Pour pallier le manque de main-d’œuvre, le gouvernement Legault a annoncé que des caméras, dotées de microphones seraient installées dans les Maisons des aînés et CHSLD.
Ainsi, le personnel soignant pourrait surveiller visuellement les bénéficiaires, mais aussi écouter ce qui se passe dans leur chambre, au besoin.
AQDR
Le président de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées pour Laval et les Laurentides (AQDR), Pierre Lynch, ne se dit pas contre cette mesure qui pourrait représenter une atteinte à la vie privée, mais reste tout de même prudent sur la manière dont celle-ci sera mise en pratique.
«Mon opinion, elle est partagée, exprime le Lavallois, qui s’est fait connaître pour ses actions dans divers organismes venant en aide aux usagers du système de santé. Premièrement, on sait qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre et qu’à un moment, il faudra automatiser certains gestes pour rendre les choses plus efficaces. Alors, le fait d’installer des caméras dans les chambres n’est pas une mauvaise chose. Par contre, il faut que l’usager ait donné son autorisation pour la mettre en fonction et que lui-même soit capable de décider de la mettre en fonction ou non.»
Clarification nécessaire
Quant à la gestion de cet outil que le gouvernement veut mettre en place, Pierre Lynch soulève quelques points qui, à son avis, devront-être réglementés pour éviter des dérives éventuelles.
«L’utilisation des caméras, c’est une question de besoins personnels et individuels, affirme M. Lynch. Alors, cela ne doit pas être traité comme un geste collectif, mais bien individuel. Pour les gens en perte d’autonomie ou plus vulnérables, il serait important que cette option ne soit pas discutée seulement avec le patient, mais aussi avec les membre de la famille.»
Le président de l’AQDR pour Laval et les Laurentides ajoute aussi que «c’est un outil, maintenant il faut se poser la question, à savoir, comment gérer cet outil.»
Intimité des aînés
Lorsqu’il est question d’installer des caméras dans un lieu aussi privé qu’une chambre, la question de l’intimité est indubitablement soulevée. Comment gérer cet aspect autour duquel gravitent les fondements même des droits individuels?
«Le milieu de vie où vit l’individu est SON milieu de vie. Alors en CHSLD, les caméras à l’intérieur des chambres du patient, c’est pour la prévention. On sait que les chutes sont en hausse. Maintenant, on peut installer un équipement pour la surveillance, mais l’utilisation de l’équipement doit être autorisée par l’occupant de la chambre et les membres de la famille», de répéter Pierre Lynch avant de poursuivre:
«Alors à un moment donné, si je suis un patient et que je dis ne pas vouloir que cette caméra soit utilisée, l’établissement doit respecter mon souhait et il n’y aura pas de surveillance par caméra. Cependant, je dois assumer les conséquences de ma décision. L’État peut installer de l’équipement, mais son utilisation doit respecter les droits individuels de la personne. La question du droit à la dignité devra définir si l’utilisation d’un nouvel outil est applicable ou pas.»
Abus possibles
«Si un établissement transgresse la volonté d’un de ses patients, elle devra répondre de ses gestes et se met en position de se faire poursuivre», précise Pierre Lynch.
Du côté du CISSS de Laval, on affirme approuver ces nouvelles mesures et tient à assurer qu’il s’agit de pratiques qui seront bien encadrées.
«Le CISSS de Laval est en faveur de l’installation de caméras dans les chambres des résidents dans les CHSLD et dans les Maisons des aînés, affirme Marie-Ève Despatie-Gagnon, porte-parole du CISSS de Laval. Nous sommes convaincus qu’elles auront un impact significatif et positif au niveau de la sécurité des aînés, tout en respectant le choix et l’intimité de ces derniers. L’installation de caméras dans les chambres représente une solution par une technologie qui soutient l’équipe de soins et permet de mieux intervenir auprès des résidents.»
Mme Despatie-Gagnon précise d’ailleurs qu’un consentement légal devra être fourni au CISSS de Laval par les résidents ou leur famille, s’ils ne sont pas en mesure de le faire. De surcroît, le projet sera offert aux bénéficiaires qui seront libres de l’accepter ou non.
«Les systèmes de surveillance dans les chambres devront donc être requis par la condition de la personne et autorisés par le résident ou son représentant légal, spécifie également Marie-Ève Despatie-Gagnon. Cette technologie sera offerte à tous, et il sera libre à eux d’accepter ou non.»
Le CISSS de Laval a aussi prévu une logistique de captation visuelle et sonore afin de respecter, autant qu’il est possible de le faire, l’intimité des patients qui accepteront ce service.
«L’angle de captation a également été réfléchi pour respecter l’intimité du résident. La surveillance acoustique permettra quant à elle une meilleure compréhension de la situation de santé du résident; s’il parle, crie, manifeste un besoin par la parole, le personnel sera en mesure de comprendre et d’intervenir.»
Quant à la possibilité de collecter des statistiques dans le but d’en faire une base de données que le gouvernement pourrait vendre au privé, le CISSS de Laval affirme qu’il ne vendra ni les images ni les données recueillies par les caméras.