Parmi les constats du projet coordonné Paradoxe initié en avril dernier par le Service de police de Laval (SPL), il apparaît que la flambée de violence armée des deux dernières années provient de criminels de plus en plus jeunes.
Si le travail en collaboration des différentes escouades du SPL et les partenariats soutenus avec d’autres corps policiers semblent porter fruits, le nombre de décharges d’armes à feu ayant chuté de 27 en 2021 à 13 en 2022, les arrestations démontrent que 66% de ces gestes proviennent de jeunes âgés entre 17 et 21 ans.
La pandémie de la COVID-19 qui a sévi au plus fort de la crise en 2020 et 2021 ne peut être écarté comme l’une des causes de ce phénomène.
«Familles plus stressées, beaucoup d’instabilité à la maison avec les écoles fermées et des organismes communautaires ébranlés, c’était la tempête parfaite, d’observer Pierre Brochet, directeur de la police de Laval. Pour éviter la prison, le crime organisé recrute de plus en plus jeune.»
Prévenir plutôt que guérir
Devant ce rajeunissement marqué de la violence armée, le SPL a pris le taureau par les cornes en multipliant les initiatives.
Mentionnons, entre autres, la création de trois équipes sportives en soccer, volleyball et basketball; le projet de boxe pour des dizaines de jeunes dont plusieurs avaient déjà pris une tangente criminelle; des rencontres régulières avec 20 organismes à la Table lavalloise sur la criminalité juvénile et la violence urbaine; les 135 participant aux 2 conférences Mon ado est-il en sécurité dans mon quartier?; ainsi que les visites hebdomadaires d’agents sociocommunautaires dans des écoles secondaires.
«Il faut travailler sur les jeunes qui sont sur la ligne et pensent embarquer avec eux [les gangs criminalisés], d’ajouter chef Brochet. Il faut donner d’autres options à nos jeunes.»
Données encourageantes
C’est le mardi 27 septembre que la police de Laval a convoqué les médias afin d’illustrer la réussite de Paradoxe, un projet mis en place après que les décharges d’armes à feu soient passées d’un phénomène marginal, avec une moyenne de 13 à 14 événements annuels jusqu’en 2019, à une explosion jamais vue de plus d’une quarantaine de fusillades en 2020, puis un nombre semblable en 2021; tous reliés à des meurtres, tentatives de meurtres et gestes d’intimidation vers des autos et maisons.
Parmi les autres chiffres dignes de mention, mentionnons que de 31 armes saisies, 27 arrestations effectuées et 124 douilles retrouvées sur des scènes de fusillade en 2021; les policiers ont confisqué 39 armes, arrêté 29 individus et fait main basse sur 37 douilles pour des incidents liés à des armes à feu ces 12 derniers mois.
Également, en 2021, le SPL informe que dans les fusillades où les parties étaient connues, 74% impliquaient des sujets reliés à des gangs de rue et 26% à d’autres groupes criminels. On sait aussi que 87% des victimes de coups de feu étaient associées à des organisations criminelles.
Stratégie proactive
Le SPL a ainsi déployé une série d’actions concertées en renseignement, prévention, partenariat, sur le plan opérationnel, puis dans sa communication élargie.
C’est désormais sur une base hebdomadaire que se rencontrent les escouades spécialisées (Équinoxe, Azimut, Prévention) ainsi que celles en crime organisé, crimes contre la personne, crimes généraux, patrouille à vélo, gendarmerie et autres.
«Nous avons une vue d’ensemble de tous les types de crimes et pouvons prioriser, de préciser Pierre Brochet. Ce sont 45% des armes qui sont saisies lors d’interpellations et 36% pendant des réponses à des appels au 911.»
Le chef Brochet souligne donc le travail d’observation des patrouilleurs du SPL, tout en rappelant que le renseignement [et l’échange d’information] «c’est le nerf de la guerre et on commence avec ça.»
«Il y a un suivi intensif des criminels présents sur notre territoire, d’appuyer Jean-François Rousselle, assistant-directeur au secteur des Enquêtes du SPL. Nos joueurs sont aussi connus dans le grand Montréal. Les services de renseignement se parlent, l’information circule et se retrouve sur nos écrans.»
En ce sens, le SPL a créé récemment le CIVO (Centre intelligent de vigie opérationnelle), notamment pour cibler les criminels violents 24 heures sur 24 sur le territoire.
«C’est assez étonnant ce qu’on peut trouver sur nos sujets d’intérêts sur les réseaux sociaux», d’illustrer Pierre Brochet, relevant le peu de discrétion des criminels se glorifiant sur leur propre page personnelle partout sur Internet.
C’est pourquoi l’une des approches récentes de la police est d’afficher les photos des individus accusés et incarcérés.
«Nous voulons montrer que [le crime], ce n’est pas juste des filles et de l’argent, il y a des conséquences: tu peux te retrouver en prison», de dire chef Brochet.
Face à cette recrudescence de la présence et l’utilisation des armes à feu à Laval comme ailleurs au Canada, voire en Amérique du Nord, Jean-François Rousselle conclut que cela «nous a amené à nous solidariser davantage. On ne l’a pas endigué [le phénomène de violence par arme à feu], mais on a grandement amélioré la situation grâce à la valeur de nos partenariats.»
Le SPL rappelle que tout citoyen peut aussi contribuer aux efforts déployés en rapportant des événements dont ils sont témoins ou victimes.
Toute personne qui aurait de l’information sur un événement ou une enquête en lien avec la violence urbaine liée aux armes à feu peut communiquer de façon confidentielle sur la ligne info de la police de Laval au 450 662-INFO (4636) ou composer le 911.