Avec une augmentation de 35 % entre 1996 et 2006, la population anglophone de Laval, estimée à 68 460 individus, est la communauté d’expression anglaise qui a connu la plus forte croissance en dix ans. C’est ce que conclut le dernier rapport de la Direction de la Santé Publique de Laval (DSP).
Une augmentation qui ne surprend pas le Mouvement Laval français. «Je ne suis pas du tout étonné, car depuis 1995, on a publié plusieurs mémoires là-dessus. À chaque fois qu’on compilait les chiffres de Statistique Canada, on voyait cette augmentation, rapporte Pierre-Benoît Livernois, vice-président de l’organisme.
Si le sujet intéresse les groupes de défense de la langue, la députée des Mille-Îles, Francine Charbonneau, estime qu’il préoccupe tout autant la population. «Au moins une fois par semaine, un citoyen va m’interpeller par rapport à la relation à la langue ou me dit « j’ai été au Carrefour et il y a des enseignes en anglais », rapporte-t-elle. Mais je crois que Laval reste francophone. Oui, il y a des familles anglophones, mais dans le quotidien, Laval reste français», pense celle ni ne voit pas une grande différence dans le quartier de Duvernay.
Langue maternelle non officielle
Toujours selon le rapport basé sur les données du recensement de 2006, cette population serait en majorité constituée de personnes n’ayant ni l’anglais ni le français comme langue maternelle.
En effet, «40 275 individus [soit 58,8 % des anglophones] ont une langue non officielle comme unique langue maternelle», indique le document. Des données qu’il faut prendre avec précaution, d’après Marie-Andrée Authier, agente de planification, programmation et recherche à la DSP de Laval. «Cela ne veut pas dire que ce sont uniquement des immigrants, prévient-elle. Cela peut être aussi des enfants nés ici, mais dont les parents ont décidé de leur parler dans leur langue d’origine. Et donc, leur langue maternelle, soit la première langue apprise, ne sera ni le français ni l’anglais.»
Disparité sectorielle
Parmi la population immigrante de Laval, ils seraient deux fois plus à appartenir à la population anglophone que francophone, selon l’étude.
Une donnée qui se reflète également dans la répartition par secteur de la communauté d’expression anglaise, concentrée dans les secteurs de Chomedey, Duvernay et Sainte-Dorothée.
«Cela dépend vraiment du quartier, confirme Benoit Livernois. À Sainte-Dorothée, près de Samson et l’A-13, mais si on fait une tournée de l’île Jésus, on ne perçoit aucun changement dans l’affichage à Duvernay, Auteuil ou Vimont», explique le vice-président qui demeure à Laval-Ouest depuis 50 ans. «Chez moi, c’est l’inverse. Au début c’était anglophone et aujourd’hui, c’est francophone à 84 %.»
Une responsabilité gouvernementale ?
Pour freiner cette anglicisation que plusieurs jugent inquiétante, des voix s’élèvent pour faire valoir le rôle du gouvernement provincial, à l’image du sociologue Mathieu Bock-Côté.
«La langue, c’est national. L’état québécois a une fonction première, la fonction de défendre ce qui fait l’identité québécoise», croit celui qui propose une série de mesures, telles que la francisation des services publics et des petites et moyennes entreprises, rendre obligatoire la maîtrise du français au moment de la sélection des immigrants ou encore augmenter les classes de francisation. «En plus d’une baisse des budgets assignés à la francisation dans les années 1990, la Loi 101, qui était assez musclée au début, a de moins en moins de mordant, sous la pression de la Cour suprême et la volonté du Québec. Enfin, la société a changé. Aujourd’hui, certains Québécois francophones réclament le bilinguisme pour leurs propres enfants», fait-il remarquer.
Mais pour Francine Charbonneau, il est impossible d’instaurer une police de la langue. «Les lois sont faites pour être respectées et le gouvernement tente de les renforcer. Le citoyen est aussi là pour nous aider et dénoncer. Dans mon comté, ils le font très bien, dit-elle. De toute façon, aussitôt qu’une personne sort de son domicile, ça se passe en français et ce qui se passe à l’intérieur des maisons devrait rester à l’intérieur des maisons.»
Pour sa part, le Mouvement Laval français pense que la solution passe plutôt par une vaste campagne d’information. «Concernant l’affichage dans les commerces, beaucoup sont mal informés. Oui, la responsabilité est à l’État, mais cela pourrait se faire de concert avec la municipalité», suggère Pierre-Benoît Livernois.
On peut consulter le rapport sur le site de l’Agence de la santé et des services sociaux de Laval au www.sssslaval.gouv.qc.ca