Après 11 ans de parution, la Voix de St-François et Duvernay Est arrête toute diffusion, mais gardera ses archives disponibles via son site Web.
Cette décision est effective depuis le lundi 27 mai, minuit, et ce, après des mois de galère et délais.
Avant avril, la publication la Voix de St-François et Duvernay Est était distribuée de façon mensuelle, couvrant les événements importants et enjeux autant locaux que provinciaux concernant ce secteur de l’est de Laval.
Depuis l’édition de mars, l’organisme avait interrompu toute publication autant sur le plan numérique qu’imprimé, afin de bien analyser le destin du média en tant que journal communautaire.
Dans l’ultime édition, le propriétaire de Stèle Médias Inc., Pascal Richard, a officialisé la fin de la Voix de St-François et Duvernay Est avec un mot au bas de la première page.
«À l’attention de tous nos clients et fournisseurs. Bonjour à vous. Cette lettre est pour vous confirmer formellement que la compagnie Stèle Médias Inc. va cesser ses activités journalistiques commerciales au dernier jour de mai 2024, soit vendredi le 31 à 17h00pm.»
Parmi les quatre journaux locaux dont Stèle Médias Inc. est propriétaire, soit la Poste de Mont-Royal, Le Point d’Outremont et Le Westmount Times Online, la publication lavalloise s’avérait pourtant la plus prometteuse, mais n’a pas pu endurer les nombreux contrecoups de la crise des médias actuelle.
Origine du problème
Le début de la fin pour la Voix de St-François et Duvernay Est est arrivé durant la période de la pandémie de la COVID-19.
Selon le propriétaire, la crise sanitaire a mis à mal les parutions plus locales, les commanditaires habituels fuyant alors le marché publicitaire. «De tous nos clients, il y en a beaucoup qui ont fait faillite», à observé Pascal Richard.
Avant même de pouvoir s’adapter à sa nouvelle réalité, le journal a dû surmonter un défi de plus. «On ne savait pas d’un mois à l’autre si nos livraisons resteraient fermées. Le problème est qu’à la sortie de la COVID, on s’est fait frapper par la fermeture de Publisac.»
Dès novembre 2023, la compagnie TC Transcontinental a annoncé la fin de son produit publicitaire Publisac, une décision qui a affecté les capacités de distribution des propriétaires d’hebdomadaires indépendants de 115 journaux tels la Voix de St-François et Duvernay Est, ainsi que le Courrier Laval.
Par conséquent, le journal a dû se tourner vers Postes Canada, mais le prix gonflé de distribution était nettement supérieur à celui offert par Publisac.
Après un mois d’essai, l’organe de presse des gens de Saint-François et Duvernay Est a complètement abandonné le format papier.
Face à ce changement de direction aussi identitaire qu’économique, la survie à long terme du journal a été remise en question.
«C’était tellement cher, on ne couvrait pas 10% de nos dépenses par édition, confie Pascal Richard. On est donc passé en mode Web seulement au 1er janvier 2024, et là, en même temps, tous les annonceurs de notre journal, ceux qui nous faisaient vivre, ont tous disparu, tous en même temps.»
Avec la pandémie et l’arrêt du Publisac, la baisse importante du quota publicitaire a fait qu’au début de 2024, le journal était exsangue et ne rapportait plus assez pour justifier les coûts du site Internet, sans tenir compte des salaires et coûts internes.
En ce qui concerne le soutien que son organisation a reçu, Pascal Richard souligne qu’«On a eu énormément de support des trois élus liés à Saint-François, que ce soit les paliers municipal, provincial et fédéral, la Ville mettait périodiquement des annonces avec nous pour aider; mais malheureusement, malgré tout, ce n’était pas assez.»
Sort de l’information locale
Quant à l’avenir du journalisme communautaire, Pascal Richard n’est guère optimiste, affirmant que le problème est rendu plus systémique que circonstanciel.
«Il a un changement de culture fondamental qui s’est opéré en Amérique du Nord depuis 2010. Au lieu d’aller vers les chaînes de nouvelles comme Radio-Canada, le Journal de Montréal ou La Presse, des médias édités et fiables, les gens vont maintenant chez Facebook, Twitter, et TikTok pour s’apprivoiser de l’information non filtrée comme à l’époque médiévale où le monde s’asseyait à côté de la fontaine du village pour potiner.»
Selon lui, le développement de la technologie jumelé à l’expansion en accessibilité des réseaux sociaux porte atteinte au processus journalistique.
«Les propagandes commises par les églises, partis politiques et groupes racistes sont maintenant à pied d’égalité, en légitimité et désirabilité, face aux médias édités professionnels», soutient Pascal Richard.
Selon un sondage réalisé par Statistique Canada en 2023, la population québécoise démontrait le plus de confiance envers ses médias traditionnels tels que les journaux et les postes de nouvelles comparativement aux autres provinces.
Malgré ce fait, seulement 21% de la population québécoise déclarait avoir un niveau de confiance élevé dans les médias, favorisant les réseaux sociaux comme source d’information primaire.
Les Québécois n’en consomment pas moins un bon ratio de nouvelles. Selon l’organisme Médias d’Infos Canada, 84% des adultes de la génération Z [nés entre 1996 et 2003] lisent un journal à chaque semaine par le biais d’éditions électroniques, de balados et haut-parleurs intelligents, et 30 % d’entre eux déclarent lire sur tous les supports traditionnels et en ligne mesurés.
L’engagement des jeunes dans l’actualité est prometteur pour le sort du journalisme, mais de plus en plus de journaux locaux telle la Voix de St-François et Duvernay Est continuent de disparaitre dû au manque de confiance des publicitaires face à l’efficacité du média traditionnel.
«Pour un annonceur, c’est les statistiques métriques qui sont importantes. Ce qui est rendu important c’est le nombre de vues et de j’aime. Le problème c’est qu’un journal en papier n’est pas interactif et l’annonceur ne sait pas qui a lu son annonce tandis que sur le média électronique, tu as une rétroaction en dedans de 24 heures après avoir publié ton annonce», de conclure Pascal Robert.
Pour visionner l’édition finale de la Voix de St-François et Duvernay Est, rendez-vous au www.stele-medias.com/voix-saint-francois-et-duvernay-est