(Dernière mise à jour: 13 juillet, 9h27)
Selon toute vraisemblance, le secteur de l’est de Laval deviendrait une plaque tournante de la production cinématographique et télévisuelle.
Réuni en assemblée extraordinaire la semaine dernière, le conseil municipal a adopté deux résolutions dans l’espoir de concrétiser le projet d’implantation d’une Cité du cinéma sur les terrains situés au quadrant sud-ouest de l’avenue Marcel-Villeneuve et de la rue de l’Harmonie, dans Saint-François.
Zonage et promesse d’achat
Après avoir lancé le processus de changement de zonage visant à accueillir «un complexe cinématographique de calibre international», les élus présents ont entériné à 11 voix contre 2 la vente de deux terrains municipaux au promoteur Michel Trudel pour la somme de 32,1 millions de dollars.
Il s’agit en fait d’une promesse d’achat conditionnelle à l’obtention d’un changement de zonage. Actuellement, 60 % des 2,2 millions de pieds carrés visés par cette demande de modification des usages autorisés sont zonés résidentiels. Les 40 pour cent restant sont déjà voués à un développement industriel.
Parmi les dispositions prévues au projet de règlement de zonage, notons une hauteur maximale du bâtiment fixée à 80 pieds et l’autorisation de stationner des roulottes et véhicules récréatifs pour les acteurs et travailleurs spécialisés de l’industrie sur les terrains extérieurs, y compris la cour avant.
Une assemblée de consultation publique aura lieu en mode hybride mardi prochain, le 19 juillet à 19h, à la salle du conseil. Les citoyens intéressés pourront y assister sur place ou en visioconférence. Précisons qu’une pétition en ligne sur la plateforme change.org, initiée il y a trois mois par Jimmy St-Germain, un résident de Saint-François, recueille à ce jour près de 700 signataires demandant «à l’administration du maire Boyer de perpétuer la vocation agricole des lots situés au sud de Marcel-Villeneuve».
Dans l’éventualité où le projet irait de l’avant, la conseillère municipale de Marc-Aurèle-Fortin, Louise Lortie, a obtenu l’assurance qu’au moins 50 % des 32 M$ que Laval encaisserait de la vente des terrains soit réinvesti dans le secteur de Saint-François.
Divergences
Les résolutions n’ont pas fait l’unanimité à la table du conseil municipal comme au sein des services municipaux.
Si le parti au pouvoir a pu compter sur l’appui d’Action Laval, dont la conseillère municipale Isabelle Piché est l’élue de Saint-François, il n’a pas été en mesure de rallier les deux conseillers du second groupe d’opposition.
Reconnaissant d’emblée ce projet comme «fantastique d’un point de vue économique», le chef intérimaire de Parti Laval, Claude Larochelle, a fait valoir qu’il n’avait pas toutes les informations en main pour pouvoir voter de façon éclairée. Sa demande de reporter les points à une prochaine séance a été battue. Essentiellement, il voulait s’assurer que le site retenu soit le «meilleur endroit» disponible à Laval.
Ses réserves, M. Larochelle les fonde sur la recommandation du Service de l’urbanisme de refuser la demande de changement de zonage et le fait que le Comité consultatif d’urbanisme (CCU) demeure divisé sur la question.
«Déjà, on nous demande de déroger à notre Code de l’urbanisme [CDU]. On ne l’a pas encore adopté [l’adoption est prévue à la séance du conseil de ce soir, mardi 12 juillet] et on va à l’encontre de ses grandes orientations», a déploré le leader de Parti Laval en rappelant que la réforme réglementaire en matière d’urbanisme a cours depuis plus de quatre ans.
Le maire Stéphane Boyer a répliqué en affirmant que le projet «respecte le schéma d’aménagement […] et dans une certaine mesure le CDU qui voue le secteur à du développement», niant ainsi toute dérogation au nouveau Code qui y prévoit un «zonage différé».
Quant à la recommandation défavorable du Service de l’urbanisme, M. Boyer souligne qu’il n’est pas rare que les opinions divergent d’un service à l’autre. «Dans ce cas-ci, on a une recommandation favorable de la Direction générale de la Ville et de Développement économique et c’est un peu notre rôle comme élu de trancher.»
Opportunité
Le maire a surtout parlé d’une «opportunité» à saisir.
«Un promoteur sérieux, crédible, propose un projet intéressant […] qui développerait une toute nouvelle industrie à Laval, une industrie à faible impact environnemental [aux] immenses retombées économiques et qui créerait beaucoup d’emplois dans l’est de Laval».
L’homme derrière ce projet d’investissement de 200 M$ est le Lavallois Michel Trudel, cofondateur des studios MELS qu’il a dirigés pendant plus de trois décennies à Montréal. Œuvrant dans l’industrie cinématographique depuis 40 ans bien sonnés, on lui doit le tournage de plusieurs méga-productions hollywoodiennes dans la région métropolitaine.
En termes d’emplois directs, Stéphane Boyer a évoqué de «200 à 500 employés» en plus d’un centre de formation qui accueillerait jusqu’à 400 étudiants. En plus de faire rouler l’économie locale, cette clientèle contribuerait à accélérer le développement de l’est de Laval, y compris les dessertes en transport en commun.
«C’est la seule option à Laval, a-t-il insisté au sujet de l’emplacement. Si ce n’est pas sur ce terrain-là, le projet ne se réalisera pas».
Complexe cinématographique
La Cité du cinéma s’implanterait sur un immense terrain équivalant à quelque 30 terrains de soccer.
Aux 7 studios de tournage qu’abriterait le complexe cinématographique s’ajouteraient des bureaux de production, ateliers de fabrication de costume, de production de décor et de transformation-animation mécanique, un entrepôt pour les décors, des bureaux administratifs et une école de cinéma.
Pour mettre le tout en perspective, ces installations doubleraient la superficie totale dont disposent actuellement les studios MELS 2 et MELS 3 dans le Technoparc de Montréal.
La Cité du cinéma que projette construire Michel Trudel à Laval augmenterait de 40 à 50 % la capacité de tournage au Québec, informe le principal intéressé.
Besoin à combler… rapidement
Selon une récente étude commandée par le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec, on évalue entre 400 et 600 000 pieds carrés le déficit des infrastructures de production cinématographiques et télévisuelle au Québec.
«On manque d’espace […] Il est important de rajouter des infrastructures et c’est ce que je vais faire», affirme l’homme d’affaires en entrevue au Courrier Laval.
Avec son projet, M. Trudel viendrait combler cet écart qui prive actuellement le Grand Montréal de plusieurs méga-productions étrangères, les plateaux existants ne suffisant pas à la demande en forte croissance ces dernières années.
Il en donne pour preuve les trois films X-Men tournés à Montréal en 2013, 2015 et 2017, lesquels avaient occupés tous les studios de MELS 2 et 3. «Aussitôt que débarque un blockbuster, y a plus rien qui peut rentrer à Montréal», déplore-t-il.
Celui qui arrive tout juste de Los Angeles explique que les producteurs là-bas «attendent impatiemment la venue de méga-studios pour venir y tourner leurs productions» au Québec. «C’est impératif. Il faut que ça aille rapidement», affirme Michel Trudel, qui souhaiterait accueillir ses premières productions dès la fin 2023.
A-t-il un plan B? «Moi, mon plan, c’est à Laval, ce n’est pas ailleurs», termine l’homme d’affaires qui réside dans le quartier Champfleury.