Laval a perdu l’équivalent de 12 terrains de soccer de milieux humides dans les deux ans et demi suivant l’adoption de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques.
Entre juin 2017 et la fin de l’année 2019, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a autorisé 16 des 36 demandes (44 %) provenant de promoteurs désireux de construire en milieux humides, selon la compilation dressée par le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval.
Ce dernier évalue les pertes à 8,13 hectares, lesquels s’ajoutent aux remblais illégaux qui s’effectuent ici et là sur le territoire.
20 autres demandes
Dénonçant la propension du Ministère à délivrer des certificats d’autorisation en vertu de l’article 22 relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, le CRE s’inquiète de voir disparaître d’autres milieux humides dans un très proche avenir. Il cite à cet égard les 20 autres demandes actuellement en traitement au bureau régional du MELCC qui menaceraient une superficie estimée à 15,3 hectares en milieux hydriques.
Régime déficient
Pour le directeur du CRE, Guy Garand, la stratégie ministérielle derrière l’adoption du Règlement sur la compensation pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques, à l’automne 2018, est un échec.
Dans un objectif de zéro perte nette, cette mesure visait à recréer, ailleurs, un milieu humide de superficie comparable à celui remblayé aux fins de développement via une compensation financière imposée aux promoteurs.
Or, toujours selon le CRE, ce Règlement aurait permis de percevoir pour la région de Laval près de 5 M$ tout en ne protégeant seulement que 0,82 hectare en compensation.
«Le nouveau régime ne serait-il qu’une taxe déguisée, une façon pour le gouvernement d’accumuler de l’argent sans protéger les milieux humides? questionne l’organisme dans un communiqué publié le 19 mai. L’application de ces orientations ministérielles ne freine pas l’aménagement irresponsable, mais rend plutôt la destruction d’écosystèmes essentiels acceptable socialement.»
L’organisme s’interroge sur l’application par la Ville de Laval et le gouvernement du principe selon la séquence d’atténuation «éviter-minimiser-compenser», rappelant que l’objectif ultime est d’éviter dans la mesure du possible toute perte additionnelle de milieux humides.
«L’application qui est faite du principe d’aucune perte nette fait en sorte que le milieu humide altéré est compensé en superficie équivalente, mais sans considérer sa nature initiale, déplore-t-il. Ainsi, un marécage détruit est compensé par un écosystème qui a souvent des fonctions et une biodiversité différente. Détruire une maison et la compenser par une tente de superficie équivalente reflète l’absurdité de ce principe d’interchangeabilité des écosystèmes.»
Plan régional
Par ailleurs, le CRE rappelle que l’administration Demers est à élaborer son Plan régional des milieux humides et hydriques, lequel doit être soumis pour approbation au Ministère d’ici la mi-juin 2022.
Afin de s’assurer que ce «Plan ne s’avère dépourvu de signification», l’organisme de pression «demande que la Ville applique véritablement la séquence d’atténuation «éviter-minimiser-compenser» de manière à protéger les 1550 hectares de milieux humides «immensément diversifiés» sur l’île Jésus.
«L’importance des milieux humides est reconnue scientifiquement et légalement, poursuit l’organisme. Ils doivent être pris en compte dans l’aménagement du territoire.»
En clair, pour le Conseil régional de l’environnement, les autorités ne devraient recourir au principe de la compensation que lorsque la destruction d’un milieu humide est inévitable.
Des éponges
«Recréer un milieu humide fonctionnel, riche et aussi performant n’est pas toujours possible et peut prendre plusieurs décennies, alors que la conservation d’un milieu humide existant requiert moins d’une minute de volonté politique», affirme le CRE.
Qu’il s’agisse de plaines inondables, marais, marécages, étang ou tourbières, ces écosystèmes essentiels contribuent à emmagasiner et traiter les eaux de pluie, de ruissellement et de la fonte de neige, contrôler les crues saisonnières, mitiger les inondations, favoriser le maintien de la biodiversité et à filtrer et retenir les contaminants, ne manque-t-il pas de rappeler.
«Nous faisons face à un système permissif et à un désengagement flagrant envers notre capital naturel et notre bien commun, se désole l’organisme. C’est ce capital qui nous donne une résilience face au maintien de la biodiversité et aux changements climatiques.»
«On s’attaque aux catastrophes naturelles à coups de milliards de dollars, de climatiseurs et de sacs de sable tout en cumulant les incohérences. Nous avons besoin d’un réel plan de conservation des milieux naturels pour protéger ces trésors écologiques dont nous dépendons tous», termine l’organisme voué à la protection de l’environnement.