Cette affirmation est celle de Patrice Bernard, premier vice-président au Québec de la Banque de développement du Canada (BDC) et l’un des sept représentants d’autant d’institutions financières qui prenaient part, mardi matin, à une journée de réflexion sur la relance de l’économie. «Le volume de projets [soumis à la BDC] est phénoménal», poursuit-il, soulignant que le défi de l’heure est de soutenir la croissance des entreprises locales qui réclament du financement. Contraints à une mise en veilleuse depuis le début de la crise, les projets d’expansion sont ainsi réactivés par des entrepreneurs, qui n’attendent pas que les carnets de commandes se noircissent pour passer à l’action.
La bonne nouvelle, c’est que le crédit est disponible. «Ils viennent de vous le dire: ils sont prêts à vous prêter. Profitez-en!» de conclure Denis Durand, économiste et associé principal chez Jarislowsky Fraser, au terme d’un tour de table des panélistes. D’autant que «le coût du crédit va demeurer peu élevé» au regard de l’engagement de la banque centrale de maintenir à un niveau plancher son taux directeur jusqu’à la fin du second trimestre de 2010.
Deux discours
Quelques entrepreneurs, dont Armand Afilalo (président et chef de la direction, MEP Technologies), ont souligné lors de leur intervention que l’accès au crédit est plus difficile qu’avant la crise. «Les critères se sont fortement resserrés», reconnaissait d’entrée de jeu l’économiste Denis Durand. «Les garanties exigées sont nombreuses et beaucoup plus sévères qu’il y a 24 mois», renchérissait pour sa part François Gagnon, chef d’antenne à Canal Argent, également panéliste. Constat aussitôt rejeté par les prêteurs. «Le financement des PME au pays, c’est business as usual», a rétorqué François Armand, vice-président régional Services financiers commerciaux à la RBC Banque Royale. Même son de cloche du côté de Patrice Bernard de la BDC, qui affirme que «les banques à charte canadiennes prêtent toutes plus qu’avant [la crise]». Économiste et stratège en chef à la Banque Nationale Groupe financier, Stéfane Marion précise à cet égard que «de tous les pays membres de l’OCDE, seul le Canada a augmenté» le volume des prêts. Pendant que des banques américaines se retiraient du marché canadien, les banques d’ici ont «pris le relais», en remet le vice-président Moyennes entreprises à la Fédération des caisses Desjardins du Québec, Robert Bastien. «Nos conditions de crédit sont demeurées stables», assure pour sa part Mario Rigante, vice-président région Laval et Nord-Ouest du Québec de la BMO Banque de Montréal. Il en donne pour preuve l’actuel taux d’approbation de 90% des demandes de crédit, un niveau similaire à celui qui prévalait avant comme au pire de la crise, soutient-il. M. Rigante concédera toutefois qu’un resserrement du financement s’est effectué au chapitre des hypothèques. Par ailleurs, Robert Bastien, vice-président Moyennes entreprises à la Fédération des caisses Desjardins du Québec, indique que «le manuel de crédit ne change pas, même en temps de crise». Affirmation corroborée par Stéfane Marion: «Le cycle économique change, mais pas la politique de crédit. Le resserrement des critères reflète les conditions de marché». Membre de l’auditoire, un entrepreneur s’est avancé au micro pour témoigner de son insatisfaction, reprochant aux banquiers leur frilosité. Il aurait investi neuf mois et l’équivalent de 20% du montant du prêt à contracter pour prouver la viabilité de son projet. «Les entreprises qui ont le plus de difficultés à obtenir un prêt sont celles les moins bien préparées», a répliqué Patrice Bernard de la BDC. Les prêteurs s’entendaient tous pour dire qu’en raison du contexte économique, il faut s’attendre à se faire poser plus de questions qu’à l’habitude et que les règles encadrant la pratique soient appliquées plus rigoureusement.
Rôles partagés
Le président et chef de la direction de LAB Recherche, Luc Mainville, apporte une distinction importante. «Une banque, ça prête; ça n’investit pas!».
Premier vice-président financement aux entreprises à la Banque TD, David Pinsonneault abonde dans le même sens. «Le rôle des banques est d’offrir des capitaux à faible risque» à l’opposé des sociétés de capital de risque qui visent des rendements annuels de plus de 20%. À propos du capital de risque, François Armand estime que son accès, avant la crise, était «trop facile à des conditions trop faciles». Une opinion que ne partage pas du tout le directeur général de Laval Technopole, Pierre Desroches.
Par ailleurs, il aurait été souhaitable d’inviter des acteurs du capital de risque et des anges financiers autour de la table, a opiné M. Mainville. Il mentionnera au passage le manque cruel de fonds d’amorçage au Québec, un commentaire qui a trouvé écho auprès des gens d’affaires dans la salle qui l’ont salué spontanément d’une salve d’applaudissements.
En contrepartie, le vice-président principal aux opérations commerciales d’Investissement Québec, Robert Teasdale, a indiqué que la société d’État à vocation économique qu’il représente dispose d’une nouvelle enveloppe d’un milliard de dollars pour soutenir financièrement de saines entreprises éprouvant momentanément un problème de liquidité. Cela porte à 2,2 G$ les sommes dégagées dans le fonds Renfort, mis en place en janvier dernier, pour des prêts et des garanties de prêts. «On souhaite travailler avec vous autres. Si vous éprouvez des difficultés à ficeler un projet d’investissement, contactez-nous!» a lancé M. Teasdale aux entrepreneurs présents.
Le mot de la fin de ce colloque, initié par Laval Technopole et la Chambre de commerce et d’industrie de Laval, est revenu à Pierre Desroches, qui a invité les chefs d’entreprise à passer à l’action. «Il faut maintenant agir…».