à vos nouvelles et rester ainsi connecté à la source, le Courrier Laval vous invite à télécharger son application. Vous pouvez également vous abonner à l’infolettre hebdomadaire. Vous pourrez ainsi continuer de lire vos nouvelles gratuitement, et ce, en temps réel avec un ratio moindre de publicités. N’oubliez pas d’activer les notifications et de passer le mot à vos proches et contacts!
Apple : https://apple.co/3wsgmKE
Android : https://bit.ly/3uGPo1D
Infolettre : https://courrierlaval.com/infolettre/