Présentations financières incompréhensibles, chiffres obscurs et trompeurs sont le lot des rapports financiers municipaux de la majorité des 31 grandes villes canadiennes et Laval n’y fait pas exception.
Voilà ce qui ressort du rapport publié en novembre par l’Institut C.D. Howe intitulé Show Us the Numbers: Grading the Financial Reports of Canada’s Municipalities.
Une note de D
En matière de clarté, Laval obtient un «D», ce qui lui vaut le 18e rang, ex-aequo avec 4 autres villes dont le score final oscille dans une fourchette de 53 à 56 % au cumul des 9 critères d’évaluation.
L’administration Demers, qui n’a pas voulu commenter l’étude, devance ainsi 9 municipalités, dont Montréal, Québec, Longueuil et Toronto qui n’ont pas obtenu la note de passage de 50 %.
À l’autre bout du spectre, la ville de Surrey, en Colombie-Britannique, fait figure de première de classe avec un A+, devant York (A), Markham et Vancouver (A-).
«Notre ville évite le « F » essentiellement parce que les états financiers [consolidés] sont signés dans les 120 jours de la fin d’année», nuance le Parti Laval, représentant l’opposition officielle à l’Hôtel de Ville.
Manque de transparence
Les auteurs du rapport, William B.P. Robson et Farah Omran, déplorent, entre autres, le fait que la grande majorité des villes étudiées utilise une comptabilité différente pour le budget municipal et ses états financiers, «rendant les comparaisons avec les résultats passés impossibles ou, à tout le moins, très difficiles», écrivent-ils.
«Laval a la note de zéro à ce chapitre, ne manque pas de souligner le conseiller de l’opposition Claude Larochelle. Les spécialistes en finances municipales expriment exactement ma frustration face au processus budgétaire depuis que je suis élu.»
En clair, d’une année à l’autre, on présente le budget toujours en fonction du budget précédent sans jamais tenir compte des chiffres réels.
Une façon «de s’assurer que les citoyens ordinaires ne comprennent rien dans l’évolution des dépenses, revenus et taxes de la Ville», soutient l’élu de Fabreville, affirmant avoir multiplié en vain les questions en rencontres pré-budgétaires. «Il y a juste le directeur des Finances qui a l’air de savoir où il s’en va avec ça.»
Ce que «camoufle» cette façon de faire est l’écart de 14,4 % entre les dépenses réelles de 655 M$ réalisées en 2017 et les dépenses projetées de 750 M$ en 2019, dénonce-t-il. Il en veut pour preuve le budget 2019 qui minimise une hausse des dépenses à 5,4 % en les comparant aux projections budgétées l’année précédente.
Recommandations
«Les budgets doivent correspondre aux états financiers afin que les lecteurs puissent facilement faire des comparaisons», telle est la première des trois recommandations émanant du rapport déposé par l’influent centre de recherche indépendant qu’est l’Institut C.D. Howe.
Par souci de transparence envers les élus, contribuables et électeurs, suggèrent en second lieu les auteurs, les administrations municipales devraient présenter les «chiffres clés» bien en vue dès les premières pages des budgets et états financiers plutôt que de les enfouir au coeur de volumineux rapports, là «où ils ne peuvent pas être facilement trouvés».
Enfin, ils estiment que «les budgets et les états financiers doivent être suffisamment ponctuels pour donner [un] contrôle significatif aux représentants élus».
Un changement
Si elle dénonce «l’opacité, la complexité et les mauvaises bases de comparaison» des présentations financières de la Ville, l’opposition officielle salue en revanche «la démarche entreprise avec la préparation des états financiers trimestriels».
Le Parti Laval évoque ici la proposition de son conseiller Claude Larochelle qui avait rallié, l’été dernier, le conseil municipal à sa demande de divulgation de ces informations tous les trois mois plutôt qu’une fois l’an au dépôt des états financiers consolidés, le printemps de l’année suivante.
«En tant qu’administrateurs de la municipalité, les élus ont le devoir et le droit d’obtenir l’information nécessaire pour bien exercer leurs responsabilités», plaidait alors M. Larochelle, tout en faisant valoir qu’un suivi serré des revenus et dépenses courantes permettrait aux élus «de prendre des décisions éclairées dans le meilleur intérêt des tous les citoyens».