Un récent rapport d’Extenso, le centre de référence sur la nutrition de l’Université de Montréal, dresse plusieurs constats concernant le vaste marché des boissons sucrées prêtes à boire vendues en supermarchés et en pharmacies et l’offre de boissons sucrées et d’eau vendues en fontaines libre-service dans les restaurants-minute situés à proximité des écoles défavorisées du Québec.
«À la lumière de ce portrait, il est alarmant de constater que de grandes doses de sucre libre se camouflent dans diverses catégories de boissons sucrées, dont certaines sont de plus en plus consommées au Québec, comme c’est le cas avec les laits et boissons laitières sucrées et les boissons au café froid sucrées», précise Corinne Voyer, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids (Coalition Poids), par voie de communiqué.
«Le sucre se cache derrière plusieurs appellations aux allures parfois « naturelles » dans ces boissons, poursuit-elle. Celles-ci peuvent même se retrouver à proximité d’aliments frais et dans les allées de produits biologiques et naturels, ce qui peut laisser croire aux consommateurs que ces boissons sont des options saines alors qu’elles ne le sont pas.»
Le vaste marché des boissons sucrées prêtes à boire
Selon l’étude exploratoire effectuée par Extenso en 2017 et en 2018, une tasse (250 ml) de boisson sucrée contient une moyenne de 5 cuillères à thé de sucre et peut contenir jusqu’à 11 cuillères. La consommation d’une seule boisson fait donc atteindre la limite quotidienne de sucres libres recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Plusieurs catégories de boissons camouflent aussi du sucre liquide. Celles qui en renferment le plus sont les boissons gazeuses, les boissons énergétiques, mais également les boissons à saveur de fruits, les laits et boissons laitières sucrés, ainsi que les boissons au café froid sucrées.
Ceci est inquiétant sachant que la consommation de ces deux dernières boissons sucrées a augmenté entre 2004 et 2015 selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec. Par ailleurs, la catégorie des cafés et thés sucrés a augmenté de 165 %.
Il est également alarmant de constater que le sucre liquide se camoufle sous une variété de noms : un total de 22 sources et 14 types de sucre ont été répertoriés dans une même catégorie de boissons. Le sucre et le glucose-fructose demeurent des sucres largement utilisés par l’industrie, mais c’est aussi le cas des concentrés de jus de fruits, le sucre de canne et les purées de fruits.
Plusieurs sucres aux allures «naturelles», tels que le sucre, jus ou sirop de canne à sucre, miel, sirop de riz brun ou nectar d’agave, se retrouvent également davantage dans la composition des boissons sucrées. Le sucre de canne était d’ailleurs le plus utilisé dans les nouvelles boissons sucrées mises en marché en 2018.
Extenso prévient toutefois dans son rapport que «naturelle» ne veut pas dire «santé». Certaines catégories de boissons sucrées renferment également des édulcorants qui accentuent le goût sucré des boissons déjà très sucrées. C’est notamment le cas des boissons à saveur de fruits et des eaux sucrées.
Vaste espace occupé par les boissons sucrées
«L’espace-tablette occupé par les boissons gazeuses et les boissons à saveur de fruits mesure 20 mètres (65 pieds) en moyenne et jusqu’à 135 pieds en supermarché, ce qui équivaut à la longueur d’une à deux allées de quilles, déplore Mme Voyer. Cet espace-tablette est malheureusement plus grand dans les supermarchés situés en milieu défavorisé.»
Dans les pharmacies, les efforts de promotion sont très variables entre les différentes bannières. De façon générale, les boissons sucrées sont surtout mises en valeur dans un espace réfrigéré de boissons sucrées offertes en format individuel. La mesure de cet espace réfrigéré surpasse même celle de l’espace-tablette dans ce milieu de vente.
Recommandations
Les boissons gazeuses, les boissons énergisantes ou pour sportifs, les thés glacés, les eaux vitaminées, les cocktails fruités et autres bonbons en bouteille occuperaient une place démesurée dans l’assiette des Québécois.
En effet, elles constituent la principale source de sucre ajouté dans l’alimentation. Une telle habitude serait associée à l’obésité, au diabète, aux maladies cardiovasculaires, à certains cancers et à la carie dentaire. Selon la Coalition Poids, ce sont des produits non essentiels, nuisibles à la santé et à l’environnement et leur consommation devrait être exceptionnelle.
Alors que le Québec affiche un déficit de 15 milliards de dollars, la Coalition Poids et plusieurs organismes et professionnels de la santé recommandent au gouvernement d’imposer une taxation sur les boissons sucrées et de réinvestir ces sommes en prévention.
«Jugée efficace par l’OMS et déjà implantée avec succès dans d’autres juridictions, cette mesure fiscale permettrait de réduire la consommation de boissons sucrées et soutenir des interventions pour faciliter l’accès aux aliments sains dans les milieux défavorisés», soutien Corinne Voyer.
Rappelons que l’obésité coûte annuellement près de 3 milliards de dollars aux contribuables québécois. La COVID-19 réitère certainement l’urgence de hausser les investissements en prévention des maladies chroniques et de l’obésité pour assurer une meilleure résilience de la population et pour réduire la pression sur le système de santé.
Mme Voyer ajoute que chaque dollar dédié en prévention offrirait un excellent retour sur l’investissement. «La taxation des boissons sucrées réduit l’impact des stratégies de prix de l’industrie et envoie un message clair qu’il s’agit de produits d’exceptions, conclut-elle. Cette taxe permettrait d’épargner des souffrances et des coûts évitables, tout en désengorgeant notre système de santé.» (N.P.)