Version modifiée: 5 octobre 18h15
Comme un air de déjà-vu.
Baptisé du nom Les Amis du Bois de Naples, un mouvement citoyen s’est formé à l’été pour faire obstruction au parachèvement projeté du boulevard Dagenais à travers cet espace vert de 40 hectares situé à l’ouest du boulevard des Laurentides.
Cela n’est pas sans rappeler le récent combat du groupe de pression Les Amis du Boisé du Souvenir. Né en 2013, ce regroupement réclamait la protection d’un boisé quatre fois plus petit, alors menacé par le projet de raccordement du boulevard du Souvenir par-delà la voie ferrée du Canadien Pacifique, à un jet de pierre du centre-ville. Quatre ans plus tard, à l’été 2017, l’administration Demers se rendait aux revendications des Amis du Boisé, acceptant de retirer le projet routier de la version finale du Schéma d’aménagement et de développement révisé (SADR) tout en lui attribuant un statut de protection.
Incidemment, dans son mémoire déposé au printemps 2017 dans la foulée du second projet de SADR, le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval écrivait que «le raccordement des boulevards Dagenais et du Souvenir serait une grave erreur» en raison du fait que des milieux humides et des boisés s’en trouveraient détruits.
16 milieux humides à protéger
La semaine dernière, Les Amis du Bois de Naples et le CRE sortaient publiquement pour demander à la Ville d’intégrer cet espace vert à son Plan de conservation et de mise en valeur des milieux naturels, rendu public le mois dernier.
«Le Bois de Naples est un chaînon essentiel du corridor écologique qui connecte, entre autres, les Bois du Souvenir, du Trait-Carré, d’Édimbourg et de l’Équerre à la rivière des Mille-Îles», plaidaient-ils.
L’absence du boisé au Plan directeur de la Municipalité venait ainsi confirmer les craintes qu’avait suscitées, le 7 juillet, l’adoption du Règlement de contrôle intérimaire (RCI) concernant la protection des milieux humides d’intérêt à Laval.
Constatant qu’un seul des 16 milieux humides répertoriés dans le boisé y était protégé, Vickie Lalonde créait le 27 juillet le groupe Facebook Les Amis du Bois de Naples afin de mobiliser les citoyens. Depuis, plus de 170 personnes y ont adhéré.
Ceux-ci joignent leur voix à celle du CRE, qui propose d’inscrire tous les milieux humides de ce territoire au RCI. Ces écosystèmes sont organisés en grappes hydro-connectées à chacun des quatre points cardinaux du boisé délimité au nord par la rue Nantel, à l’est par le boulevard des Laurentides et la rue Le Royer, au sud par les rues de Charleroi et de Pise et à l’ouest par la Route verte.
Grand attachement
Mme Lalonde illustre le «grand attachement» du voisinage envers le boisé par la présence de plus de 60 citoyens lors d’une corvée tenue le 19 septembre à l’occasion de la Journée mondiale du nettoyage de notre planète.
De fait, voilà plusieurs années que le milieu a pris en charge l’entretien des lieux, incluant les trois kilomètres de sentiers balisés par Étienne Lemire.
Natif de Vimont et membre des Amis, Jean Lavoie, ex-directeur adjoint au Service de l’environnement de Laval et ancien président du CRE, atteste de la «très grande valeur» du Bois de Naples.
«C’est un Îlot de fraîcheur extrêmement précieux, dit-il, précisant que Vimont affiche le plus faible indice de canopée derrière Chomedey et que c’est aussi la seule des 14 ex-municipalités à ne pas avoir un accès direct à des berges, sources de fraîcheur dont le secteur est privé. On doit le préserver».
Biodiversité
Biologiste à l’emploi du CRE, Alexandre Choquet souligne la position stratégique du Bois de Naples qui se trouve à la jonction de deux grands corridors écologiques prioritaires de la trame verte et bleue, dont la Route Verte qui relie les deux rivières du nord au sud.
L’autre corridor est celui sous l’emprise des lignes à haute tension d’Hydro-Québec menant du boisé Duvernay au boisé Sainte-Dorothée, ce qui en fait «un maillon névralgique du réseau d’espaces verts très utilisé par la faune» et qui «justifie le besoin de le conserver pour maintenir la biodiversité qu’abrite ce territoire».
À cet égard, le Conseil régional de l’environnement rappelle que la perte et la fragmentation des habitats sont parmi les causes principales du déclin de la biodiversité.
Également biologiste au CRE, Nathalie Gendron a recensé, entre autres, 60 espèces d’oiseaux dans ce boisé de Vimont, dont 52 nichent dans la région.
«Quand on parle de préserver un territoire, on focalise souvent sur les espèces menacées, mais c’est intéressant aussi de regarder les espèces en déclin», indique-t-elle en ajoutant que les populations de 20 de ces espèces sont en diminution.
Quant aux espèces présentes que l’on dit carrément en voie de disparition, Mme Gendron cite l’Hirondelle rustique et le Pioui de l’Est chez les volatiles, la couleuvre brune chez les reptiles et le Monarque chez les insectes.
Enjeu électoral
L’avenir de ce boisé pourrait bien devenir un «enjeu électoral» en 2021, a évoqué le directeur du CRE, Guy Garand. Ce dernier juge insuffisant l’engagement de l’administration Demers à protéger 14 % d’espaces verts sur l’ensemble de l’île Jésus. «Laval a recensé 18,33 % de milieux naturels sur son territoire. Elle devrait tous les protéger», a-t-il lancé.
L’environnementaliste soutient que pour assurer le maintien de la biodiversité, la Ville doit conserver un minimum de 17 % de son territoire en aires protégées, conformément à la cible fixée par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Bref, dans un mémoire de 26 pages qu’il s’apprête à déposer aux autorités municipales, le mouvement citoyen réclame la protection intégrale du Bois de Naples et des milieux humides qu’il abrite.
«Pour les Amis du Bois de Naples, la perspective de la destruction d’un milieu naturel pour le passage d’une route ou pour la densification d’un secteur résidentiel inexistant est inconcevable», terminent-ils.
Présent au point de presse tenu au parc de Naples, adjacent au Bois du même nom, le chef de l’opposition, Michel Trottier, appuie leur démarche.
«Les services de proximité, ça inclut les milieux protégés, dit-il. En temps de confinement, l’accès à des milieux naturels près de la maison, c’est doublement important. Une question de qualité de vie. C’est primordial de protéger le boisé pour des gens du quartier.»