Plus de 60 ans après son ouverture, le restaurant italien Bellavista a fermé ses portes de manière définitive.
L’immeuble abritant cette institution lavalloise, qui était située au 1365, montée Masson, à Saint-François, a été démoli au mois d’août.
Les frères Fulvio et Paul Caccia, qui étaient les neveux du fondateur Michel Montaruli, ont été attristés d’apprendre la nouvelle.
«Quand mon frère Paul, m’a envoyé la photo du restaurant démoli, j’ai eu un pincement au cœur, comme si un être cher venait de mourir, note Fulvio Caccia qui réside désormais en France. À plus de 4000 kilomètres et un demi-siècle de distance, mon passé, notre passé, m’est revenu tel un boomerang. Une page se tournait bel et bien.»
Rappelons que ce restaurant se distinguait par sa structure qui rappelait un château médiéval accompagné de ses tourelles.
Histoire
Michel Montaruli, qui avait déjà appris le français à l’École hôtelière de Lausanne, avait immigré au Québec dans les années 50. À cette époque, son désir était de faire connaître la cuisine italienne aux résidents de l’île Jésus.
Il avait lancé son restaurant sur la montée Masson qui était l’unique chemin pour se rendre dans Saint-François à cette époque.
«Il faut se mettre dans le contexte de l’époque, rappelle Paul Caccia. C’était un parcours de routiers et les gens s’arrêtaient pour prendre un hot-dog ou une pizza. Mon oncle voulait toutefois en faire un restaurant gastronomique et un endroit de banquet.»
Le commerce permettait aussi aux membres de la famille qui immigraient au Québec d’avoir déjà un lieu pour travailler, comme ce fût le cas pour les Caccia à leur arrivée. À cette époque, Fulvio était enfant et Paul n’était pas encore né.
Le petit restaurant a ensuite pris de l’expansion, devenant un incontournable du milieu de la restauration à Laval. Selon les frères Caccia, celui-ci a connu sa véritable heure de gloire dans les années 70 et 80.
«Les célébrités ne l’ont pas boudé tant s’en faut: Maurice Richard et René Lévesque y sont venus dîner ou débattre de politique, note l’aîné. […] Le Bellavista était un lieu de rencontre.»
Souvenirs
Fulvio et Paul ont de nombreux souvenirs en tête quand ils repensent au restaurant qui avait été vendu à des employés il y a quelques années. Pour le plus vieux des deux, cela remonte au jour de son arrivée au Québec en septembre 1959.
«Nous arrivions tout juste de l’Iprinia [sud de l’Italie] et voilà que nous nous retrouvions transportés dans une micro-Italie de la plaine lavalloise, explique-t-il. Notre grand-mère et nos tantes nous y attendaient. Le choc fut à la mesure du dépaysement.»
«Lorsque notre mère est décédée, j’ai habité avec mon oncle et ma tante, se remémore Paul Caccia. Tous les jours, l’autobus scolaire me ramenait au restaurant sur l’heure du dîner. Je me souviens des autres jeunes qui me regardaient avec envie. Je me rendais au comptoir et je disais au cuisinier ce que je voulais manger.»
Les deux conviennent que les nombreuses réceptions et moments passés en famille au sein de ce restaurant restent aussi gravés dans leur mémoire.
Fondation
Par ailleurs, les deux frères ont fait leurs premières armes dans le monde de la restauration au sein du Bellavista, et ce, comme tout le reste de la famille. Ils n’ont toutefois jamais senti de pression pour rester dans ce domaine.
«Après le départ des clients, nous dînions tous ensemble, fatigués mais contents, explique Fulvio Caccia. C’était le temps pour faire un retour sur la journée de travail. L’oncle Michel en profitait alors pour nous donner ses conseils. « Faites tous les métiers que vous voulez, mais pas celui de restaurateur! », disait-il. Fallait-il le croire?»
De son côté, le plus jeune Caccia croit que ces années passées dans le restaurant ont eu une incidence sur son parcours. Il est désormais directeur au sein de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ).
Il s’occupe d’ailleurs de la Fondation Magnani-Montaruli qui honore deux grands de la cuisine italienne au Québec. L’argent amassé par celle-ci permet aux étudiants de faire un stage de perfectionnement culinaire et vinicole en Italie.
«Déjà, à l’époque, mon oncle voyait que les jeunes des familles italiennes ne voulaient pas aller dans la restauration et qu’il manquait de relève. Il voulait faire une école de cuisine italienne pour en mousser l’apprentissage auprès des Québécois. Aujourd’hui, avec ce programme, c’est un peu ce qu’on fait à l’ITHQ», complète Paul Caccia.