Année 1975. Serge Touchette est âgé de 22 ans lorsque le directeur des sports au Journal de Montréal, feu Jacques Beauchamps, lui propose le beat des Expos.
«Il savait que j’adorais le baseball», se rappelle celui qui succède à André Rousseau qui abandonne alors la couverture de l’équipe.
Malgré les craintes, le jeune scribe accepte. «C’était gros et mon anglais était moyen, mais c’est ce que je voulais faire. C’est juste que ç’arrivait plus vite que prévu.»
L’aventure a duré 29 ans.
«J’ai couvert le baseball à une époque où tu pouvais déjeuner ou aller prendre une bière avec un joueur. Aujourd’hui, c’est le directeur des relations publiques des équipes qui décide avec quel joueur tu vas parler. Ça donne quoi? Tout le monde a la même maudite histoire.»
Incidemment, ses «meilleurs moments» en carrière correspondent à ses «meilleures histoires». «Le pire, c’est quand t’en manques une. C’est comme un coup de poing sur la gueule», lance Serge Touchette qui s’organisera pour ne pas trop en échapper.
Carnet d’adresses
Un journaliste étant aussi bon et branché que l’est son carnet d’adresses, il soigne et multiplie, entre autres, ses relations avec ses pairs à travers le circuit, des sources intarissables s’il en est. «Pierre Ladouceur de La Presse m’avait dit: « Touche! Je n’ai jamais vu un journaliste connaître autant de journalistes à travers les majeures », dit-il, précisant que certains sont encore des amis. On s’appelait et s’échangeait de l’information. J’avais des contacts dans toutes les villes.»
Les aléas du métier, la pression de vouloir toujours être le premier sur la nouvelle et les heures de tombée quotidiennes (particulièrement lors des séjours sur la côte Ouest américaine) avaient quelque chose de grisant. «Mais les voyages… oupelaille! Ça, c’est dur, stressant. Ça use son homme plus que le baseball», lâche celui qui est établi dans le quartier Chomedey depuis 35 ans.
Privé de sa conjointe Linda et leurs trois enfants une semaine sur deux pendant les six mois de la saison régulière, il avait l’habitude d’amener la famille avec lui à West Palm Beach pour le camp d’entraînement des Expos à la fin de chaque hiver.
Peu de répit
S’il restait généralement auprès des siens durant les quatre mois de la saison morte, il ne baissait pas la garde pour autant. Entre la fin de la Série mondiale et l’ouverture de la Ligue des pamplemousses, en Floride, il y avait les assises annuelles d’hiver du baseball majeur en décembre, un rendez-vous incontournable.
«Même en vacances, ça n’arrêtait jamais. J’avais toujours un pied dans le vide», rappelle-t-il, évoquant ce coup de fil d’un contact la veille du jour de l’An lui annonçant que Tim Wallach allait être échangé. «Mais au moins, il était à la maison», souligne son épouse.
Son plus beau souvenir
Et des milliers de matchs des Expos qu’il a couverts sur quatre décennies, quel a été le moment le plus mémorable à son souvenir?
«Le circuit de trois points de Jerry White face au gaucher Jerry Reuss lors du 3e match de la série de championnat contre les Dodgers en 1981, répond-il sans la moindre hésitation. C’était 1-1 en 6e manche après deux retraits… Ç’a sorti de la boîte de popcorn: 50 000 personnes qui se lèvent d’un bond. C’était incroyable de voir ça. Les Expos prenaient les devants 2-1 dans la série. Jamais n’ont-ils été aussi près de la Série mondiale que ce soir-là.»
Puis, tout naturellement, Serge Touchette enchaîne au sujet du héros de ce vendredi soir 16 octobre 1981 au Stade olympique: «Dick Williams disait souvent qu’il était le 4e meilleur voltigeur du baseball majeur. Il jouait à tous les champs, volait des buts. Un réserviste extraordinaire. On l’appelait Jérôme Leblanc. Sympathique, mais très timide, ce grand chum à [Andre] Dawson préférait l’ombre à la lumière. Mais cette journée-là, c’était son heure de gloire et quelle heure de gloire.»
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