Un groupe de citoyens est présentement en mission pour préserver un ensemble de milieux humides menacé par le développement urbain au quadrant sud-est des boulevards Curé-Labelle et Saint-Elzéar.
Ce regroupement connu sous le nom Les Amis des milieux naturels de Laval est à l’origine d’une pétition en ligne demandant à l’administration Demers d’imposer un moratoire sur tous les projets de construction dans ce secteur voisinant l’autoroute 440.
Tour de 15 étages
Au cours des trois dernières séances du conseil municipal, plusieurs interventions citoyennes ont été entendues parmi lesquelles la mise en chantier d’une tour d’habitation de 15 étages a particulièrement retenu l’attention.
D’autant que cette construction s’érige dans le seul milieu humide inscrit au Règlement de contrôle intérimaire (RCI) dont la Ville s’est dotée cet été pour protéger ces écosystèmes d’intérêt.
Il faut toutefois savoir que ce chantier de 45 M$ n’est pas assujetti au RCI, considérant que le permis de construire avait été délivré le 12 mai, soit quelques semaines avant l’adoption de la résolution du Règlement et son entrée en vigueur.
Cela dit, le promoteur avait obtenu trois mois plus tôt un certificat d’autorisation (CA) en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Le Ministère donnait ainsi son aval au remblai de 8708 mètres carrés de milieux humides, une superficie excédant un terrain de soccer.
Président de Développement Cité urbaine inc., le promoteur Eugène Foisy précise cependant que la Branche Bélanger du cours d’eau Papineau-Lavoie est conservée dans son intégralité. Avec les milieux humides adjacents, cette protection couvre une superficie équivalant à 3 terrains de soccer.
Une contribution financière de quelque 600 000 $ a été versée au Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État en vertu du Règlement sur la compensation pour l’atteinte au milieux humides et hydriques, indique Frédéric Fournier, conseiller aux communications du Ministère.
8 hectares menacés
Échaudé par cette autorisation ministérielle, le regroupement Les Amis des milieux naturels de Laval multiplie les démarches pour sauver du développement urbain deux terrains riches en milieux humides, situés tout près.
L’un d’eux fait d’ailleurs l’objet d’une demande de CA auprès du Ministère depuis 2018 en vue d’y développer un projet commercial en front de l’autoroute 440. Le site à l’étude s’étend sur 54 300 mètres carrés occupés à 40 % par un grand étang, des marécages et un ruisseau au pied du complexe d’habitation Le Quintessence.
Le terrain voisinant à l’est, dont la superficie est deux fois moindre, aurait déjà obtenu en 2012 un certificat d’autorisation, explique le porte-parole des Amis, Georges Pelletier. Mais en raison de l’expiration du délai prévu à la loi, en vertu duquel les travaux doivent être en chantier dans les deux ans suivant la délivrance du certificat, le promoteur n’aurait d’autre choix que de soumettre une nouvelle demande.
Injonction?
M. Pelletier et son groupe n’écartent pas la possibilité de déposer une injonction, ce qui leur donnerait le temps de compléter leurs demandes d’accès à l’information auprès du Ministère, puis d’analyser les documents et évaluations environnementales en lien avec les projets sous étude.
«On va consulter l’avocat pour voir ce qu’on peut faire», dit-il en parlant du procureur du Fonds d’héritage pour l’environnement. Incidemment, cette fondation charitable a accepté de financer jusqu’à concurrence de 5000 $ la cause défendue par ces citoyens du secteur Bergerac-St-Elzéar.
Protection primordiale
Dans son récent mémoire Le grand intérêt des derniers milieux humides lavallois, le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval réclame la conservation intégrale de l’étang, des marais et marécages, lesquels sont concentrés dans ce quadrilatère délimité par les boulevards Saint-Elzéar et Curé-Labelle, la rue du Marché 440 et l’autoroute Jean-Noël-Lavoie.
«La protection des derniers milieux humides à la tête du ruisseau Papineau-Lavoie est primordiale pour maintenir un régime hydrologique viable autant pour nos infrastructures que pour la biodiversité», affirme le biologiste et coauteur du mémoire, Alexandre Choquet. Incidemment, ce dernier ne s’explique pas pourquoi ces écosystèmes ont été totalement évacués du RCI adopté par la Municipalité.
Le cours d’eau Papineau-Lavoie, qui prend sa source dans le bassin anthropique situé dans le Parc Joachim-du-Bellay, parcourt 8,5 kilomètres avant de se jeter dans la rivière des Prairies du côté de Sainte-Dorothée.
«C’est l’un des ruisseaux les plus canalisés, poursuit-il. À force de les remblayer, il y a de moins en moins de milieux humides, ce qui fait que les eaux de ruissellement arrivent de plus en plus vite à la rivière sans être filtrée».
Sans compter qu’un milieu très minéralisé comme le centre-ville qu’il traverse contribue à la vitesse d’écoulement, amoindrie d’autant la qualité de l’eau, ajoute à la pression sur les réseaux d’assainissement tout en accentuant les risques de surverses et d’inondation.
D’où l’importance de «préserver et valoriser cet oasis au coeur de la Ville», insiste M. Choquet.
Outre leur rôle de filtration et de régulation des eaux pluviales, ces milieux sont de «grands espaces verts qui servent aussi d’îlots de fraîcheur sur ce territoire entouré de milieux résidentiels et industriels», peut-on lire à la page 14 du mémoire du CRE.
À la dernière séance du conseil, le maire Marc Demers a indiqué à un citoyen qui citait l’analyse du CRE que «le mémoire sera évalué comme tous les autres mémoires qui auront été soumis».
Précisons que dans la foulée du RCI, la Ville tiendra une assemblée publique de consultation sur la modification du schéma d’aménagement cet hiver avant d’adopter, en 2022, son Plan régional des milieux humides et hydriques.