Suite à la manifestation étudiante organisée à l’école Curé-Antoine-Labelle contre l’application genrée du code vestimentaire, la direction de l’établissement scolaire réagit et le Centre de services scolaires de Laval (CSSL) réitère sa confiance.
Bien que le code vestimentaire de l’école n’ait changé que légèrement au cours des dernières années, l’équipe-école semble déterminée à l’appliquer à 100% depuis quelques semaines.
Selon Yves-Michel Volcy, directeur général du CSSL, ce revirement de situation serait dû à l’augmentation de la température qui aurait incité plusieurs élèves à porter des vêtements allant à l’encontre de la tenue vestimentaire exigée.
«Je le répète: au départ, c’était vraiment de la sensibilisation, c’étaient des avertissements, soutient le directeur général. On a sollicité la contribution et collaboration des parents et ç’a été porteur, mais il y a quand même certains élèves qui, malgré les interventions, ne se sont pas pliés aux directives du code vestimentaire.»
Méthodes contestées
Quant aux méthodes employées pour vérifier l’adéquation des vêtements portées en grande majorité par des étudiantes, le représentant du CSSL assure faire confiance au jugement des professionnels de l’établissement scolaire et réitère son soutien à l’équipe-école.
«Il y a des commentaires qui ont été passés à certaines élèves comme »tu ressembles à une prostituée », »tes cuisses me dérangent », »tes shorts sont conformes, mais tu as trop de formes ». [Ces commentaires] disent inconsciemment que, si tu montres un peu trop de peau, ça fait de toi une fille de la rue et que ce que tu mérites, c’est d’aller faire le trottoir.»
–Romy Moïse, étudiante de secondaire 5 à l’école Curé-Antoine-Labelle.
De son côté, la Table de concertation en de Laval en condition féminine (TCLCF) se range derrière la cause des élèves.
«On est d’accord avec les jeunes que c’est vraiment stigmatisant et humiliant, déclare Marie-Eve Surprenant, coordonnatrice de la TCLCF. Ça perpétue le préjugé que ce sont les filles qui doivent contrôler leur habillement. Je trouve que ça renvoie beaucoup à la sexualisation du corps des filles. Ce sont elles qui ont la responsabilité de cacher leurs corps parce qu’elles peuvent être quoi, des tentatrices? Des sources de danger, de désir?»
Plusieurs élèves de l’école secondaire de Sainte-Rose ont affirmé au Courrier Laval avoir été renvoyé chez elles en raison de leur tenue sans avertissement préalable ou avoir été témoin de cette situation.
C’est notamment le cas de Romy Moïse, étudiante en secondaire 5. Il y a quelques jours, elle dînait au parc Raymond-Millar avec son amie Isabelle.
Des techniciennes en éducation spécialisées (TES) ainsi qu’une directrice de l’école seraient venues à leur rencontre dans l’unique but de renvoyer Isabelle à la maison en raison de ses shorts trop courts.
Pourtant, les étudiantes n’étaient pas sur le territoire de l’école et les doigts d’Isabelle, lorsqu’elle mettait les bras le long du corps, dépassaient le bout de ses shorts.
Cerise sur le sundae: l’administration considère que les cours manqués par les filles renvoyées obligatoirement chez elles pour se changer sont des cours séchés et cette mention est également inscrite à leur dossier scolaire.
«Ils n’ont pas le droit de nous priver de notre éducation sans même nous avoir averties à l’avance, surtout quand le règlement est aussi ambigu et qu’ils n’ont jamais fait ça avant, soutient Romy. Ils nous ont toujours fourni un vêtement de rechange. On a l’impression qu’il y a vraiment quelque chose qu’ils n’avaient pas le droit de faire en nous renvoyant.»
Direction
En réponse à la mobilisation étudiante, la direction de Curé-Antoine-Labelle a convoqué les participant.e.s à la manifestation à un conseil étudiant dans le but d’en savoir davantage sur leurs demandes. Elle a aussi profité de l’occasion pour présenter des excuses.
Après avoir entendu les requêtes des écolières quant à l’application juste et équitable du code vestimentaire et de la précision à apporter au règlement sur la longueur des shorts, la direction n’a pas promis de donner suite, mais aurait indiqué sa volonté de tenir plus régulièrement des rencontres avec ses étudiant.e.s.
«Les excuses ont été dites, mais est-ce qu’il y a des changements qui vont être faits suite à ça? s’interroge la citoyenne de Chomedey. On en doute encore.»
Le 28 mai avait lieu le gala méritas de l’école secondaire et, lors de ses allocutions, la direction aurait blagué sur la manifestation organisée par ses étudiant.e.s en mentionnant que «ce n’est pas en faisant du bruit dans les médias qu’ils allaient arriver à avoir leur diplôme».
«Ils nous ont envoyé des emails, ils nous ont dit qu’ils étaient prêts à nous écouter, à s’excuser et qu’ils comprenaient un peu d’où on venait, relate Romy. De prendre ça à la légère juste après et de dire que ça n’a servi à rien, c’est insultant. C’est un peu comme si on nous disait »vous êtes dans le tort et on ne va rien faire ».»
Code de vie
Lorsqu’interrogé sur la pertinence d’un règlement portant sur la longueur des shorts ou jupes portées par les étudiant.e.s, Yves-Michel Volcy fait référence à l’une des missions de l’école québécoise, qui est «de permettre le développement du plein potentiel des élèves et d’apprendre les façons de se comporter dans la société dans laquelle ils sont appelés à vivre».
Il a aussi rappelé que le code de vie et ses règlements ont fait consensus auprès du conseil d’établissement, dont font partie certains parents, et de l’équipe-école.
Qu’en est-il des étudiant.e.s? «Je pense que les codes vestimentaires devraient être au service de déconstruire les clichés et [réalisés] pour et par les jeunes, explique Marie-Eve Surprenant. Ce devrait être eux qui sont au cœur de la rédaction et l’application de ça, parce que ce sont eux qui le vivent au quotidien. Il faut que ça fasse du sens pour eux.»
Afin de faire entendre leur voix quant aux contenus du code vestimentaire, les élèves pourraient avoir recours au conseil des élèves ou poser une question dans le cadre d’un futur conseil d’établissement.
«C’est une belle occasion pour le comité des élèves et l’équipe-école de peut-être entamer une réflexion à cet égard-là, précise M Volcy. […] S’il y a des ajustements à apporter, je sais qu’ils [les intervenant.e.s scolaires] seront ouverts à dialoguer avec les élèves pour faire avancer les choses.»
Partout au Québec
Pour la coordonnatrice de la TCLCF, les enjeux relatifs aux tenues vestimentaires exigées dans les établissements scolaires existent à Laval, mais aussi dans l’ensemble du Québec, tant au primaire qu’au secondaire. La Table s’y intéresse puisqu’ils sont liés à ses préoccupations plus larges de lutte contre les stéréotypes sexuels et sexistes.
«[Les codes vestimentaires] ne sont pas genrés: ils parlent de vêtements, de longueur, de largeur et tout ça, mais on pressent très bien qu’on vise certaines tenues en particulier qui sont plus portées par les filles.»
Selon elle, un code vestimentaire est requis pour assurer la sécurité et le confort de tous au sein de l’établissement d’enseignement, mais ne devrait pas perpétuer de stéréotypes, limiter la liberté d’expression, poursuivre une esthétique ou être en lien avec des normes corporelles ou d’identités de genre.
«Ce sont des enfants, rappelle la militante lavalloise. Qu’est-ce qu’on présume comme adultes, quel message on envoie aux jeunes par rapport à leur corps? Il y a comme un message non-dit en-dessous qui n’est pas du tout de l’ordre de préoccupation des enfants.»
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