Vendredi, 6 août 1965 à 17 h 15, heure du parlement, le gouvernement du Québec adopte la loi 63, qui sanctionne l’annexion des 14 municipalités et villages de l’île Jésus pour ne former qu’une seule ville de 170 000 habitants, tel que le suggérait le rapport de la Commission Sylvestre déposé six mois plus tôt.
Laval a failli ne jamais être
Mais Laval aurait bien pu ne jamais se concrétiser, se rappelle le père fondateur Me Jean-Noël Lavoie.
Aujourd’hui âgé de 82 ans, l’ex-maire fusionniste de Chomedey a accepté de rompre avec sa retraite qu’il coule paisiblement dans le Sud de la France, près de Cannes où il s’est établi avec sa conjointe, pour revivre les moments de cette journée historique de l’été 1965. « »T’a veux-tu ta ville de Laval? » m’avait demandé le premier ministre du Québec, Jean Lesage», se rappelle Me Lavoie, qui siégeait à l’Assemblée législative comme député libéral du comté de Laval, alors que la grande annexion débattue à Québec ne tenait plus qu’à un fil. À la dernière minute, se remémore-t-il, l’Union nationale, qui contrôlait le conseil législatif – un petit sénat qui avait droit de vie ou de mort sur les lois adoptées par les élus – imposa un amendement au projet de loi, en vertu duquel des élections municipales devaient se tenir dès novembre 1965, plutôt que 12 mois plus tard comme le prévoyait le texte initial. «Je voulais tellement l’intégration; j’y avais travaillé tellement fort que j’ai accepté cette condition sine qua non», poursuit Me Jean-Noël Lavoie, maire fondateur qui fut nommé à l’unanimité le 16 août 1965 par le conseil provisoire formé des maires des municipalités annexées et d’anciens conseillers municipaux. Le 7 novembre 1965, Me Lavoie sera battu au scrutin général par Me Jacques Tétreault, premier maire élu de Laval.
Quarante-cinq ans plus tard, le célèbre fusionniste n’est pas convaincu que Laval aurait vu le jour si le projet de loi n’avait pas été adopté à cette dernière journée de la session parlementaire d’août 1965. «L’année suivante, l’Union nationale prenait le pouvoir», souligne Me Lavoie, insistant pour dire que le bras droit du chef Daniel Johnson, à savoir l’organisateur unioniste de Laval-des-Rapides, André Lagarde, s’opposait farouchement au projet d’annexion.
Étapiste
Déjà à l’époque, les fusions municipales, qui n’étaient pas monnaie courante, n’avaient pas la faveur populaire.
Laval a beau avoir été créée dans la douleur, la contestation et la controverse, le 6 août 1965 demeurera toujours pour Jean-Noël Lavoie le haut fait d’armes d’une carrière politique longue de 21 ans à l’Assemblée nationale et riche de 14 campagnes électorales provinciales et municipales confondues.
Me Lavoie avait réalisé en mars 1961 une première étape de la grande fusion de 1965.
Alors maire de l’Abord-à-Plouffe, il avait fusionné sa municipalité à celles de Renaud et de St-Martin pour créer la nouvelle ville de Chomedey. Pour lui, le succès de cette première fusion était garant de la réussite de la seconde. Rapidement, il part en campagne pour que les 14 municipalités soient regroupées en deux grandes villes, délimitées par le chemin de fer du Canadien Pacifique. La Commission Sylvestre en décida autrement : une seule ville serait créée.
Le projet que l’ex-maire défendait se voulait une «étape préliminaire» à une éventuelle grande unification du territoire. «Je ne voulais pas prendre les bouchées trop grandes», dit-il.
Le temps pressait
Mais il fallait agir vite, d’autant que l’explosion démographique que connaissait l’île Jésus donnait lieu à un développement à gogo sans aucune planification d’aménagement.
«Les deux grands objectifs de la fusion visaient à donner une vocation urbaine à l’ensemble du territoire et à créer une activité commerciale et industrielle tout en donnant une direction à son développement», termine le principal intéressé, en louangeant le travail des maires qui lui ont succédé avec une pensée toute spéciale pour les hauts fonctionnaires Marc Perron et Claude Asselin, qui ont assuré la direction générale de la Ville au cours des 41 premières années de sa fondation.