Depuis la mort d’Éloïse Dupuis en 2016, causée par le refus de transfusion sanguine après l’accouchement en raison de ses convictions religieuses, sa tante Manon Boyer mène un combat pour faire changer la loi afin de limiter les dérives sectaires et trouver un moyen de sauver plus de vies.
«On ne doit pas attendre un autre décès pour agir, affirme Manon Boyer. Je dénonce l’inaction du gouvernement caquiste qui ne semble pas enclin à modifier la lois pour protéger la vie des personnes soumises à la doctrine du sang chez les Témoins de Jéhovah.»
Selon l’information obtenue par le Courrier Laval, le gouvernement provincial devrait faire une annonce concernant ces enjeux au cours de l’année.
«L’étude du dossier, qui devrait prendre encore plusieurs mois, implique la participation de plusieurs ministères», précise Nicky Cahier, attaché de presse du ministère de la Justice.
Contrer les dérives sectaires
«J’ai appelé à plusieurs reprises pour demander si le dossier avait avancé, explique la tante d’Éloïse Dupuis. Ils me répondent qu’il y a une résistance de l’appareil gouvernemental. Je demande au gouvernement Legault de tenir une commission parlementaire sur les dérives sectaires.»
Rappelons qu’en 2019, le gouvernement avait confirmé que des travaux étaient en cours et qu’une annonce serait faite l’automne dernier.
Pendant l’été, Manon Boyer a d’ailleurs collaboré avec le député Donald Martel, adjoint parlementaire du premier ministre, pour compléter des recherches sur l’endoctrinement religieux. Elle s’est même entretenue sur le sujet pendant plus de deux heures avec quelques représentants du cabinet du premier ministre.
«Je crois que la première étape consiste à dresser un portrait précis de la situation, commente Donald Martel, adjoint parlementaire du premier ministre. C’est une tâche à laquelle nous comptons nous attaquer dans les prochaines semaines. C’est à la lumière de cet état de situation seulement que nous serons en mesure d’identifier des pistes de solutions pour contrer les dérives sectaires.»
Refus du sang
Le cas d’Éloïse Dupuis a ébranlé le Québec en octobre 2016 quand, malgré deux hémorragies majeures et de nombreuses discussions avec les médecins, la femme de 27 ans a refusé les transfusions.
«Elle a perdu 80% de son sang et le taux d’hémoglobines est descendu à 18 quand la norme est de 120, raconte Mme Boyer. Le problème est que ma nièce n’était pas capable de faire un choix libre et éclairé parce qu’elle faisait partie des Témoins depuis son enfance.»
Sa tante et quelques proches accusent la police du sang des Témoins de Jéhovah d’avoir refusé à Éloïse l’accès à toute autre personne faisant pas partie de l’organisation.
Rapport du coroner
Dans un rapport rendu public un an après son décès, le coroner conclut que la jeune mère originaire de Sainte-Julienne a exercé son droit de refuser un traitement médical.
De plus, les médecins ne peuvent en aucun cas forcer un Témoin de Jéhovah à recevoir une transfusion sanguine, même si un tel refus peut mener à sa mort.
«Les gens endoctrinés sont les derniers à savoir qu’ils sont dans une telle situation, avoue Manon Boyer. Éloïse ne pouvait pas accepter le sang parce qu’elle pouvait se faire exclure et expulser de la communauté. Elle risquait de perdre son enfant et de ne plus voir sa famille et son mari.»
Si une personne transgresse la doctrine du sang, elle est punissable d’exclusion depuis 1961 par la Watch Tower, la maison mère des Témoins de Jéhovah.
Loi actuelle
En 2009, une décision de la Cour suprême du Canada a tranché en faveur de l’intérêt de l’enfant lors d’un jugement au Manitoba.
Depuis 2017 au Québec, les juges émettent des ordonnances de traitements dans les cas où les parents Témoins de Jéhovah refusent les transfusions pour les enfants.
L’Hôpital peut aller demander au tribunal d’émettre une ordonnance pour obtenir la permission de transfuser et protéger les enfants de moins de 14 ans qui risquent la mort par manque de sang.