La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac dénonce les commerces spécialisés dans l’offre de produits de vapotage et friandises exotiques accueillant des mineurs.
Dans une plainte au ministre de la Santé Christian Dubé, la Coalition explique qu’au moins deux chaînes de boutiques de vapotage de la grande région de Montréal et d’autres dans la région de Québec ont remplacé leurs étalages de produits de vapotage par des étalages de friandises exotiques ce qui, en vertu de la loi québécoise, les transforme en points de vente ordinaires au même titre que des dépanneurs.
Ainsi, pendant qu’elles continuent de s’afficher de l’extérieur comme étant des boutiques de vapotage, elles peuvent accepter la présence de mineurs dans un environnement qui associe les saveurs exotiques et multicolores de friandises à l’offre des produits de vapotage, bien que les étalages de ceux-ci ne soient plus visibles.
Cette transformation a pris naissance peu après le jugement de la Cour d’appel du Québec qui a rejeté la contestation de l’industrie du vapotage de plusieurs mesures de la loi québécoise, y compris l’étalage et la vue de l’extérieur des produits de vapotage et la vente d’autres produits pour les commerces voulant étaler leurs cigarettes électroniques.
«La transformation des boutiques spécialisées offrant exclusivement des produits de vapotage en commerces qui se spécialisent aussi dans l’offre de confiseries est clairement un calcul d’affaires, à savoir qu’il y aurait plus de bénéfices pécuniers à exposer des jeunes à l’offre de produits de vapotage et au marketing de saveurs qui les entourent, qu’à se contenter de servir une clientèle de vapoteurs adultes», explique, via un communiqué, Flory Doucas, porte-parole de la Coalition.
Les étalages promotionnels de gâteries exotiques fournissent une ambiance juvénile et multicolore qui promeut la tentation de se gâter et de s’amuser selon la Coalition
«On sait déjà que les saveurs ont l’effet de minimiser les risques dans les yeux des consommateurs et des consommateurs potentiels», poursuit Flory Doucas. «Même si ces commerces n’étalent plus leurs produits de vapotage sur les tablettes, leurs noms et enseignes extérieurs indiquent clairement qu’il s’agit de commerces spécialisés dans la vente de cigarettes électroniques. Pourtant, empêcher l’exposition des mineurs aux commerces se spécialisant dans les produits de vapotage était précisément l’intention du législateur lorsque la loi du Québec a été renforcée en 2015.»
Bien qu’une des solutions envisageables seraient de modifier les sections de la loi concernant la vente des cigarettes électroniques, la Coalition ne croit pas que ce soit suffisant.
L’histoire de la lutte contre le tabac démontre que les interventions pour contrer la vente aux mineurs sont parmi les moins efficaces et les moins rentables.
«En d’autres mots, si les jeunes veulent fumer ou vapoter, ils trouveront des moyens pour s’en procurer. La clé est d’empêcher les situations qui favorisent la tentation et le désir de vapoter, ce qui passe en premier lieu par une encadrement qui empêche la banalisation de ses produits. C’est pourquoi nous réitérons notre demande de procéder résolument et rapidement pour interdire les saveurs dans les liquides de vapotage», ajoute la porte-parole.
Le gouvernement du Québec a dernièrement rappelé que «la consommation des produits de vapotage chez les jeunes est en forte progression au Québec» après avoir reconnu l’importance d’interdire les saveurs, il y a plus de trois ans.
«Qu’attend donc le gouvernement pour protéger les jeunes contre le vapotage nicotinique? La transformation des boutiques de vapotage en festivals de saveurs constitue un nouvel élément parmi tant d’autres qui depuis longtemps démontrent la nécessité de passer à l’action», demande Flory Doucas.
En plus de l’interdiction des saveurs (incluant le menthol) la Coalition prône également des mesures comme limiter le taux de nicotine à 20 mg/ml pour les cigarettes électroniques non homologuées ou imposer un volume maximum pour les bouteilles et cartouches de liquides. La Coalition aimerait aussi standardiser l’apparence des dispositifs et des liquides, interdire toute technologie permettant la communication d’informations à partir d’un dispositif non homologué (dispositifs « intelligents »), instaurer un système de permis tarifé de vente, de distribution et d’importation de produits de vapotage et finalement, veiller à mieux circonscrire le nom des boutiques spécialisées afin de limiter leur valeur promotionnelle.
Le lobby du vapotage
«Il importe de savoir que derrière la plupart des opposants à un encadrement plus sévère se cachent des intérêts commerciaux. Certains regroupements représentent ouvertement l’intérêt des importateurs, distributeurs et commerçants de liquides et dispositifs comme l’Association canadienne du vapotage, mais il y a aussi des entités qui se présentent comme des mouvements populaires. Mais de façon moins transparente, les campagnes des vapoteurs sont souvent financées par les fabricants de cigarettes électroniques, dont les grands cigarettiers», précise madame Doucas.
La Coalition prend pour exemple, l’agent financier pour les élections fédérales du groupe Rights4Vapers/DroitsDesVapoteurs (ou la Coalition pour les droits des vapoteurs – CDVQ) qui était le président de l’Association des représentants de l’industrie du vapotage (ARIV) fondée notamment par les fabricants de cigarettesImperial Tobacco et JTI-Macdonald. Selon la Coalition, bien que Rights4Vapers se présente comme étant une mobilisation citoyenne, le groupe entretiendrait des liens étroits avec l’industrie du tabac, des groupes commerciaux libertaires et l’industrie canadienne du vapotage. La Coalition trouve notamment parmi ses dirigeants un professeur financé par la Foundation for a Smoke-Free World de Philip Morris, le chef de la World Vapers Alliance qui est financée par l’Atlas Network (réseau anti-réglementation des frères milliardaires Koch) et le chef de la Taxpayers Protection Alliance (groupe façade de l’Atlas Network).
Nouvelle-Écosse
La CDVQ affirme que le taux de tabagisme en Nouvelle Écosse aurait augmenté suite à l’entrée en vigueur de l’interdiction de la vente des liquides de vapotage en avril 2020, ce qui est faux. En effet, l’enquête la plus récente et robuste sur le taux de tabagisme au Canada (l’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes) indique que le taux de tabagisme (fumeurs actuels) dans la province est passé de 18% en 2019, à 13,2% en 2020 et 13,5% 2021, en spécifiant que la variation entre 2020 et 2021 n’est pas statistiquement significative. La hausse des ventes des cigarettes légales observée dans les provinces des Maritimes s’explique par la baisse de la contrebande en raison des confinements et des contraintes sur les déplacements lors des premières vagues de la COVID et par la fermeture des commerces et entreprises («smoke-shacks») des réserves autochtones situé au Québec réputés être des sources alimentant en cigarettes de contrebande certains territoires et provinces beaucoup plus éloignés. (É.B./IJL)